La Kabylie produit une importante quantité de l’huile d’olive, allant jusqu’à plus de 25 millions de litres, par an. Cette magnifique région de notre beau et vaste pays, l’Algérie, peut augmenter le rendement de la production oléicole et améliorer, considérablement, la qualité de ce liquide précieux. Dans ce reportage, nous donnons la parole à des propriétaires d’huileries, mais aussi à des spécialistes en agronomie. Les potentialités existent pour que ce secteur contribue, énormément, au développement de l’économie nationale.
Une journée printanière se fait une place au milieu de la saison froide. Le ciel d’azur accompagne un soleil généreux. Très tôt, nous arrivons à Tazmalt, une commune de Béjaïa, limitrophe de la wilaya de Bouira. Les huileries sont très nombreuses dans cette bourgade. Cette année la récolte est abondante et les agriculteurs très contents. Le prix du litre est fixé à 800 DA. Pour mieux décrypter ce métier ancestral, nous interrogeons Da Ali, un propriétaire d’une huilerie moderne. « Produire l’huile d’olive demande un savoir-faire. Certes, les machines industrielles nous aident, énormément, mais il faut maîtriser beaucoup de techniques », estime le vieil homme. Selon notre interlocuteur, il faut bien connaître les variétés des olives. Par exemple, une olive mûre donnera une huile plus douce, plus abondante mais qui se conservera moins longtemps. Une olive verte donnera une huile plus fruitée et plus typée, qui se gardera mieux mais sera moins abondante. C’est votre goût et surtout celui de vos clients qui dictera votre choix. C’est une fausse vérité de dire qu’une olive bien mûre donne plus d’huile qu’une olive qui l’est à peine. En fait, l’olive étant plus sèche, la proportion d’huile est plus importante mais la quantité absolue est la même. C’est à la véraison que la quantité d’huile est optimum. Selon l’altitude, la véraison est terminée de fin octobre à fin janvier. Ce qui complique le choix, c’est que toutes les olives ne mûrissent pas en même temps. Sur un même arbre, il n’est pas rare d’en trouver de totalement vertes et d’autres mûres au point de tomber au sol. Les branches exposées au soleil mûrissent évidement plus rapidement. D’où l’importance d’un bon éclaircissement de l’arbre pendant la taille de fructification. Il est déjà assez pénible et fastidieux de devoir trier les olives par calibre et par état sanitaire sans y rajouter un tri par couleur. La maturité des olives a un autre impact important. C’est elle qui va déterminer avec quelle facilité elles vont se décrocher de l’arbre. Bien évidement, plus elles seront mûres et moins la récolte sera pénible. Le problème c’est que si vous attendez trop longtemps, beaucoup seront tombées toutes seules. Si vous n’avez pas préparé votre terrain pour les recevoir, ce sera autant de perte. De toute manière, ces olives tombées ne devront pas être salées et devront aller au moulin. Nous quittons le passionné des olives pour voir un autre. Nous rebroussons chemin à Ighze-Amekrane, une magnifique commune de la vallée de la Soummam. Ici, c’est la capitale des olives. Des milliers d’oliviers sont plantés un peu partout. L’agriculture oléicole est une pratique très ancienne dans la région. Nous arrivons à Selouana, chez un propriétaire d’une huilerie traditionnelle. Nacim, un jeune universitaire, diplômé en informatique, n’ayant pas trouvé de travail dans son domaine, il décide de redonner la vie au moulin de ses aïeux. « Je gère cette huilerie depuis 4 ans. Beaucoup de clients préfèrent venir chez nous que d’aller vers de huileries modernes. Même si le rendement est plus faible, la qualité de l’huile est unique », précise le jeune homme, qui ne cesse de sourire.
Les bonnes conditions pour produire une huile d’olive de qualité
Pour assurer une bonne qualité de l’huile d’olive, il faut respecter certaines normes. Et pour mieux comprendre ce fonctionnement, nous avons questionné Faouzi Ratbi, ingénieur en agronomie, qui nous dit : « les anciennes méthodes de production de l’huile d’olive ne sont pas très performantes. Les nouvelles machines, et les techniques scientifiques permettent d’assurer de meilleurs résultats. Il y a pas mal de choses qu’il faut maitriser. Par exemple, si la température descend vers 5 degrés en dessous de zéro, l’olive se fripe. C’est la façon dont l’olivier lutte contre le froid. Cela n’est pas catastrophique car, après quelques jours de réchauffement, elle reprendra sa belle forme dodue. Par contre, si la température a chuté plus bas, vers moins 8 à 10 degrés, l’olive restera définitivement fripée et sera impropre à la salaison. Elle donnera toutefois une huile que certains disent excellente mais malheureusement moins abondante. Elle se conservera moins longtemps et sera trouble. Il est fortement déconseillé de récolter sous la pluie. Il ne faut pas non plus, grimper sur des branches mouillées, c’est très dangereux car elles sont très glissantes. Pour l’olivier, les coups de gaule (Amehbak, comme on dit en kabyle) seront autant de blessures qui s’infecteront facilement avec le ruissellement de l’eau de pluie. Les olives tombées au sol seront souillées par les éclaboussures. Leur humidité ne permettra pas de les stocker longtemps avant que la moisissure ne s’installe. Bien entendu, même si les olives ne sont pas fripées, il est déconseillé de récolter par temps de neige qui tombe dans plusieurs régions montagneuse telles que Adekkar, Akfadou, Chemini et Feraoune ». Selon ce même spécialiste, si vous avez des clients qui sont à la recherche des premières olives de l’année et sont prêts à payer un peu plus cher, il sera peut être profitable d’anticiper la récolte des arbres les plus avancés, quitte à devoir passer un peu plus d’olives vertes à l’huile. Durant, les années de bonnes récoltes, certains moulins sont débordés de travail au point qu’obtenir un rendez-vous pour nos olives relève du parcours du combattant. Si vous ne pouvez pas les stocker de manière convenable en attendant le grand jour, la pourriture s’installera rapidement. Quand les olives restent stockées durant plus de 10 jours, l’huile aura plus d’acidité. Donc, elle ne sera pas de bonne qualité.
Comment augmenter le rendement ?
Le rendement en huile d’olive s’exprime, soit en kilogrammes d’olives nécessaires pour obtenir un litre d’huile, soit en litres d’huile obtenus pour 100 kg d’olives. Ainsi, s’il faut 10 kg d’olives pour obtenir 2 litres d’huile, on dira que le rendement est de 20%. On peut également utiliser un poids d’huile en kg, plus facile à déterminer (balance) à la place des litres. Le rendement est alors légèrement plus faible car un litre d’huile pèse environ 0,9 kg. Il est important de noter que le rendement en huile est différent du rendement en fruits (quantité de fruits par ha ou par arbre), même si ces 2 rendements sont liés. Le rendement en huile dépend avant tout des quantités d’eau et d’huile contenues dans l’olive. Au cours de sa croissance l’olive contient une quantité d’eau toujours importante. L’huile n’apparaît qu’en fin de croissance, dans les 2 ou 3 mois avant la pleine maturité (Octobre /Novembre). La quantité d’huile croit durant la phase de maturation et reste stable par la suite. Par contre, la quantité de poly-phénols (antioxydants) décroit à partir du moment où les olives « tournent ». D’où l’importance du choix de la date de la récolte. Les quantités d’huile et d’eau et leur proportion respectives dépendent de différentes variables. D’abord, la variété de l’olive. En général les variétés à gros fruits qui contiennent plus d’eau et moins d’huile donnent des rendements plus faibles. Puis, il y a l’état de maturité. En début de maturité il y beaucoup d’eau par rapport à l’huile et le rendement est faible. C’est l’inverse en fin de maturité quand la quantité d’huile est maximale. Sans omettre, la date de récolte, qui est liée à la maturité. Une récolte après la fin de la maturité (sur- maturation) conduit à des rendements plus élevés car les olives ont perdu de leur eau. Il y a, en outre, les conditions climatiques à la récolte. Ces conditions climatiques vont avoir une influence sur la quantité d’eau contenue dans l’olive. Ainsi un climat sec et froid diminue la quantité d’eau (flétrissement) et accroît le rendement car la quantité d’huile reste constante. Il y a, bien sûr, les conditions de stockage des olives qu’il ne faut pas négliger. Produire l’huile juste après la récolte ne conduit pas, en général, à une perte d’eau et donc assure un meilleur rendement. D’autres facteurs ont une influence parfois difficile à mesurer sur le rendement en huile. Il y a les conditions de culture, l’irrigation, la fertilisation et bien d’autres paramètres, lesquels conduisent à des olives plus ou moins riches en eau et en huile. Enfin, il y a le climat et le sol. Au cours du cycle de croissance de l’olivier et de l’olive, le climat (sec ou humide), la température, la nature du sol et son drainage ont une influence sur les quantités d’huile et d’eau contenues dans l’olive et donc sur le rendement. Le savoir-faire du moulinier et la technique qu’il utilise (méthode traditionnelle ou moulin moderne). Le rendement en huile dépend donc de la quantité d’eau contenue dans l’olive. Cette quantité dépend elle-même de différents facteurs : variété, date de récolte, conditions climatiques, stockage des olives, sol, conditions de culture. Les deux facteurs les plus importants sont la date de récolte et les conditions climatiques, lors de cette récolte si bien que pour une même parcelle et une même variété le rendement est variable. En somme, il faut plusieurs facteurs pour assurer une bonne qualité des huiles et un meilleur rendement. Il ne faut pas négliger le savoir-faire des anciens, mais il faut aussi maîtriser les techniques modernes qui se basent sur des normes scientifiques. Ainsi, nous pouvons avoir une bonne huile qui peut être commercialisée en Algérie et pourquoi pas à l’étranger.