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La face cachée du rapport Stora

Le Président de la République m’a confié en juillet 2020 une mission pour la rédaction d’un rapport sur les questions mémorielles portant sur la colonisation, et la guerre d’Algérie. Il écrivait, dans la lettre de mission : Je souhaite m’inscrire dans une volonté nouvelle de réconciliation des peuples français et algériens.

Le sujet de la colonisation et de la guerre d’Algérie a trop longtemps entravé la construction entre nos deux pays d’un destin commun en Méditerranée. Celles et ceux qui détiennent entre leurs mains l’avenir de l’Algérie et de la France n’ont aucune responsabilité dans les affrontements d’hier et ne peuvent en porter le poids. Le devoir de notre génération est de faire en sorte qu’ils n’en portent pas les stigmates pour écrire à leur tour leur histoire.

Ce travail de mémoire, de vérité et de réconciliation, pour nous‐mêmes et pour nos liens avec l’Algérie, n’est pas achevé et sera poursuivi. Nous savons qu’il prendra du temps et qu’il faudra le mener avec courage, dans un esprit de concorde, d’apaisement et de respect de toutes les consciences.

Aussi, conscient et respectueux de vos engagements, je souhaite pouvoir compter sur votre expérience et votre connaissance intime et approfondie de ces enjeux pour nourrir nos réflexions et éclairer nos décisions, en vous confiant une mission de réflexion».

CACHEZ-MOI CETTE HISTOIRE QUE JE NE SAURAIS VOIR…

C’est ainsi que débute le rapport Stora, qui dès le début des 160 pages, cherche à s’inscrire dans une perspective de transparence et de vérité. Mais il a lamentablement failli, pour les raisons qu’on va énumérer.

Largement critiqué, rejeté de part et d’autre (même les harkis l’ont résolument refusé), il a été disqualifié avant même de bénéficier d’une diffusion publique.

Stora n’est pas arrivé à se départir de son travail d’historien événementiel, ingurgitant et s’attardant sur les anecdotes historiques et les petites misères de la guerre, alors qu’à la source il y a génocide. Qui demande à être assumé.

Dans son livre « Le Miroir », de Sidi Hamdan Ben Othman Khoja, un érudit algérois de culture livresque, affirme qu’à la veille de l’expédition d’Afrique, la population « algérienne » était de 10 millions. Moins de trente ans plus tard, elle sera, lors d’un comptage coloniale de seulement deux millions d’âmes. Où sont passé 8 millions d’Algériens ? Morts, assassinés, ou de faim, ou déportés, ou passés en Tunisie et en Syrie. Il s’agit en tout cas de la plus grande extermination de communautés autochtones du XIXe siècle, beaucoup plus importante que celle des amérindiens d’Amérique.

LA MÉMOIRE SÉLECTIVE DE STORA

Moins d’une année après la colonisation, survint le génocide contre les Ouffia, tribu arabe installé dans la périphérie de l’actuelle El Harrach. C’est toute la tribu qui a été massacré dans d’horribles conditions. Les exactions ne s’arrêteront plus jusqu’en 1870‐1871, années des grands soulèvements tribaux d’Algérie.

Passons les enfumades, les viols systématiques, les razzias et les déportations. A ces tristes pages, Stora oppose une histoire sentimentale et émotive, une narration des souffrances des soldats français dont ils tirent des paragraphes émouvants. Il n’oublie pas sa communauté et en dresse des pages intéressantes sur les juifs algériens. Mais aucun mot sur le présionisme qui avait bel et bien débuté avec Adolphe Crémieux, qui le premier, finançait déjà, via l’International israélite, les premiers contingents juifs vers la Palestine.

Rien aussi sur le décret Crémieux, qui faisait des juifs algériens des citoyens français et recalait les Algériens, dans leur propre pays, à la troisième catégorie de citoyens d’Algérie.

Clin d’œil plein de bons sentiments aussi de la part de Stora aux harkis. « Jacques Chirac a également associé à l’hommage les harkis ‐ les Algériens qui ont combattu aux côtés des Français pendant la guerre d’indépendance de l’Algérie (1954‐1962) ‐ qui ont tant donné à notre pays ».

La France, « adresse aujourd’hui un message tout particulier d’estime, de gratitude et d’amitié à leur égard « , a poursuivi le président français. ! Quarante ans après la fin de la guerre d’Algérie, après ces déchirements terribles au terme desquels les pays d’Afrique du Nord se sont séparés de la France, notre République doit assumer pleinement son devoir de mémoire ».

Ce mémorial, situé quai Branly à Paris, près de la tour Eiffel, consiste en un ensemble de trois colonnes alignées, hautes de six mètres. « Dans chacune d’elles, un afficheur électronique fait défiler dans un premier temps les noms et prénoms de quelque 23.000 soldats, dont 3.000 harkis ».

La part belle est faite à Macron, concernant Audin notamment. Pourtant, sa veuve n’a jamais pu avoir accès à tous les archives concernant son enlèvement et sa mise à mort. Les annexes de la fin du rapport semblent plus intéressantes, avec notamment les Archives relatives à l’Algérie, avec classements, numérisations et mises en ligne, ainsi que le bilan et les perspectives 2017‐2024.

Figure aussi, en annexes, la présentation des fonds relatifs à l’Algérie avec bilan des traitements déjà effectués en matière de classement et de description de fonds d’archives, ainsi que les fonds documentaires ottomans restitués à diverses époques. Quelques perles dans un océan de contresens et de non‐dits. Dommage… Stora est un grand historien.

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