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Entretien avec le chanteur Tarik Akfadou: « Mon Algérie est celle de la tolérance avec une réelle démocratie »

C’est un artiste talentueux qui sait faire des merveilles. Plus de trois décennies de carrière et plusieurs albums sur le marché. Un homme très cultivé et très modeste en même temps. Ses chansons font parler de lui et continueront de le faire pour longtemps car l’art bien fait ne meurt jamais. Dans cet entretien, Tarik Akfadou revient sur ses premiers pas artistiques, nous livre sa vision de la création et nous parle de ses projets.

Comment êtes-vous venus  dans le monde artistique ?

Dès mon très jeune âge, j’aimais chanter. Déjà à l’école primaire, je me souviens, je chantais des chansons révolutionnaires au sein de la chorale où j’ai été membre actif, je cherchais toujours de nouvelles chansons à faire découvrir ça continuait  jusqu’à mon entrée au CEM, où j’ai découvert un autre monde de la chanson, celles engagées, celles de l’amour… Je chantais aussi accompagné par un instrument et c’est comme ça que j’ai, vraiment, commencé à chanter tout seul et monter sur scène. Ainsi, je pouvais  compter sur moi-même devant le public. En 1988, le groupe AKFADOU cherchait un nouvel élément, après le départ de MOUSSA Karbache (paix a son âme), un ami m’a proposé a IDIR AKFADOU et  KHELLAF OUDJEDI, ils ont beaucoup aimé ma douce voix, mon amour pour la chanson et ma façon de chanter. C’est durant cette période que j’ai intégré le GROUPE AKFADOU, alors que je n’avais que 15 ans. C’était, bien sûr, après l’aval de ma mère paix à son âme et de mon grand frère BOUALEM qui m’a, d’ailleurs, acheté ma première guitare et qui devenu, plus tard, plus qu’un frère, un ami et en quelque sorte un manager. C’est ainsi que je suis rentré dans le monde de la chanson. En parallèle de ma participation active avec le groupe Akfadou, avec lequel j’ai réalisé une dizaine d’album de 1990 à 2005 (date de mon départ a Hassi Messaoud ou je réside actuellement),  je mène une carrière en solo avec l’aide de Idir Akfadou et de Khellaf Oudjedi qui m’ont fait les deux premiers albums. Par la suite,  j‘ai commencé, doucement, à faire mes propres chansons avec un nouveau style que j’adore : du sentimental, à texte, avec des guitares, des arpèges. C’est ainsi que j’ai pu m’envoler et vivre ma passion.

Vous avez un parcours singulier. Pouvez-vous nous en parler ?

Un parcours singulier, je ne sais pas (rires)…Ce que je sais, c’est que j’essaye de donner le meilleur de moi-même, je me fais plaisir en chantant et j’aime faire embarquer ceux qui m’écoutent dans mon voyage, les faire balader… Je réalise  que je le fais vraiment avec beaucoup de cœur, je prends mon temps dans la composition et au studio et surtout je fais attention à ce que je chante car je me dis toujours que je peux influencer, donc j’ai une responsabilité morale, avant tout.

Que ce qui vous inspire ?

Je suis quelqu’un de très sentimental, je suis inspiré par tout ce qui est beau, par le paysage de notre cher Kabylie, par une parole bien dite. Je peux être inspiré par un fait, un geste.  Je suis quelqu’un qui ressent beaucoup la douleur des autres et maintenant je suis, aussi, très inspiré par la beauté du désert. Pour moi, s’assoir sur une dune de sable avec la guitare et prendre un thé, bien chaud, et regarder cet horizon interminable… Notre pays est vraiment très beau.

Quelle est la situation de l’artiste aujourd’hui ?

L’art en général et le monde de la chanson passent par une situation extrêmement difficile. Il y a que les vrais amoureux de l’art qui peuvent résister. La situation est décourageante : le CD commence à disparaître et aucune loi ne vient sauver l’artiste de ce que nous voyons aujourd’hui dans ce monde de piratage par internet. Il faut, rapidement, barricader par des lois ce marché anarchique et préserver l’intérêt du créateur et bien sûr l’encourager à produire et se sentir protégé.

Votre nouvel album va bientôt voir le jour. Parlez-nous de ce nouveau travail artistique…

Effectivement, mon nouvel album est fin prêt, avec mon Fidèle arrangeur, l’homme de bonne famille FARID HARFI. Nous venons de réaliser un travail extraordinaire avec beaucoup de cœur et de sérieux.  Je vous promets de très belles choses. Il  y a une vraie variété de sujets, avec sept titres bien ficelés, merveilleusement arrangés, avec des guitares en solo, en contre solos, en arpège. Ajoutant des chorales d’enfants, de jeunes filles et une chanson en duo. J’en dirai pas plus, certes, je suis très satisfait de mon travail mais je préfère laisser le public découvrir et apprécier, car avant tout c’est le seul juge et tout ce que nous faisons et tout ce temps que nous avons pris pour finir l’album c’est pour satisfaire mon cher public qui attend du nouveau.

Que pensez-vous de la chanson algérienne actuelle ?

Que puis-je dire de la chanson algérienne ? Je vous ai parlé, auparavant, de la situation dramatique qui emprisonne l’art. J’ai  dit que la chanson algérienne traverse une mauvaise période. Si la situation  reste comme elle est,  nous allons assister à la mort de la création, à la mort de la culture. Un peuple sans culture est un peuple mort.  Nous avons de très bons artistes qui font des choses extraordinaires, mondialement reconnues L’Etat doit, et c’est son devoir, revoir les lois et se mettre au diapason de ce qui se fait de part le monde. La culture ce n’est pas la remise des cadeaux durant des dates bien précises, mais c’est le travail de tous les jours sur le terrain. L’artiste a besoin du concret : des lois, entre autres. L’homme de culture, en général, a besoin de se sentir encouragé et protégé.

Quelle est votre conception de l’Algérie de demain ?

Mon Algérie à moi, c’est l’Algérie de la tolérance avec une réelle démocratie, l’Algérie où chacun de nous doit se sentir chez lui, s’accepter et vivre ensemble dans la sérénité. Nous avons un très beau pays. Notre peuple a donné une leçon au monde entier, commençons par nos décideurs qui voient en nous un peuple violent. Nous venons de gagner une bataille qui est la plus difficile c’est la réappropriation de la grandeur de ce peuple, civilisé et pacifique, le reste c’est la continuité du combat, le chemin est encore long mais nous y arriverons, si nous sommes unis.

Quel est le dernier livre que vous-avez lu ?

 Le dernier livre que j’ai lu est celui de Rachid Oulebsir, intitulé « Les derniers kabyles » ; un livre passionnant. Comme vous le savez, écrire est la meilleure manière de parler sans être interrompu ; une expression extraordinaire que j’ai entendue dans un film. Comme la chanson, le monde du livre vit les mêmes problèmes. Il faut, donc, encourager les gens à revenir vers la  version papier et d’éteindre le PC et portable pour prendre du plaisir à prendre un livre ou un journal entre leurs mains.

Quels sont vos projets artistiques ?

Pour mes projets : mon album sortira très bientôt, beaucoup d’émissions à la radio et la télévision sont au programme ainsi que des clips à concrétiser.  Nous essayerons d’être à la hauteur de ce que le public attend de nous.

Un dernier mot …

Pour conclure,  je remercie votre journal l’Express de m’avoir permis d’ouvrir mon cœur et dire ce que je veux. Je tiens aussi à rendre un grand hommage à un homme qui nous a  quitté, il y a quelques jours c’est  LYES YAHIA CHERIF ; un  grand compositeur. Sa mort est une vraie perte pour la chanson kabyle. Il était aussi mon producteur, d’ailleurs il m’a composé une chanson qui figure dans mon nouvel album. Dommage qu’il ne l’a pas écouté. La mort l’a pris bien avant. Paix à son âme.

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