J’aime mon pays. Je suis un colonel à la retraite qui a servi en uniforme pendant 32 ans. J’ai effectué 269 missions de combat au Vietnam en tant que pilote d’hélicoptère chez les Marines. J’ai atterri en catastrophe après la destruction de mes commandes de vol par des tirs de mitrailleuses. J’ai effectué 70 patrouilles de combat en tant que contrôleur aérien au sol pour la 1ère division des Marines. J’ai été blessé et mes opérateurs radio sont morts au combat à mes côtés.
Cependant, je suis consterné par l’indécence de l’agression américaine envers la Syrie.
Le 17 mars, le secrétaire d’État (américain) Tony Blinken a réprimandé nos invités chinois à Anchorage, en Alaska, en déclarant qu’ils n’avaient pas respecté « l’ordre [international] fondé sur des règles », sans lequel le monde serait « beaucoup plus violent ».
Mais quel est donc cet « ordre fondé sur des règles » que nous vantons sans cesse ? Il semble que ces règles soient celles que les États-Unis décident de suivre à tel ou tel moment.
De quel droit ?
De quel droit saisissons-nous les navires d’autres nations en haute mer ? Selon les règles, c’est un acte de guerre. Mais nous ne sommes pas en guerre, alors les règles disent que ce sont des actes de piraterie.
Quelles règles nous permettent d’imposer des blocus navals à la Syrie, à l’Iran, au Venezuela ? Ne s’agit-il pas d’actes de guerre ?
Quel « ordre fondé sur des règles » nous permet de dire à l’Allemagne que nous la punirons si elle construit un gazoduc pour s’approvisionner en Russie ? Quelles « règles » nous permettent de dicter le commerce de toute nation souveraine ?
La marche de conquête américaine s’étend sur toute la planète. Nous avons envahi des pays souverains comme la Serbie, l’Irak, la Libye, le Yémen et la Syrie, les laissant tous dans des ruines fumantes.
L’« ordre fondé sur des règles » n’interdit-il pas les guerres d’agression ? N’avons-nous pas poursuivi les nazis à Nuremberg pour de tels actes ? Quelles « règles » font des guerres d’agression des crimes pour les nazis, mais pas pour nous ?
On nous dit que nous menons une « guerre contre le terrorisme », mais ce n’est pas le cas. Nous sommes alliés à des terroristes, comme Al-Qaïda, dans une quête sans remords pour détruire les civilisations arabes dans tout le Moyen-Orient.
Peu d’Américains peuvent seulement donner un nom à nos guerres : Serbie, Irak, Libye, Syrie, Yémen, Somalie, Ukraine. Aucun de ces pays ne nous a attaqués, c’est nous qui les avons tous attaqués.
Un exemple type : la Syrie
Prenons simplement le cas de la Syrie. Rappelez-vous ce qu’était la Syrie autrefois. Elle avait une économie bien équilibrée ; elle produisait la plupart de ses biens industriels, son carburant et ses produits agricoles. Il y avait peu de pauvreté et le commerce était florissant. Elle était financièrement fiable.
Elle était en paix avec Israël depuis 40 ans. La Constitution rédigée sous le président Assad garantit aux femmes l’égalité des droits. Elle garantit la liberté de religion en trois passages différents de son texte. La Syrie est un modèle pour d’autres États arabes, notamment pour l’Arabie saoudite, qui n’a pas de Constitution du tout.
Nous qualifions le président syrien de dictateur, mais en 2014, il a été élu à une écrasante majorité lors d’une élection juste et libre. L’Amérique prétend que les élections n’ont jamais eu lieu, mais de nombreux Syriens ont été tués par des rebelles soutenus par les États-Unis alors qu’ils tentaient de voter.
Après dix ans de guerre, aucun chef rebelle ne s’est imposé comme une figure populaire auprès du peuple syrien. L’Occident aime les terroristes que le peuple syrien méprise. On nous apprend à détester le président Assad parce qu’il a réprimé les émeutiers en 2011 et parce qu’il a « gazé son peuple ». Mais ce n’est pas vrai, car nous avions déjà pris la décision d’attaquer la Syrie dix ans auparavant.
En 2001, le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld a ordonné au Pentagone de rédiger des plans pour renverser les gouvernements de sept pays du Moyen-Orient, en commençant par l’Irak, puis la Syrie, le Liban, la Libye, la Somalie, le Soudan et pour finir, l’Iran.
Aucun n’avait fait de mal aux États-Unis.
En 2006, l’ambassade des États-Unis à Damas a exposé des plans détaillés pour déstabiliser et renverser la Syrie.
C’était bien avant les manifestations en Syrie de 2011, dont nous avons toujours prétendu qu’elles étaient la raison de notre opposition au président Assad.
En mars 2011, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France ont attaqué et renversé le gouvernement libyen, et ont exécuté brutalement le colonel Kadhafi.
Les États-Unis ont doté la Turquie d’un aérodrome pour transporter les armes libyennes capturées à l’aide d’avions qataris. Ces armes ont été livrées aux terroristes en Syrie.
En 2011, pendant le « printemps arabe », le très secret « Centre d’activités spéciales » de la CIA a envoyé des équipes paramilitaires en Syrie pour identifier, former, équiper et diriger des terroristes contre le gouvernement syrien.
En 2013, Barak Obama a officialisé notre soutien de longue date aux terroristes anti-syriens, en autorisant secrètement le programme « Timber Sycamore » de la CIA.
Dans le cadre de ce programme, la division des opérations spéciales de la CIA a entraîné, armé et payé des milliers de terroristes pour combattre la Syrie.
L’OTAN et les États-Unis ont entretenu une intense campagne de propagande contre la Syrie. Les attaques au gaz sarin qui ont tué des civils ont été imputées au président Assad. Mais pas un seul journaliste n’a demandé pourquoi Assad utilisait du gaz contre des enfants et pas contre des brigades blindées de terroristes qui fonçaient sur Damas.
Le secrétaire à la Défense James Mattis a admis, en 2018, que les États-Unis n’avaient aucune preuve qu’Assad avait utilisé du gaz sarin [4].
Deux députés turcs ont été accusés de trahison pour avoir révélé comment une cellule d’Al-Qaïda avait fait entrer dans le pays 2,2 kilos de gaz sarin pour l’utiliser contre la Syrie.
Pourquoi attaquons-nous la Syrie ? Les États-Unis cherchent à s’emparer des routes du pétrole et du gaz qui desservent l’Arabie saoudite et le Qatar. En plus de l’accès aux pipelines, l’Arabie saoudite veut imposer un islam wahhabite à des Syriens qui vivent dans l’harmonie religieuse.
Le jeu double des Américains…
De nombreux groupes terroristes ont juré de décapiter tous les chrétiens et les alaouites et de faire de leurs femmes et de leurs filles des esclaves sexuelles. Un djihadiste a conduit au combat son véhicule blindé de fabrication américaine, avec une esclave nue attachée à son pare-brise, sachant que les soldats syriens ne lui tireraient pas dessus pendant qu’il attaquait.
Les marchands d’armes américains profitent immensément de contrats lucratifs tels que les 600 missiles antichars BMP-71 que la CIA a envoyés en urgence à Al-Qaïda en 2014, juste à temps pour qu’ils attaquent à travers la frontière turque, franchissant les lignes syriennes pour décapiter les chrétiens arméniens dans l’ancienne ville de Kessab.
En 2015, les troupes américaines ont envahi illégalement le nord de la Syrie et se sont emparées illégalement du pétrole syrien. Nous avons autorisé une compagnie pétrolière américaine à construire une raffinerie et à forer pour trouver davantage de pétrole sur des terres syriennes souveraines.
Avant la guerre, la Syrie n’a jamais eu besoin d’importer du carburant, car elle était autosuffisante en pétrole et en gaz naturel. Mais maintenant, l’héritage de la nation a été volé, laissant les Syriens mourir de froid en hiver, alors que nous volons leur carburant.
Cette région est aussi le grenier à blé de la Syrie. Elle en produisait suffisamment pour nourrir la nation. Ce blé a également été volé, et les Kurdes l’expédient aux marchands turcs, tandis que les paysans syriens meurent de faim.
Pour resserrer l’étau sur la Syrie, le secrétaire d’État Mike Pompeo s’est vanté de couper la Syrie de ses sources de devises et de bloquer les pétroliers en provenance d’Iran. Nous avons ainsi causé un grand nombre de morts, de maladies et de souffrances aux pauvres Syriens.
On rappelle régulièrement aux citoyens Américains qu’en Syrie, « nous ne visons pas le peuple, seulement les dirigeants ». Balivernes !
Nous volons la nourriture, le carburant et les médicaments aux pauvres. Nous bloquons les fournitures pour la reconstruction, de sorte que les jeunes Syriens doivent se battre pour vivre, ou mourir de faim.
Si nous mettions fin au blocus, ils pourraient travailler à la reconstruction du pays. Dans la situation actuelle, le seul travail est le combat, qui se poursuivra tant que nous continuerons à l’alimenter.
Le monde doit rejeter ces guerres sans fin. Cela fait 10 ans que nous nous battons contre les Syriens, et nous opprimons le peuple irakien depuis 30 ans, en le bombardant alors même que nous occupons le pays.
Cette folie doit cesser.
Par le colonel Richard H. Black
Ancien sénateur de l’État de Virginie
Ancien chef de la Division du droit pénal de l’armée au Pentagone.
(Compte-rendu de la visioconférence internationale organisée par l’Institut Schiller, le 24 mars 2021.)