Dans son dernier roman intitulé « Nirvana », l’écrivain Amine Zaoui plonge le lecteur dans l’histoire de l’Algérie depuis l’ère ottomane jusqu’à la période post coloniale, dans une description narrative empreinte de symbolique et inspirée du legs populaire.
Paru aux éditions el Ikhtilaf en Algérie et Dhifaf au Liban, le roman Nirvana de Amine Zaoui (294 pages) emmène le lecteur dans des fragments de l’histoire de l’Algérie à travers le parcours d’une famille qui habite le village d’«Arbouz» où l’arrière grand père dénommé Amusnaw Axel Arbouz a choisi de s’installer, fuyant la tyrannie et l’injustice des Ottomans qui ont mis à rude épreuve sa tribu et sa famille en les faisant crouler sous le fardeau de l’impôt. Même après la capture de leurs enfants envoyés comme esclaves au palais de Topkapi, l’arrière grand père a refusé que sa sœur « Dihya » soit emprisonnée par des soldats. Il est alors amené à commettre un crime, pour la libérer et vivre en fugitif avant de trouver refuge dans ce village chargé de traditions et de coutumes folkloriques.
Entre légende et vérité
Dans son ouvrage, Amine Zaoui évoque la vie sociale, politique et économique des habitants d’Arbouz et d’Amizour en conciliant légende et réalité à travers le personnage principal « Anzar », petit fils d’Amusnaw qui nous fait plonger dans les premières expériences de ce jeune qui a atteint « le Nirvana » dans le monde des interdits, celui des femmes, du cigare, de l’alcool, du hachich. Dans ce style narratif, le romancier s’est surpassé dans la reconstitution des événements et des personnages abordant le moindre détail entre les deux villages à travers diverses phases temporelles et de nombreux personnages dont les noms ont des connotations historiques. L’auteur fait prendre au lecteur le goût à l’excitation et au suspense que procure le déroulement des événements qui l’accrochent pour découvrir le sort de l’oncle « Slimane Ouinas », symbole de la révolution et de l’ouverture ou encore celui de « Farida Aït Othmane », suivant un tissage narratif qui révèle les incompatibilités interpersonnelles entre les personnages qui meublent le texte. Les airs du roman reflètent, avec un langage sémantique rare, l’impression de la première fois chez « Anraz » dans tout ce qu’il vit comme états de « Nirvana » qui se limitent à une question aux dimensions philosophiques. Comment la quête de la première fois se transforme en une aventure continue, en vue de rechercher le sens large de la liberté, car la première fois est la première fois et il n’y a pas de seconde fois la question se répète à chaque fois et à chaque situation. Les éléments du patrimoine populaire, les traditions folkloriques ayant un lien étroit avec l’environnement local dans le monde rural algérien ont été employés dans le but d’enrichir le texte. C’est le cas du rapport de la personnalité d’ »Anzar » avec l’âne « Azmour » et dont la tombe s’est transformée en un mausolée et en cimetière visité par les gens pour avoir des bénédictions, après que des ouïes-dires laissaient entendre que la tombe est celle du petit-fils du dernier imam et prêcheur de la mosquée de Cordoue avant sa chute. La grand-mère de la personnalité forte a même fait part de sa volonté d’être enterrée après sa mort dans ce mausolée, bien qu’elle savait que le lieu d’inhumation est celui de l’âne Azmour. Le texte évoque les animaux (l’âne, la chèvre, le cheval, le pigeon, etc.) dans une symbolique parallèle au monde de l’Homme, en vue de mettre en exergue leur place dans le monde rural algérien et leur rapport avec les phénomènes qui s’y déroulent.
Un écrivain prolifique
Ecrivain bilingue (Français et arabe), Amine Zaoui compte parmi les plumes aiguisées du roman algérien qui font honneur aux champs littéraires algériens. L’écrivain a à son actif plus de trente romans. Des romans traduits dans plusieurs langues, dont le Huitième ciel (2008), la Voie de Satan (2009), la Chambre de la vierge impure (2009), « Hadi Al-Tious » (2012) et Nuzhat al-khâter (2013). Né en 1956 à Tlemcen, Zaoui a décroché plusieurs prix internationaux, à l’instar du « Bouclier de la culture libanaise » décerné par le ministère libanais de la Culture (2007). Outre ses romans, Amine Zaoui est également producteur et présentateur de plusieurs émissions radiophoniques et télévisées, consacrées au monde de la pensée, de la littérature et de la philosophie, en sus de ses articles parus dans la presse nationale et étrangère.