Sous la contrainte de la pandémie, les Algériens ont fermé boutique ; les rares institutions qui pouvaient fonctionner par le travail à distance ont tenté le télétravail. Plusieurs cadres découvrent alors, pour la première fois, le travail à la maison.
Premier indice de cet échec, la presse ; elle devait être à la pointe des nouvelles transformations de la communication, mais elle a lamentablement échoué dans son premier test. Preuve en est, le rabougrissement du volume des pages, qui a chuté de 24 à 16 pages. Ceci pour le contenant ; pour le contenu, il faudrait repasser un autre jour. D’ailleurs, la « chute » a maintenu son niveau de seize pages à ce jour, malgré le déconfinement. Plusieurs titres, au moins une dizaine, tous arabophones, ont totalement disparu lors du confinement.
Chez les universitaires, catégorie qui devait montrer la voie, les choses ont été tout aussi lamentables. Pour Mohamed B., enseignant et chercheur à l’Ecole Polytechnique, « les enseignants trouvaient rarement tous les étudiants connectés en même temps sur leur visioconférence pour leur dispenser les cours, et il arrivait souvent que sur un groupe de 5 à 10 étudiants, seuls deux ou trois répondaient à l’appel ». En réalité, les cours à distance, annoncées comme une technologie de pointe pour domestiquer les effets du confinement, aura été un flop intégral.
Les entreprises publiques et privées ont été particulièrement affectées ; elles ont pris finalement la solution extrême, après avoir tentés quelques solutions sans effet : fermer. La reprise n’a été que partielle, et les femmes s’en trouvèrent, à cause de l’absence des transports, plus affectées que les hommes. La culture d’entreprise conservatrice, où l’emploi à vie est la norme, a freiné les possibilités d’exercer son activité professionnelle entre domicile et bureau.
Dans l’ensemble, le constat a été affligeant. La promiscuité, les frictions familiales, l’indiscipline des enfants, ou leur turbulence, ne permettaient ni concentration ni assiduité, et l’on souhaitait revenir vite aux bureaux. Très peu étaient ceux qui se sentaient véritablement heureux de télétravailler.
Madja fait partie de ces femmes qui ont été, et le sont à ce jour, escroquées par leurs patrons. L’absence des transports publics l’a contraint, tout autant que ses collègues à télétravailler dans ce bureau d’études en hydraulique et génie civil ; elles remettaient leur travail par envoi sur la messagerie de l’entreprise ; mais les salaires ont été coupés en deux. Et comme le rendement était le même, alors le directeur de l’entreprise a maintenu le télétravail, en faisant l’économie de la moitié des salaires. A ce jour.
Difficile était le défi nouveau de s’adapter à la « nouvelle vie » après la pandémie, où le télétravail serait une option plus durable. Dans des entreprises où le taux d’absentéisme et les congés de maladie ont atteint des pics, le travail de loin a été encore plus improductif. Au final, cesser de fonctionner avait les mêmes résultats que continuer à télétravailler à perte.
Au Japon, par exemple, ce changement imposé par la crise du Covid-19 a été un engagement à long terme pensé pour améliorer l’entreprise. Le monde du travail japonais est réputé pour ses horaires extensifs, ainsi que par la surutilisation des ressources humaines et des nouvelles technologies ; de ce fait, et selon une étude récente nippone, 74 % des personnes interrogées disaient vouloir continuer à télétravailler
Autre problème de fond, de culture aussi, les managers algériens, incapables de diriger de loin. Ces managers, surtout les plus âgés, préfèrent communiquer en face-à-face, et sont souvent réfractaires à la technologie.
Pourtant, la crise induite par la pandémie devait pousser à engager une réflexion de fond sur ce sujet d’avenir, car le télétravail a été certainement une possibilité offerte aux entreprises pour attirer et garder les jeunes talents, recruter et bénéficier de l’apport – à tous plans – d’une production propre, de qualité, sans grands coût et intelligente.
