Personnage très connu au nord-Mali, Madjdou Ag Bilal est un critique sans concessions des événements saharo-sahéliens, et qui surveille comme le lait sur le feu l’écrasante présence étrangère au Mali. Pour « L’Express » il livre ses impressions sur l’implication algérienne au Mali.
« Par rapport à la visite récente du Président de la transition, Bah NDaw à Alger, je voudrais noter deux points. En premier, il est important de souligner que la paix au Mali ne peut être effective au Mali sans une implication forte de l’Algérie. L’accord pour la paix (Accord d’Alger) en est la preuve matérielle. D’ailleurs le comité de suivi est suivi par Alger qui fournit déjà d’importants efforts pour la paix au Mali. Nous en sommes reconnaissants. Mais ce qu’il faut comprendre aussi, c’est que la France est fortement impliquée dans le processus de paix au Mali, mais avec des résultats peu efficaces sur le terrain, malgré les moyens déployés sur le terrain; sans oublier, la présence des autres forces internationales (MINSUMA, G5, …). Et l’on sait que l’Algérie a réussi à maîtriser le terrorisme sur son sol, avec beaucoup de douleurs certes, mais de façon durable. Donc véritablement, votre pays a l’expérience avérée de la situation qui sévit au Mali. Le Président Bah Ndaw a donc raison, à mon avis de s’y rendre, et de bénéficier d’une telle expérience pour stabiliser la paix au Mali.
« En second lieu, le Mali a tout y gagner en renforçant la coopération économique avec son grand voisin. J’ai la certitude comme beaucoup de Maliens que notre pays regorge d’importantes ressources naturelles dont le pétrole. Une fois de plus, l’Algérie possède une expertise avérée dans le domaine du pétrole notamment et du gaz. Cette coopération existe déjà, je crois (avec Sonatrach), mais mérite de se poursuivre pour la renforcer. Parce que je crois personnellement que cette coopération Sud-Sud est plus bénéfique pour nos deux pays; parce que je suis certain aussi que le Mali en tirera plus de profits qu’avec les multinationales occidentales; c’est ma conviction.
« Un dernier point, certainement en mien avec le premier, il est important, à mon avis de porter l’information à l’endroit des autorités algériennes les difficultés liées à l’application effective de l’Accord d’Alger et demander leur adhésion en vue de réviser certaines clauses. Je vous dis franchement je ne maîtrise pas totalement le contenu de cet accord, mais le Dialogue National Inclusif tenu en 2020 au Mali a fait cette recommandation forte. Parce qu’on croit, c’est que il n y a pas de problème de races et de religions au Mali; la preuve est que parce exemple, les métissages entre les différentes ethnies au Mali existent à tous les niveaux. Par contre une gouvernance responsable et transparente est nécessaire dans la gestion publique, afin que le développement économique profite à toutes et à tous de façon équitable. Et sur ce point, il y a eu des erreurs et même des fautes de la part des Gouvernants successifs. Et c’est pour cela d’aucuns pensent que la décentralisation constitue une des solutions à déficit de gouvernance.
En somme, il y a vraiment matière à discuter à Alger, une implication soutenue du pays frère est très souhaitable à l’endroit de son voisin malien.