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Alger

Que cache la décision du Maroc de se lancer dans l’industrie de l’armement ?

Loin des feux des médias, le roi Mohamed VI a donné son accord, lors du dernier Conseil des ministres, au Palais royal de Fez, à deux projets relatifs, respectivement, à l’application de la loi relative aux matériels et équipements de défense et de sécurité, aux armes et aux munitions et de celle en relation avec la cyber sécurité, selon un communiqué du Cabinet royal.

Le premier projet fixe l’exercice des activités permettant la fabrication des matériels et équipements liés à ce domaine (c’est-à-dire l’armement, ndlr), ainsi que les opérations d’importation, d’exportation et de transports y afférent, la fabrication des matériels et équipements militaires ; en dotant cette activité à forte valeur stratégique d’un arsenal juridique, le Maroc souhaite « entrer de plein pied dans le select Club de fabricants et exportateurs d’armes ».

Pour les officiers supérieurs des Forces royales, les retombées militaires de cette activité permettront au Maroc d’être dans l’autosuffisance en armement ; quant aux retombées économiques, il n’est plus nécessaire d’affirmer que cette activité est un multiplicateur de croissance.

Pour le Maroc, « il s’agit d’une décision historique dans la consolidation de la souveraineté nationale indivisible, actée par Sa Majesté Mohamed VI, chef d’état-major et chef général des Forces armées royales « . Il s’agit de ne plus être à la merci des fournisseurs, assure-t-on à Rabat, alors que la « souveraineté nationale et territoriale est sous la menace d’un environnement défavorable ».

Pour faire plus vigoureux, les officiers des Forces royales affirment qu’ «il ne s’agit pas là d’un effet d’annonce, puisque le Maroc a déjà mis en place un écosystème propice à la fabrication d’armes ». Et d’annoncer que le Maroc, « la décision est prise pour ne plus dépendre des fournisseurs habituels, américains, britanniques et asiatiques ».

 En réalité, ce n’est là que la face visible d’une propagande de guerre, destiné à la consommation locale et régionale. En réalité, le Maroc, paradoxalement, depuis sa normalisation avec Israël, estime qu’il est « pris dans un environnement hostile ». Ce qu’il ne dit pas, c’est sa coopération actuelle en matière d’armement avec Israël. Les officiers du Mossad ont très larges espaces sur tout le territoire marocain pour peaufiner des plans et échauder des stratégies au profit de Rabat, mais d’abord, et surtout, au profit de Tel Aviv. 

Depuis le rapprochement récent entre Alger et Madrid, Rabat se trouve pris dans un engrenage d’où il lui sera difficile de sortir, même en s’en remettant à Israël. La stratégie de tension mise sur rails contre l’Espagne avait eu l’effet contraire, puisque les pays de l’Union européenne se sont rangés du côté de l’Espagne, isolant pratiquement le Maroc sur un terrain diplomatique auquel il n’avait pas été préparé. 

Le séjour sanitaire de Ibrahim Ghali en Espagne et les relations politiques et économiques de l’Espagne avec l’Algérie avaient constitué un « casus belli » pour Rabat. Plus question de tergiverser. Il faut que le Maroc fasse, et vite, une démonstration de force. Ce fut le pathétique épisode des migrants déferlant par centaines sur les côtes de l’Espagne. Mais la riposte a été rapide et a pris au dépourvu Rabat.

Le déploiement par Madrid de forces militaires supplémentaires à Ceuta et Melillia avaient été un affront rajouté à une couche d’hostilité entre les deux pays. Très vite, Rabat a remué de loin en loin, sans jamais oser en parler ouvertement, le spectre des revendications territoriales concernant ces deux enclaves. Plus directement, il a réitéré qu’il restait l’allié fiable de l’Espagne en matière de coopération sur des sujets aussi sensibles par Madrid et les pays d’Europe que l’immigration clandestine, le terrorisme et la drogue. Ceci, au moment même où un rapport de l’ONU dénonce le Maroc comme étant le pays fournisseur de résine de cannabis par excellence et propagateur de ce fléau dans tout le Maghreb, le Sahel et l’Europe occidentale. 

En affirmant que le Maroc se trouve désormais dans un « environnement hostile », les experts marocains de l’armement livrent un aveu de fragilité et reconnaissent leur retard sur leur puissant voisin de l’est. Un aveu d’autant plus accentué que les récents choix politiques et militaires du Palais royal, dont la normalisation avec Israël et l’annexion des territoires occupés du Sahara occidental ne sont que la face visible, l’ont considérablement isolé et rabaissé dans le vaste monde arabo-musulman, et même au sein de la très conservatrice société marocaine traditionnelle, du Sousse au Rif. La puissante machine théologico-contestataire marocaine commence à donner les premiers coups de semonce. La société marocaine s’est jusqu’à aujourd’hui tenue à l’écart des pics de turbulences de l’ordre de celui qu’avait connu le Rif. Le quadrillage hermétique des villes et des mosquées ne laissent transpirer que très peu de choses. Mais jusqu’à quand ?

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