Son entregent dans les coulisses inexpugnables de l’ONU l’ont fait revenir au gouvernement, disent les connaisseurs de la politique étrangères algérienne. Diplomate rompu au jeu de la négociation, voilà ce qu’affirmait, en janvier 2015, six mois avant la signature des accords d’Alger entre les belligérants maliens, à Addis-Abeba, à l’occasion du Sommet de l’Union africaine, Ramtane Lamamra, alors ministre algérien des Affaires
étrangères et médiateur en chef des négociations de paix au Mali, , disait à « Jeune Afrique » affichant sa confiance dans un règlement prochain de la crise malienne : « Un accord de paix peut être signé au Mali dans moins de six mois »
Effectivement, six mois plus tard, en juin 2015, les accords étaient signés entre la République du Mali et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). L’accord d’Alger, officiellement dénommé Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, est un accord visant à mettre fin à la Guerre du Mali.
Bien avant sa signature, Ramtane Lamamra était bien au fait de tous ses détails, et qu’i serait accepté par tous : « Les discussions ont bien avancé. Fin novembre, les différentes parties ont reçu un projet d’accord global de paix et de réconciliation. Ce texte doit faire l’objet d’une étude minutieuse de chacun, puis d’une reprise de négociations de front, afin de résoudre toutes les questions qui resteront en suspens. Il y aura, à Alger, une finalisation de cet accord. La signature formelle, elle, devra être faite sur le territoire de la République du Mali ».
Aujourd’hui, cinq ans après sa signature (nous entamons en fait la sixième année), des blocages persistent, des tensions sont perçues ça et là, et chaque partie accuse l’autre de tergiverser. Un retour de celui qui a été l’artisan de cet accord est plus que nécessaire aujourd’hui. De même, l’autre dossier qui fait passer des nuits blanches aux responsables sécuritaires algériens, est celui lié à la Libye. Or, plusieurs acteurs étrangers sont déjà sur le terrain et Alger ne veut pas être (encore une fois) distancé sur le sujet qui l’intéresse, elle, principalement.
« Je crois qu’il y a un consensus international sur la nécessité de trouver une solution politique en Libye. Mais il faut être clair : dire que le problème politique, sécuritaire et institutionnel libyen doit être réglé de manière pacifique n’empêche pas de réduire des poches de terrorisme par tous les moyens légitimes. Le terrorisme soit combattu. Les groupes terroristes ne doivent pas penser qu’ils peuvent s’épanouir sur le territoire libyen et que nous sommes devenus pacifistes à leur égard ». Voilà ce qu’il en pensait il y a plus de six ans, et ses propos reste d’une actualité brulante. Là, encore, Lamamra, devrait apporter son expertise à une crise qui a dépassé dix ans d’existence, menaçant tous les pays de la région.
Son parcours sur ces sujets dans les zones crises est édifiant : ambassadeur en Autriche et auprès de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et de l’Onudi ; ambassadeur d’Algérie à l’ONU entre 1993 et 1996, puis à Washington entre 1996 et 1999 sous la présidence de Liamine Zeroual ; spécialiste de l’Afrique, il a participé à plusieurs opérations de médiation, notamment dans la crise entre le Mali et le Burkina Faso en 1985 et dans le différend frontalier entre le Tchad et la Libye. Il a aussi activement participé au règlement de beaucoup de conflits, comme celui du Liberia, en sa qualité d’envoyé spécial de l’Union africaine entre 2003 et 2007. Il a été nommé deux fois (en 2008 et 2013) commissaire pour la paix et la sécurité de l’Union africaine, son dernier poste avant d’être nommé ministre des Affaires étrangères. Ambassadeur Portugal avant de revenir une année après aux Affaires étrangères, en tant que secrétaire général, Ramtane Lamamra est nommé commissaire de l’Union africaine à la paix et à la sécurité du 28 avril 2008 au 11 septembre 2013. Il est par la suite nommé à la tête du ministère des Affaires étrangères. Le 16 septembre 2017, il est nommé membre du Haut-Comité consultatif de l’ONU chargé de la médiation internationale. Puis en octobre 2017, il nommé en tant que Haut-représentant de l’Union africaine.
En avril 2020, il est pressenti pour prendre la succession de Ghassan Salamé à la tête de la mission spéciale des Nations unies en Libye. Cependant suite aux demandes de l’Égypte, des Émirats arabes unis et du Maroc, et considéré trop proche du gouvernement de Tripoli, son nom n’est pas retenu par les États-Unis. Proche aussi d’António Guterres, Lamamra connait par cœur les dossiers qui intéressent l’Algérie au plus haut point.