Déjà, à la source, il y a eu « anguille sous roche ». Abdelmoumene Ould Kaddour, le Polytechnicien anonyme s’en est allé continuer ses études aux Etats Unis, aussitôt son diplôme d’ingénieur chimiste de Polytech en poche, spécialité génie chimique au tout début des années 1980. Aux États-Unis, à l’âge de 24 ans, il s’inscrit au prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT), pour en sortir avec un haut diplôme professionnel dans le domaine de l’ingénierie. En 1982, il participe à la création du Centre de recherche et d’exploration minière (CREM) et du département d’engineering au niveau du Centre de recherche de développement des matériaux (CDM).
En 1992, il fonde la société Condor Engineering Spa, une société de conception et de développement par ordinateur, dont il devient le président-directeur général. En 1993, il est nommé président-directeur général de Brown & Root-Condor, société par actions Algéro-américaine (51 % détenue par Sonatrach et 49 % par Brown & Root). En 2005, il devient le président du conseil d’Administration de BRC-Construction (BRC-C) à la suite de l’acquisition de 70 % du capital de l’Entreprise de construction bâtiments d’El Achour (ESCB).
C’est à partir de ses relations fortes avec Brown & Root qu’il commence à générer des soucis autour de son personnage « très américain ». Son histoire n’a jamais cessé de défrayer la chronique et d’intriguer les plus fins limiers. Ses démêlés dans l’affaire BRC font ressortir des soupçons d’espionnage au profit d’un pays tiers, une accusation qui lui a valu en novembre 2007 une condamnation à une peine de 30 mois de prison ferme. A partir de là, le personnage « entre en clandestinité ». Son parcours est alors émaillé de « cases blanches ».
En 2013, au moment où l’on bouclait la liquidation de BRC, filiale dissoute en 2007 de Sonatrach, le fils Abdelmoumen Ould Kaddour, Nacim, a essayé de transférer des fonds du Liban vers Hong Kong. Gravement inciminé par les Panama Pappers, Ould Kadoour garde le silence, en attendant son heure.
Alors que son autre ami, « spécialité pétrole », Chakib Khelil, puissant homme du clan Bouteflika, est disqualifié pour d’autres affaires, on fait remonter Ould Kaddour à la surface. Le clan Tlemcen-Oujda se recycle et s’adapte. Les forfaits de Abdelmoumene Ould Kaddour sont plus visibles à partir de sa gestion de la Sonatrach, la « mamelle de l’Algérie ». Quand il prend son poste à la tête de Sonatrach, il est appuyé par un autre apparatchik aussi insaisissable que lui : le Premier ministre Ahmed Ouyahia.
A Hassi R’mel, les salariés de Sonatrach sont plus entreprenants que les autorités. Blasés par ses décisions iniques, les travailleurs de Sonatrach investissent la rue pour réclamer le départ du P-dg, Abdelmoumene Ould Kaddour. Rien que cela.
Le Bureau régional de Ouargla pour la Ligue Algérienne de la Défense des Droits de l’Homme (LADDH) dépose dans le même temps une plainte contre le P-dg de Sonatrach, Abdelmoumene Ould Kaddour et de son vice-président Salah Mekmouche, réclamant leur arrestation. Dans sa plainte, qui a été transmise également au ministre de la justice et au parquet d’Alger, la LADDH a demandé à la justice la préservation des biens du pays, tout en indiquant que la corruption à Sonatrach a prospéré depuis l’arrivée de Ould Kaddour.
Déjà, à la première année de sa prise de fonction, Sonatrach a commencé à péricliter. Le secteur des hydrocarbures a enregistré cette même année des recettes de l’ordre de 3,660 milliards DA contre 4,071 milliards DA prévisionnelles dans la loi de Finances, soit un écart négatif de 411 milliards DA.
Par la suite, une série d’entourloupe, des accusations de corruption, malversation, délit d’initié, conflit d’intérêts, etc. sont venus noircir un dossier déjà très noir. Mais rien ne pouvait le faire bouger de son poste. Il a fallu le soulèvement populaire du 22 février et la chute du système Bouteflika pour pouvoir, enfin, déboulonner un homme qui était considéré comme faisant partie des intouchables de la République.
La suite avait été une série rapide de mesures judiciaires contre lui, dont le fameux mandat d’arrêt international. Lesquelles mesures ont abouti à son extradition et son retour en Algérie, hier, en fin d’après-midi.