Fort de ses 30 années d’expérience en tant que chef d’entreprise à l’international, notamment en Allemagne, Sayoud Mohamed, expert et consultant international en investissement industriel et touristique, fondateur du cabinet de conseils et d’études sino-algéro-allemand «INVEST DESIGN CONSULTING », estime que la baisse continue de la valeur du dinar reste l’une des principales causes de la hausse des prix actuelles des produits de grandes consommation. Un dinar si faible conjugué au niveau exorbitant des frais de transport maritime, a un impact négatif réel sur les importations de matières premières dans les secteurs agricoles et industriels. Par effet domino, les coûts de production et les prix de vente augmentent à leur tour. Toutefois, il convient de prendre en considération les dysfonctionnements liés à la spéculation, l’anarchie des marché informels et le monopole dû au manque d’investissement et de concurrence. A ces paramètres macroéconomiques, s’ajoute la marge bénéficiaire élevée, appliquée au circuit de vente à partir du producteur jusqu’au dernier maillon de la vente en détail.
Sayoud souligne par ailleurs que ce continuum inflationniste tous azimuts épuise considérablement le pouvoir d’achat du citoyen algérien, qui selon lui, est le résultat de trois variables, à savoir la puissance économique de la monnaie, le niveau des revenus et le niveau des prix,. Quant au rôle de l’état, l’expert a mis le doigt sur deux paramètres clés, susceptibles de freiner voire stopper la hausse des prix et rétablir le niveau du pouvoir d’achat. Le premier, régalien, continu et à mettre en place sur le court terme, est le contrôle rigoureux et la dissuasion par la coercition, qu’il faut exercer à l’encontre des spéculateurs. Tandis que le deuxième, stratégique, est l’encouragement de l’investissement dans les plus brefs délais, d’autant plus que dans la situation actuelle, nous n’avons plus de temps à perdre.
L’investissement, créateur d’emploi et de richesse
Selon Sayoud, cette vision orientée vers l’investissement va certainement nous permettre de créer des emplois, de la richesse et continuer à se passer des importations. Par conséquent, tous les ingrédients seront réunis pour relever la valeur de la monnaie, et revoir à la hausse les revenus des citoyens ainsi que leur pouvoir d’achat. Il a également mis en valeur les décisions et la vision prises par le président de la République pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages, en l’occurrence, l’augmentation du SMIG, la suppression de l’IRG sur les plus bas salaires, ainsi que les discours motivants destinés à encourager l’investissement et à inciter les investisseurs à se doter d’un esprit entrepreneurial et d’initiation, en attendant les capitaux ! Sur ce point Mohamed Sayoud a rappelé que le monde des affaires en Algérie reste depuis deux années dans l’attente du code de l’investissement, qui reste la ligne directive pour la concrétisation d’une stratégie d’investissement réelle, rapide sans perdre davantage de temps, qui est primordiale dans ces circonstances de crise.
Nonobstant la crise sanitaire due à la covid-19, qui a contribué en grande partie à la crise économique et sociale actuelle caractérisée par cette hausse des prix, durant le pic de la pandémie et même après, une régression économique s’est réellement sentie au sein du milieu des affaires, essentiellement via la déclaration en faillite de diverses entreprises, en particulier dans les secteurs du BTPH, tourisme et autres. Le déclin de ces sociétés a provoqué à son tour une hausse du chômage, sans que l’état ne prenne des mesures pour contrer ce problème, à travers l’aide à la création de nouvelles entités économiques, hormis les startups. Selon l’expert, la solution idoine et efficiente pour améliorer notre situation économique et sociale, serait de puiser dans nos réserves de changes (estimées à environ 46 milliards de dollars au dernier pointage), en attendant la récupération (hypothétique) des quelque 9000 milliards de DA qui circulent hors banques. Il a, d’ailleurs, suggéré au gouvernement de débloquer rapidement 10 milliards de dollars et les injecter directement dans des projets d’investissement structurants. Selon lui, c’est le moyen de garantir le renouveau économique du pays. « La situation n’admet plus l’attente, car l’économie est à l’arrêt et le pouvoir d’achat ne cesse de reculer. L’Algérie a besoin de l’investissement pour sortir de cette situation », a-t-il tranché, en affirmant que l’opération de récupération de fonds comme l’a recommandé le Président Tebboune, est une bonne idée mais nécessite beaucoup de temps et de technique.
Vision rentable d’investissements bénéfiques
A propos de la volonté du gouvernement relative à la relance de l’industrie automobile, l’interlocuteur a indiqué que ce genre d’industrie se fait sur le moyen terme. En clair, ce type d’industrie lourde nécessite entre 5 à 6 ans pour la mise sur pied d’un projet à un taux d’intégration supérieur à 50%, et ne réglera pas le problème de l’économie nationale à court terme. Pour lui, il est recommandé de soutenir la moyenne, la petite et la micro-entreprise, pour la création de richesses et de l’emploi. Une partie de ces 10 milliards de dollars serait donc destinée à bâtir rapidement des zones industrielles clés en mains comme partout dans le monde avec environ 50 000 hangars de production et des zones franches, afin de les mettre en location aux investisseurs crédibles et sérieux, algériens et étrangers via un bail locatifs afin que les investisseurs n’ont qu’à placer leurs machines ou lignes de production et démarrer de suite la production. Alors que l’autre tranche serait dédiée à des emprunts aidant à financer en partie les potentiels investisseurs. Ce montant débloqué ne sera jamais considéré comme une dépense finale, mais plus un investissement financier, remboursé par les montants de la location de ces hangars.
Cette vision d’investissement viendrait alors se substituer à l’ancienne méthode d’attribution de terrains dans le cadre du CALPIREF. A ce sujet, le consultant a estimé que le système actuel du traitement des dossiers d’investissement est «classique» et même «obsolète». Les mécanismes adoptés ne permettent pas de répondre à temps aux investisseurs. « Le fait est que l’investisseur doit effectuer un business plan puis le déposer auprès du CALPIREF, et attendre pour éventuellement avoir un terrain puis disposer des documents de la concession du domaine, pour ensuite faire le nécessaire pour avoir le permis de construire, pour enfin pouvoir construire ses hangars. Il perdra 3 à 5 ans sans avoir commencé son projet, qui deviendra obsolète et non rentable », a-t-il justement déploré.
Le meilleur moyen d’y remédier, dira-t-il, est que l’état et les promoteurs immobiliers s’impliquent dans ce processus, en leur donnant la possibilité de gérer ces zones après avoir pris en charge leur réalisation et assuré ainsi leur gestion locative et également leur entretien. Ces hangars exploitables rapidement vont aider à faire tourner la roue de l’économie nationale, premièrement par la mise en marché d’un produit local, ce qui va certainement contribuer à baisser davantage la facture des importations, la création d’emplois durables, la création de la richesse par le biais des recettes fiscales générées, la contribution à l’aspect social par le paiement des cotisations sociales, l’élévation du niveau du pouvoir d’achat, et du niveau de la monnaie nationale, ce qui se traduit par une économie et une monnaie fortes.