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Le pétrole, cet objet obscur du désir

Le pétrole est une énergie fossile dont les réserves sont limitées à l’échelle de la planète. De quoi est constitué le pétrole ? Comment l’exploite-t-on ? À quoi sert-il ? Retour sur les fondamentaux.

DE QUOI EST CONSTITUÉ LE PÉTROLE ?

Le pétrole est un mélange d’hydrocarbures (molécules formées d’atomes de carbone et d’hydrogène) et de molécules contenant également d’autres atomes, principalement du soufre, de l’azote et de l’oxygène. Certains de ses constituants sont, à température et à pression ambiantes, gazeux (méthane, propane, etc.), liquides (hexane, heptane, octane, benzène, etc.) et parfois solides (paraffines, asphaltes, etc.). Le pétrole contient des milliers de molécules différentes qu’il va falloir fractionner et transformer chimiquement pour obtenir des produits utilisables.

COMMENT SE FORME LE PÉTROLE ?

Le pétrole résulte de la dégradation thermique de matières organiques contenues dans certaines roches : les roches-mères.

Ce sont des restes fossilisés de végétaux aquatiques ou terrestres, de bactéries et d’animaux microscopiques s’accumulant au fond des océans, des lacs ou dans les deltas. Appelés « kérogène », ces résidus organiques sont préservés dans des environnements où les eaux sont dépourvues d’oxygène, se mêlant ainsi aux sédiments minéraux pour former la roche-mère.

Pendant des dizaines de millions d’années, de nouveaux sédiments vont continuer à s’accumuler, entraînant la roche-mère à de grandes profondeurs.

Généralement entre 2 500 et 5 000 m et sous l’action des hautes températures qui y règnent, le kérogène se transforme (craquage thermique) en pétrole liquide accompagné de gaz. À plus de 5 000 m, le pétrole « craque » à son tour et se transforme en gaz.

Plus légers que l’eau, le pétrole et le gaz remontent vers des niveaux de roches poreuses (roche réservoir) dans lesquels ils sont confinés si ceux-ci sont surmontés de roches imperméables (roche couverture).

Si rien ne les arrête, ils suintent à la surface. C’est l’origine des « mares » de pétrole (exploitées pendant l’Antiquité et décrites par Marco Polo) que l’on peut voir par exemple au Moyen-Orient, au Venezuela et même en France. Déjà connu par les Romains, Le puy de la Poix dans l’Allier (à proximité de Clermont-Ferrand) est un suintement actif depuis au moins 2 000 ans.

Concernant les émanations gazeuses, la plus célèbre est la Fontaine ardente au sud de Grenoble, décrite par Saint Augustin dès le IVe siècle et classée parmi les sept merveilles du Dauphiné.

Lors de leur remontée vers la surface, les hydrocarbures peuvent rencontrer des failles ou des plis formant des « pièges » dans lesquels les hydrocarbures peuvent s’accumuler en grande quantité. Ce sont ces accumulations que recherchent les explorateurs pétroliers et qui deviendront, si l’accumulation est suffisante, des gisements exploitables.

L’exploitation des pétroles de schiste

Produit dans la roche-mère, une partie non négligeable du pétrole peut y rester piégée. Les roches-mères étant très peu poreuses et imperméables, leur extraction nécessite l’utilisation de techniques de « stimulation » dont l’empreinte environnementale n’est pas neutre : forages horizontaux et fracturation hydraulique. L’exploitation du pétrole de schiste représente la moitié de la production de pétrole des États-Unis.

Définition

La roche-mère est une roche argileuse présentant un aspect feuilleté d’où la dénomination huile et gaz de schiste.

LE PÉTROLE, À QUOI ÇA SERT ?

Le pétrole est devenu, à partir des années 50, la première source d’énergie dans le monde. Il satisfait plus de 30 % des besoins énergétiques.

C’est la principale matière première des carburants qui alimentent les transports (voitures, camions, avions).

C’est aussi une matière première irremplaçable pour l’industrie de la pétrochimie pour un grand nombre de produits de la vie quotidienne : matières plastiques, peintures, colorants, cosmétiques, etc.

Enfin, le pétrole sert aussi comme combustible dans le chauffage domestique et comme source de chaleur dans l’industrie, mais dans une moindre mesure ; il ne représente que 4,6 % de l’électricité mondiale, les autres sources d’énergie électrique étant nombreuses (nucléaire, charbon, au gaz, hydraulique, éolienne)

Le pétrole satisfait plus de 30 % des besoins énergétiques de la planète.

Les produits dérivés du pétrole : les principaux polymères et leurs applications

-PVC : polychlorure de vinyle, application tuyaux rigides (gouttières, etc.), gaines électriques, profilés, huisseries (fenêtres). Jadis les disques 33, 45 et 78 tours.

-Polyéthylène basse densité : objets pour l’industrie automobile, sacs d’emballage de supermarché, films (travaux publics), tuyaux et profilés, sacs poubelles, articles injectés (ménagers et jouets), sacs congélation. 

-Polyéthylène haute densité : bouteilles et corps creux, tuyaux, fibres, objets moulés par injection.

-Polytetrafluoroéthylène (PTFE) : revêtement des poêles Tefal, autres applications en chimie, etc.

-Polypropylène : articles moulés par injection pour les industries automobile, électroménager, ameublement, jouet, électricité, alimentation boîtes et bouteilles diverses, fils, cordages, films, sacs d’emballage, boîtier de phare, etc. 

-Polystyrène et copolymères associés (ABS) : emballages (barquettes blanches), bâtiment (isolation polystyrène expansé), Bic Cristal (transparent), automobile, électroménager, ameublement (bureau et jardin), jouets, bagages, emballages pour cosmétiques, médicaments et produits alimentaires, contreportes de frigo. 

-Poly-isobutène, encore appelé caoutchouc butyl : applications chambres à air. 

-Polybutadiène (BR) : utilisé principalement pour la fabrication des pneus. 

-Styrène butadiène (SBR) : rubber ou encore caoutchouc synthétique (latex par exemple), styrène + butadiène (élastomères). Applications pneus et joints, amortisseurs, tapis transporteurs, semelles, garnitures de pompes. Rentrent aussi dans la composition des bitumes pour rendre le revêtement plus souple. 

-Acrylates et méthacrylates, poly(méthyle méthacrylate) PMMA. Applications en peintures, revêtement de surface, fibres, adhésifs, encres, verrières (vitrages caravanes, avions, bateaux), verres de lunettes, lavabos, baignoires cabines de douches.

 -Polyamides : famille des nylons : 6-6, 6 et 11, 12. Fibres d’habillement, pièces mécaniques de frottements, réservoir à essence, seringues. Kelvar tissé (gilet pare-balle).

 -Fibres et résines polyesters : à partir de l’acide téréphtalique (ex paraxylène+ éthylèneglycol (fibre Tergal), polyéthylène téréphtalate (PET) pour bouteilles.

-Polyuréthanes : polycondensation de diisocyanate et de diols. Exemple : ex TDI (toluène diisocyanate), MDI diphénylméthane 4-4 diisocyanate,ou HMDI (version hydrogénée) et pour les diols (PEG polyéthylène glycol ou polypropylène glycol, PPG).

-Applications mousses rigides (isolation thermique et phonique) et semi-rigides (rembourrage ameublement, garnissage des fauteuils), etc., revêtements et adhésifs, vernis peintures. En enduction pour rideaux, tentures, bâches et stores.  

-Polycarbonate : rentre dans la composition des gilets pare-balles, casques de motos, bidons, bouteilles, biberons, moulinets de canne à pêche, verres de sécurité, boîtiers photos, feux clignotants, etc.

La consommation mondiale de pétrole représente 97,4 millions de barils par jour (Mb/j) en 2017, soit l’équivalent de 1 127 barils ou 179 000 litres par seconde.

Quelle est l’origine de l’unité baril de pétrole ?   

L’origine de cette unité remonte aux années 1860-1870. À cette époque, des barils fabriqués pour d’autres industries et commerces (whisky, huile de baleine, sel, poissons, etc.) étaient employés pour le stockage et le transport (par train, bateau ou même diligence) du pétrole. Leur capacité variait de 30 à 50 gallons américains (de 110 à 190 litres). Pour une question de rationalisation, il fut convenu d’utiliser des barils de 40 gallons (151 litres). Mais ces barils en bois n’étaient pas parfaitement étanches et pour être sûr que le client ne soit pas lésé, on décida de surdimensionner de 5 % le volume des barils qui passèrent à 42 gallons (159 litres).

Ces tonneaux de chêne réalisés par des menuisiers coûtaient beaucoup plus cher que le contenu. Quand le commerce du pétrole devint plus important, on utilisa des moyens plus appropriés (oléoducs, citernes) mais en gardant toujours la même unité. En fait, lorsque l’équivalence « 1 baril = 42 gallons » s’imposa définitivement, la plupart du pétrole n’était déjà plus transporté de cette manière.

Le double « b » de l’abréviation( » bbl » et non  » bl ») est encore sujet de discussion ! Il viendrait du « b » de blue barrels, semble-t-il parce que la Standard Oil of California utilisait des barils bleus pour les distinguer de ceux des autres compagnies, ou, selon une autre version, parce que la couleur bleue identifiait les barils de 42 gallons, ou enfin selon une troisième pour les distinguer des autres barils contenant notamment du whisky.

COMMENT TROUVE-T-ON LE PÉTROLE ?

L’exploration pétrolière commence par l’identification d’indices permettant de supposer où se trouve le pétrole et en quelle quantité. Géologue et géophysicien collaborent à cette enquête minutieuse à fort enjeu économique qui commence à la surface de la terre pour descendre vers le sous-sol.

La géologie pétrolière ou l’observation de la surface  

C’est la première étape, qui permet de repérer les zones sédimentaires méritant d’être étudiées (plissements, failles, etc.). Les géologues utilisent des photographies aériennes et des images satellites puis vont sur le terrain examiner les affleurements. Ces derniers peuvent en effet renseigner sur la structure en profondeur. Ensuite l’analyse en laboratoire d’échantillons de roche prélevés permet de déterminer l’âge et la nature des sédiments afin de cerner les zones les plus prometteuses. Cette étape représente 5 % du budget consacré à la prospection.

La géophysique ou l’étude des profondeurs 

Son objectif : donner le maximum d’informations pour que les forages soient entrepris ensuite avec le maximum de chance de succès. Il s’agit essentiellement d’accumuler des données sismiques riches en informations, grâce à une sorte d’ »échographie » du sous-sol ou « sismique réflexion ». Ces données sont obtenues à l’aide de vibreurs pneumatiques (ou autres) qui génèrent de mini-ébranlements du sous-sol. Les signaux recueillis en surface sont traités par de puissants logiciels de calcul qui reconstituent l’image du sous-sol. Les pièges possibles mis en évidence sont classés selon leur probabilité d’existence et leur volume prévisionnel. Cette étape représente 15 % du budget consacré à la prospection.

Vérification des hypothèses 

C’est l’étape du forage d’exploration qui seule permet de certifier la présence de pétrole. On perce la roche à l’aide d’un trépan. À terre, l’ensemble du matériel est manipulé à partir d’un mât de forage. En mer, l’appareil de forage doit être supporté au-dessus de l’eau par une plateforme métallique spécialement conçue. Le coût du forage d’exploration varie de 500 000 € à terre, à 15 M€ pour les puits en mer. Cette étape qui dure de deux à six mois est la plus lourde dans le budget d’exploration : 60 % en moyenne.

Évaluer la rentabilité du gisement 

Avant d’envisager l’exploitation, il faut évaluer la rentabilité du gisement : volume des réserves récupérables et conditions de production ne peuvent être déterminés qu’en procédant à des forages de délinéation en vue de délimiter le gisement. Des équipes pluridisciplinaires constituées de géologues, de géophysiciens, d’architectes pétroliers, de foreurs, de producteurs et d’ingénieurs de gisement sont chargées d’étudier les résultats issus de la phase de prospection. Leurs conclusions sont déterminantes pour limiter les risques financiers que prennent les compagnies pétrolières. En effet, sur cinq forages d’exploration, un seul, en moyenne, met en évidence une quantité de pétrole suffisante pour justifier économiquement son exploitation.

COMMENT EXTRAIT-ON LE PÉTROLE ?

C’est la phase d’exploitation du gisement qui demande la mise en place de tout l’équipement nécessaire : forage de production appelé « puits de développement », installation de production, équipements de traitement et de comptage et système d’évacuation du pétrole. Cette phase, qui représente 40 à 60 % du coût total d’un projet, s’étale sur deux à trois ans.

La technique de forage la plus répandue est celle du forage Rotary qui s’est beaucoup renouvelée, en particulier avec les forages déviés — permettant de contourner un obstacle souterrain — ou horizontaux — permettant de traverser le réservoir sur toute sa longueur. Les puits multidrains, quant à eux, permettent de limiter le nombre de forages, en traitant plusieurs parties du réservoir à partir d’un point unique.

OÙ SONT SITUÉS LES GISEMENTS DE PÉTROLE ?

On dénombre environ 30 000 gisements rentables, de quelques dizaines à quelques centaines de km2. Parmi eux, l’on distingue 450 à 500 gisements dits « géants » (avec des réserves supérieures à 70 millions de tonnes), dont une soixantaine de « super-géants » (avec des réserves supérieures à 700 millions de tonnes). Ces gisements sont très inégalement répartis : 60 % des « super-géants » sont au Moyen-Orient et représentent 40 % des réserves prouvées de la planète.

Les 2/3 des réserves mondiales de pétrole sont concentrées au Moyen-Orient.

Les réserves (prouvées) : une notion clé

Dans la mesure où le pétrole n’est pas une énergie renouvelable, l’évaluation des réserves revêt de l’importance. Les réserves  correspondent aux volumes de pétrole récupérables aux conditions techniques et économiques du moment dans des gisements exploités ou en passe de l’être.

Les réserves prouvées sont les quantités de pétrole dont l’existence est établie et dont les probabilités de récupération dans le cadre des données disponibles, de la technique d’extraction et des conditions économiques, sont d’au moins 90 %.

En moyenne seul 35 %  des volumes de pétrole contenus dans les gisements est récupéré. Une amélioration des techniques d’extraction peut permettre d’accroître les réserves ; techniques qui, avec un prix élevé du baril, peuvent devenir rentables.

Le pétrole offshore

Les bassins sédimentaires offshore situés par moins de 500 mètres d’eau représentent plus de 30 millions de km2, soit une superficie équivalente à celle de l’Afrique. C’est dans cette tranche d’eau que l’on trouve une grande partie des réserves et de la production mondiale actuelles (30 % de la production mondiale, 20 % des réserves). La production offshore  est donc indispensable à notre approvisionnement énergétique. 

La production par grande profondeur d’eau (> 1 000 m d’eau) a connu des avancées technologiques majeures. Cette production reste cependant particulièrement complexe et coûteuse, et représente, encore aujourd’hui, un challenge technologique, les cibles de l’exploration étant toujours plus profondes, plus complexes.

La production de pétrole offshore était en 2017 de 27 Mb/j soit 29 % de la production mondiale.

Les trois plus gros producteurs sont l’Arabie saoudite, les États-Unis et la Russie.

COMMENT TRANSPORTE-T-ON LE PÉTROLE ?

Les zones de production étant concentrées géographiquement, elles sont souvent éloignées des zones de consommation vers lesquelles le pétrole devra être acheminé, par voie maritime ou par oléoduc : 

le principal atout du transport maritime est la souplesse : à chaque instant, on peut modifier la destination d’un navire,

l’oléoduc ou pipeline représente un lourd investissement, mais il offre un faible coût d’utilisation.

LE RAFFINAGE, UNE ÉTAPE CLÉ

Le pétrole brut n’est pas utilisé tel quel, mais transformé en différents produits finis : carburants, combustibles, matières premières pour la pétrochimie et autres produits spécifiques (bitume, huiles lubrifiantes).

C’est l’objectif du raffinage : mettre à la disposition du consommateur des produits de qualité, dans le respect de normes précises, notamment environnementales, et aux quantités requises par le marché. Cette étape regroupe différentes opérations :

•  l’obtention de produits intermédiaires par distillation 

Les trois principales « coupes » pétrolières sont obtenues dans une tour de distillation : les légers (gaz, naphta et essences), les moyens (kérosène, diesel et fuel domestique) et les lourds (fuel lourd ou résidu atmosphérique).

•  l’amélioration de la qualité 

Cette opération consiste à éliminer, dans les différentes coupes, certains composés indésirables comme le soufre.

•  la transformation de coupes lourdes en coupes légères 

À l’aide de procédés dédiés, les produits lourds de moins en moins consommés (type fuel lourd) sont transformés en produits moyens fortement demandés (essence et kérosène).

Les unités de raffinage impliquées sont « spécifiques ». Elles doivent généralement travailler à haute température et/ou forte pression pour générer des hydrocarbures plus légers, par craquage, et améliorer leur qualité, la plupart des composés indésirables (soufre, métaux, etc.) étant plutôt concentrés dans les coupes initialement lourdes.

•  la préparation finale des produits par mélange : 

On obtient les produits finis par mélange des produits intermédiaires ou semi-finis.

Pour faire face à cette série d’opérations, les raffineries doivent disposer d’importants volumes de stockage, d’installations de réception des produits bruts et d’expédition des produits finis.

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