Le taux d’intégration des femmes algériennes dans le monde entrepreneurial était encore faible, a relevé, avant-hier à Alger, le Directeur général (DG) de l’Agence nationale de l’emploi (ANEM), Abdelkader Djabeur, plaidant pour la suppression des difficultés entravant l’implication des femmes dans l’activité économique.
Intervenant lors de la première édition du Forum international de la femme (FIF), M. Djabeur a estimé que le taux des femmes entrepreneures « est encore faible », citant comme preuve les chiffres de l’Office national des statistiques (ONS) qui font état de 400.000 femmes activant dans le domaine libéral.
Le responsable de l’ANEM a imputé ce chiffre « faible » à la difficulté d’obtenir un financement, au manque de formation, à la difficulté d’intégrer le milieu professionnel, de concilier vie professionnelle et vie familiale, ou encore certaines difficultés « à caractère social et culturel » qui continuent à bloquer les femmes.
De surcroît, l’Agence compte plus de 814.000 femmes inscrites, soit 39 % du nombre total des inscrits à l’Agence, dont la plupart (92 %) sont des pré-demandeuses d’emploi, affirme le directeur général.
Un taux de 54% du total des femmes inscrites sont des diplômées universitaires, et 22% d’entre elles sont diplômées des centres et instituts de formation professionnelle.
900.000 fonctionnaires dans l’administration publique
De son côté, le Premier ministre, ministre des Finances, Aïmene Benabderrahmane, a indiqué que 62% des étudiants universitaires sont des femmes, soulignant à ce propos la forte présence de la femme dans l’administration publique avec 900.000 fonctionnaires, soit 41% du nombre global des fonctionnaires.
De plus, 21.500 fonctionnaires dans les administrations publiques occupent des postes supérieurs, dont 1209 sont nommées aux fonctions supérieures de l’Etat, a-t-il fait savoir, dans une allocution prononcée en son nom par la ministre de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Condition de la femme, Kaouthar Krikou.
Il a précisé, dans ce sens, que la femme participe « activement » à l’économie par le biais de plus de 41.500 micro-entreprises dans le cadre de l’Agence nationale d’appui et de développement de l’entrepreneuriat et de l’Agence nationale de gestion du micro-crédit (ANGEM) entre autres organes. Le Premier ministre a cité l’inscription de plus de 175.000 femmes au registre de commerce en 2021.
Nécessité de promouvoir l’égalité hommes-femmes
S‘exprimant lors du même événement, la directrice du Bureau de l’Organisation internationale du Travail (OIT) à Alger, Ghania Bikhazi, a souligné l’impératif de redoubler d’effort pour éliminer les inégalités entre hommes et femmes en matière d’emploi en Algérie.
Mme Bikhazi a rappelé que le taux d’emploi des femmes en 2019 ne dépassait pas 13,5% tandis que celui des hommes était de 61,2%. Et d’ajouter, le taux de chômage chez la femme en 2019 était de 20,4% alors que celui des hommes ne dépassait pas 9,7%.
Face ce constat, Mme Bikhazi a appelé à faire de l’égalité hommes-femmes une priorité en Algérie, en en matière d’emploi, de formation et d’accès aux postes de responsabilités.
L’inclusion de la femme dans l’économie, source de nouvelles opportunités
Une plus grande inclusion de la femme dans l’économie nationale peut constituer de nouvelles opportunités de développement, notamment avec la promotion des compétences comme levier principal, ont convenu, plusieurs consultantes et femmes chefs d’entreprises, lors de ce même événement.
La consultante en transport aérien Ouiza Mouheb, a souligné que l’Algérie disposait des moyens de développement du secteur du transport aérien en incluant les compétences féminines.
Toutefois, « le constat est que nous n’avons pas de femmes à des postes de PDG ou de conseiller. Il y a là une pépinière de compétences qui stagne », a-t-elle déploré.
Pour remédier à ce constat, Mme Mouheb a proposé de réaliser des audits de parité homme-femme au sein des entreprises et de mettre en place un plan d’action muni de mécanismes permettant de connaitre clairement les critères de promotion.
Il s’agit, selon elle, de créer un système d’information qui répertorie les compétences nationales.
Citant une étude internationale montrant que les compagnies aériennes dirigées par des femmes ont de meilleurs résultats, la consultante a souligné l’intérêt de développer les compétences managériales des femmes universitaires.
S’intégrer au niveau des hauts postes de responsabilité
De son côté, La PDG du groupe Saidal, Fatoum Akacem a incité la femme algérienne « à se donner tous les moyens » de s’intégrer au niveau des hauts postes de responsabilité notamment avec leur bagage professionnel. « Le leadership de la femme algérienne est désormais une réalité », a-t-elle estimé.
Pour sa part, l’inspectrice centrale des impôts et recouvrement au niveau de la wilaya de Constantine, Souhila Smati, a rappelé que le système des quotas a permis de mieux intégrer les femmes dans la sphère politique et économique du pays.
« Mais ce système a pris en considération la quantité mais pas la façon d’intégrer la femme au sein des assemblées élues », a-t-elle argué, ajoutant qu’il y a « une réelle » volonté politique que les partis, les associations et les différentes organisations doivent mettre en oeuvre sur le terrain.
« Il s’agit de créer un climat adéquat pour attirer les compétences féminines afin d’assurer leur présence au sein de la scène politique », a estimé Mme Smati.
Intervenant lors de ce panel, l’avocate et juriste tunisienne, Hamida Mrabet, a indiqué que l’implication des femmes dans l’économie doit poser le dialogue autour de la place de la femme dans la prise de décision.
« Les plus grands handicaps pour nous en tant que femmes arabes ce sont les mentalités », a-t-elle tranché, notant que lorsque la femme atteint un poste important de responsabilité, elle est considérée comme « une privilégiée ».
Sa participation à la vie active en Afrique est plus importante que partout ailleurs
De son côté, la chef d’entreprise sénégalaise, Ngone Ndoye, a rappelé que la participation de la femme à la vie active en Afrique est globalement « plus importante que partout ailleurs ».
« Il n’est pas possible d’envisager un développement socio-économique sans les femmes », a-t-elle affirmé.
Elle a en outre recommandé d’exploiter le potentiel de la femme en tant qu’acteur de développement au sein des économies africaines tout en misant sur les jeunes et en intégrant la diaspora africaine pour le développement du continent grâce au transfert technologique et à la mobilité académique.
En Afrique la femme confrontée a des obstacles pour pérenniser leur activité
Avec plus de 600 millions de créatrices d’entreprises, l’Afrique s’impose comme le continent au taux de femmes entrepreneures le plus élevé au monde. Pourtant, les femmes africaines restent confrontées à de nombreux obstacles pour pérenniser leur activité, notamment en matière d’accès aux financements.
Leader mondial de l’entrepreneuriat féminin, le continent africain ne recense pas moins de 24% d’entrepreneures parmi la population féminine, contre 11% en Asie du Sud-Est et Pacifique, 9% au Moyen-Orient et 6% en Europe et Asie Centrale, selon l’étude publiée en novembre 2020 par Roland Berger et intitulée : « Accélérer la dynamique entrepreneuriale des femmes en Afrique ». Pour l’immense majorité d’entre elles, la création d’entreprise est alimentée par la nécessité de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille, dans des pays où l’accès à l’éducation et à l’emploi reste limité pour les femmes. Ainsi, beaucoup d’entrepreneures évoluent dans le secteur informel, dans des domaines à faible marge tels que les commerces de proximité, la restauration ou la cosmétique.
Levier de croissance
Pourtant, les femmes représentent un véritable pilier de l’économie africaine. Avec une contribution de 150 à 200 milliards de dollars, les femmes entrepreneures jouent un rôle majeur en termes de prospérité économique. Alors que le contrecoup de la pandémie de covid-19 se fait particulièrement dévastateur pour l’économie des pays émergents, il est urgent de miser sur les femmes pour leur permettre de créer les entreprises de demain, qui deviendront de grandes figures internationales et participeront à booster l’économie locale.
Des solutions adaptées
Il convient alors d’instaurer un certain nombre de réformes répondant spécifiquement aux challenges rencontrés par ces gérantes d’entreprises. Tout d’abord, la mise en place de politiques et de réglementations liées à l’inclusion financière (à l’exemple de la Côte d’Ivoire, qui a mis en place en 2017 un fonds doté de 5 milliards de FCFA afin de faciliter l’accès au crédit aux femmes entrepreneures).
Il est également essentiel que les banques et institutions deviennent partie prenante de cette transformation en adaptant leurs offres au profil des entrepreneures; en introduisant de nouveaux outils financiers dotés de critères plus flexibles, ou encore en développant des solutions de méso-finance dédiées aux PME et entrepreneurs, afin de combler le fossé entre microfinance et crédits traditionnels. Elles devront également proposer une assistance technique et des services de renforcement de compétences qui permettront aux femmes de développer leur littérature financière.