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Les Houthis dévoilent les détails de leur attaque contre les Émirats Arabes Unis

Une semaine après leur première attaque contre le territoire des Émirats arabes unis, les rebelles Houthis ont lancé, lundi, de nouveaux missiles balistiques en direction d’Abu Dhabi et de Dubaï, franchissant un nouveau cap dans le conflit au Yémen. Décryptage avec Marc Goutalier, consultant en géostratégie, spécialiste du Moyen-Orient. 

Les Émirats arabes unis ont intercepté et détruit, lundi 24 janvier, deux missiles balistiques lancés par les Houthis, une semaine après la première attaque meurtrière menée par les rebelles yéménites ayant visé la capitale Abu Dhabi. La cible était située à quelque 1 500 kilomètres de Sanaa, la capitale yéménite contrôlée par les rebelles chiites.  

En réaction, la coalition menée par l’Arabie saoudite a indiqué avoir détruit une « plateforme de lancement de missiles balistiques dans la région d’Al Jawf » dans le nord du Yémen.

Le porte-parole militaire des Houthis, Yahya Sare’e, a revendiqué cette attaque, précisant que les missiles visaient Dubaï, considérée comme le poumon économique du Moyen-Orient, et la base aérienne d’Al-Dhafra à Abu Dhabi, qui abrite des militaires américains et français. Quelques heures plus tôt, dans la nuit, des projectiles ont également ciblé le sud de l’Arabie saoudite : deux personnes ont été blessées dans la ville de Jazane, tandis qu’un missile tiré vers Dhahran Al-Janoub a été intercepté.

Après avoir lancé des attaques contre l’Arabie saoudite, à la tête de la coalition militaire qui intervient depuis 2015 au Yémen pour soutenir les forces gouvernementales, les Houthis, soutenus par l’Iran, semblent décidé à élargir le conflit jusqu’à l’intérieur des frontières émiraties.

Cette escalade est une réponse des rebelles au soutien militaire d’Abu Dhabi à des forces hostiles aux Houthis et qui leur ont récemment repris des territoires, notamment dans la province de Shabwa, au centre du Yémen, explique Marc Goutalier, consultant en géostratégie, spécialiste du Moyen-Orient, et auteur du livre ‘Quand le printemps brouille les cartes : Une histoire stratégique des frontières arabes’ (éd. du Félin). Une escalade facilitée par l’amélioration de l’arsenal des Houthis. 

France 24 : comment analysez-vous l’élargissement du conflit yéménite, qui touche désormais les Émirats arabes unis ?

Marc Goutalier : Une nouvelle page est en train de s’ouvrir dans la guerre au Yémen. Après la première attaque, la semaine dernière contre Abu Dhabi, les Houthis revendiquent aujourd’hui avoir visé une nouvelle fois la capitale des Émirats ainsi que Dubaï. C’est lié au contexte sur le terrain au Yémen où les combats, qui se sont récemment intensifiés entre les milices soutenues par les Émiratis et les Houthis dans la province de Shabwa, dans le centre du pays, ont tourné en faveur des alliés d’Abu Dhabi. En réaction, les Houthis, qui ont perdu des territoires dans la zone, s’en prennent directement aux Émirats qu’ils avaient déjà menacé d’attaquer lors des premières années du conflit. Ils ne l’avaient pas fait, car probablement, ils n’en avaient pas la capacité, même si en 2019, les Houthis avaient frappé juste à la frontière des Émirats, dans la zone pétrolière saoudienne de Shaybah. Et à l’époque, le message avait été parfaitement compris puisque quasiment du jour au lendemain, les Émiratis avaient annoncé leur volonté de se retirer du conflit.

Depuis cette période, à priori les Émirats s’étaient mis en retrait de la guerre parce qu’ils voulaient sécuriser leur territoire et organiser au mieux l’exposition universelle de Dubaï, qui est toujours en cours et sur laquelle ils ont beaucoup misé pour donner un nouveau souffle à leur économie et attirer de nouveaux investisseurs. Les Houthis savent qu’ils ne peuvent pas défaire militairement les Émirats, l’une des rares puissances militaires crédible dans le Golfe. En frappant leur territoire ils visent les ambitions de développement de ce pays et les symboles de sa puissance économique. Car en termes d’image et de conséquences économiques potentielles, ces attaques peuvent à terme être désastreuses. Mais le risque pour les Houthis, qui veulent qu’Abu Dhabi se retire du conflit, est de voir les Émirats s’engager davantage sur le terrain car la logique voudrait qu’ils réagissent.

Comment expliquez-vous la sophistication de l’arsenal à la disposition des Houthis qui leur permet de menacer directement le territoire émirati ?

Quoi que puisse faire la coalition, et quelle que soit leur stratégie, les Houthis continuent à se renforcer et à tirer sans cesse de nombreux projectiles. Il y a plusieurs facteurs qui expliquent comment ils ont considérablement augmenté leur force de frappe et ajusté la portée de leurs projectiles. Il faut d’abord rappeler qu’ils ne sont pas partis de rien. Lorsqu’ils se sont emparés de l’ex-Yémen du Nord, les rebelles ont mis la main sur les arsenaux du régime de l’ancien président Ali Abdallah Saleh, qui contenaient notamment un certain nombre de missiles balistiques. Ils ont également enrôlé un grand nombre d’opérateurs, en grande partie de l’armée yéménite, capables de prendre en charge ce type de missile. Ils ont par ailleurs récupéré les réseaux de trafiquants d’armes alors que le Yémen est depuis des décennies une plateforme régionale pour ce type de trafics. À titre d’exemple, Fares Manaa, l’un des plus célèbres trafiquant d’armes du pays, qui fût un certain temps proche de l’ex-président Ali Abdallah Saleh, est ministre d’État dans le gouvernement des Houthis. Mais ils ont surtout eu un apport extérieur qui leur a permis de franchir un cap technologique, dont le plus évident est celui de la République islamique d’Iran. Un soutien qui se révèle décisif.

Justement comment se manifeste l’appui iranien aux Houthis ?

Tout pointe vers Téhéran, malgré les dénégations iraniennes et celles des Houthis. Les Iraniens, accusés par l’ONU de ne pas respecter l’embargo sur les armes à destination du Yémen, fournissent à leurs alliés chiites toutes sortes d’armes, et pas seulement des projectiles, qui passent à travers les mailles du filet du blocus. Mais Téhéran fournit aussi un grand nombre de pièces détachées, plus difficiles à traquer et qui ne tombent pas forcément sous le coup des sanctions de l’ONU. Après assemblage, ces pièces détachées servent en grande partie à fabriquer des drones, comme ceux qui ont été utilisés pour attaquer les Émirats et qui sont, au Moyen-Orient comme ailleurs, un facteur de changement complet de la pratique de la guerre. Les Houthis bénéficient aussi de l’apport d’instructeurs iraniens, essentiellement de la Force al-Quds, l’unité d’élite des Gardiens de la révolution, mais aussi du Hezbollah libanais. On ignore le nombre de ces instructeurs et les quantités d’armes et de missiles que les Houthis ont en leur possession, mais on sait qu’au fil des années leur arsenal n’a cessé de s’améliorer à la fois en qualité et en quantité comme le prouve leur capacité à frapper des territoires éloignés. Le fait de viser fréquemment le territoire saoudien leur a permis de devenir de plus en plus précis et de faire des dégâts. Les experts de l’ONU ont reconnu parmi les débris de missiles et le matériel qui a été saisi des éléments qui étaient soit carrément de technologie iranienne, soit dérivés de celle-ci, ou encore de technologie militaire chinoise, dont l’Iran est un client. Et le plus inquiétant sans doute pour les Saoudiens et les Émiratis, c’est que ces projectiles sont efficaces et ne coûtent pas cher à fabriquer, alors que pour les arrêter, il faut que Ryad et Abu Dhabi dépensent des fortunes pour acheter le matériel à l’étranger.

Raids de la coalition saoudienne à Sanaa après l’attaque des Houthis aux Émirats

En riposte à l’attaque perpétrée lundi sur le sol émirati et revendiquée par les Houthis, la coalition militaire menée par l’Arabie saoudite a effectué dans la soirée des raids aériens sur Sanaa, la capitale yéménite aux mains des Houthis, selon l’agence officielle de presse saoudienne. Plus tôt dans la journée, une explosion de camions-citernes transportant du carburant avait fait trois morts et six blessés à Abu Dhabi, capitale des Émirats arabes unis.

La coalition militaire menée par l’Arabie saoudite et qui combat les rebelles au Yémen a annoncé, lundi 17 janvier au soir, des frappes aériennes sur Sanaa, la capitale yéménite contrôlée par les Houthis, après une attaque meurtrière aux Émirats arabes unis, membre de cette alliance militaire.

« En réponse à la menace et une nécessité militaire, des frappes aériennes commencent à Sanaa », a-t-elle annoncé dans un tweet de SPA, l’agence de presse officielle de l’Arabie saoudite, qui dirige cette coalition.

L’attaque à Abu Dhabi a suscité des condamnations internationales de pays arabes et occidentaux, en tête desquels les États-Unis, ainsi que de l’ONU. Les Émirats ont pour leur part averti qu’elle ne resterait « pas impunie ».

Missiles balistiques et drones

Annonçant le lancement d’une opération militaire baptisée « Ouragan du Yémen », les Houthis ont affirmé sur leur chaîne Al-Massira avoir « ciblé des installations et site émiratis importants et sensibles » à l’aide de missiles balistiques et de drones.

« Nous prévenons les entreprises étrangères, les citoyens et les résidents de l’État ennemi des Émirats qu’ils devraient se tenir éloignés des sites vitaux pour leur propre sécurité », a ajouté le porte-parole militaire des Houthis, Yahya Saree, dans une allocution sur Al-Massira.

À Abu Dhabi, trois camions-citernes ont explosé « près des réservoirs de stockage » de la compagnie pétrolière d’Abu Dhabi, entraînant la mort d’un Pakistanais et de deux Indiens, a indiqué l’agence officielle émiratie WAM, faisant état de six blessés.

En outre, un « incendie mineur » s’est produit dans « la nouvelle zone de construction de l’aéroport international d’Abu Dhabi », a ajouté l’agence sans faire état de victime.

Yémen/Attaque houthiste aux Émirats arabes unis : riposte et tollé international

Les attaques meurtrières de rebelles yéménites houthistes lancées lundi contre les Émirats arabes unis ont provoqué l’indignation de nombreux pays arabes et occidentaux. La riposte n’a pas tardé, laissant craindre la poursuite de l’escalade.

La guerre au Yémen, qui oppose les rebelles houthistes, armés par l’Iran, aux forces gouvernementales, soutenues par l’Arabie Saoudite et ses alliés, est entrée lundi “dans une nouvelle dimension”, observe Reuters.

Après la mort de trois personnes dans l’explosion de camions-citernes à Abou Dhabi, revendiquée par les houthistes, la coalition emmenée par Riyad – à laquelle participent les Émirats – “a mené des raids aériens sur la capitale yéménite, Saana”, contrôlée par les rebelles, rapporte l’agence de presse britannique.

Selon Al-Masirah, un média affilié aux houthistes, la riposte de la coalition aurait fait “des morts et des blessés” au sein de la population civile.

L’analyste politique Adam Baron observe dans Middle East Eye que les attaques houthistes surviennent après plusieurs “victoires significatives” des forces émiraties dans la province de Chabwa. “Les houthistes ont revendiqué d’autres attaques contre les Émirats par le passé, mais celle-ci est la plus importante à ce jour”, juge l’analyste. Et l’escalade pourrait certainement se poursuivre.”

Leçon

Muhammad Al-Bukhaiti, un membre du bureau politique houthiste, explique dans un entretien au New York Times que son groupe “s’était abstenu d’attaquer les Émirats arabes unis ces dernières années, car les troupes émiraties avaient quitté le pays”. Mais après leur retour et “la récente offensive à Chabwa, les houthistes ont décidé d’attaquer à nouveau”.

“Notre objectif, en frappant les Émirats au cœur, est de les dissuader, a-t-il ajouté. Nous leur conseillons de retenir la leçon. Sinon, nous continuerons, et leur capacité à résister à de telles frappes est bien moindre que celle de l’Arabie saoudite.”

Pour Al-Jazeera, les houthistes font “le pari que les Émirats ne voudront pas s’engager à nouveau au Yémen, par crainte des dégâts économiques que pourraient entraîner des attaques houthistes répétées”. La chaîne qatarie remarque qu’à l’inverse de l’Arabie Saoudite, Abou Dhabi compte une importante population d’expatriés et que son industrie touristique est florissante.

“Inacceptable”

Le voisin saoudien a vivement condamné la “lâche attaque terroriste” des houthistes, à l’instar du Qatar, du Koweït, de Bahreïn ou de la Jordanie, rapporte Arab News.

Aux États-Unis, la Maison-Blanche a promis de “faire rendre des comptes aux houthistes”, selon The Hill. “Notre engagement envers la sécurité des Émirats arabes unis est inébranlable et nous nous tenons aux côtés de nos partenaires émiratis, face à toute menace pesant sur leur territoire.”

Le Vieux Continent s’est également joint au tollé, la France dénonçant une menace pour “la stabilité de la région”, le Royaume-Uni exprimant sa “ferme condamnation”, et l’Union européenne jugeant “inacceptable” une attaque contre des civils.

Israël, dont les relations avec les Émirats sont normalisées depuis 2020, a aussi condamné l’attaque et accusé une fois de plus l’Iran de “saper la sécurité régionale”. De fait, le rôle de Téhéran dans les événements de lundi ne fait guère de doute, selon un dirigeant du Golfe cité par le Wall Street Journal.

“Les houthistes ne lancent pas d’attaques contre d’autres pays – que ce soit avec des drones, des missiles balistiques ou des missiles de croisière – sans permission ou instructions de l’Iran”, déclare-t-il.

Les Houthis dévoilent les détails de leur attaque contre les Émirats Arabes Unis

Le mouvement yéménite Houthi, soutenu par l’Iran, a annoncé, lundi soir, avoir visé les aéroports de Dubaï et d’Abou Dhabi, ainsi que des installations « sensibles » aux EAU avec 5 missiles balistiques et un « grand » nombre de drones. Cette annonce coïncide avec le lancement de frappes aériennes de la coalition arabe sur Sanaa.

Lundi, l’émirat d’Abou Dhabi a été le théâtre de l’explosion de trois camions-citernes de carburant et d’un incendie à proximité de l’aéroport d’Abou Dhabi. Une de ces explosions a fait trois morts et six blessés, ce qui a suscité l’inquiétude de la communauté internationale et de larges condamnations dans les pays arabes.

Abu Dhabi a ensuite accusé le groupe Houthi de cibler « des zones et des installations civiles sur le sol des EAU », soulignant qu’il « se réserve le droit de riposter » à ces « actes terroristes ».

Un communiqué des Houthis, diffusé par la chaîne Al Masirah affiliée au groupe, a déclaré que « l’opération ‘Ouragan du Yémen’ a été menée en réponse à l’escalade de l’agression saoudo-américano-émiratie (la coalition). »

Il a expliqué que l’opération « a visé les aéroports de Dubaï et d’Abou Dhabi, la raffinerie de pétrole de Mussafah (à Abou Dhabi) et un certain nombre de sites et d’installations émiratis importants et sensibles. »

Et de poursuivre : « L’opération a été exécutée avec cinq missiles balistiques et un grand nombre de drones (le nombre n’a pas été mentionné). »

Le communiqué a appelé les entreprises étrangères, les citoyens et les résidents des EAU à se tenir à l’écart des « sites et installations vitaux », promettant d' »élargir les cibles pour inclure des sites et installations plus importants dans la période à venir. »

Il n’a pas été possible d’obtenir un commentaire immédiat du gouvernement des EAU concernant la teneur de ce communiqué.

Lundi, la coalition arabe a annoncé, dans un bref communiqué publié par l’agence de presse officielle saoudienne (SPA), qu' »en réponse à la menace et compte tenu de la nécessité militaire, nous avons lancé des frappes aériennes sur Sanaa. »

Et d’ajouter : « Nous avons ciblé des chefs de file du groupe terroriste au nord de la capitale, Sanaa, et le contexte opérationnel exige la poursuite des frappes en réponse à la menace. »

La coalition n’a pas mentionné l’identité des dirigeants visés, tandis que les Houthis n’ont fait aucun commentaire sur cette déclaration.

Plus tôt dans la journée de lundi, la coalition arabe a annoncé l’interception et la destruction de 8 drones lancés vers l’Arabie saoudite.

Le Yémen est, depuis près de 7 ans, en proie à une guerre sans répit entre les forces pro-gouvernementales soutenues par une alliance militaire arabe menée par l’Arabie saoudite voisine, et les Houthis, soutenus par l’Iran, qui contrôlent depuis septembre 2014 plusieurs gouvernorats, dont la capitale Sanaa.

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