Comme en 2020-2021 face au covid, l’Europe a démontré une nouvelle fois sa fragilité dans l’épreuve et l’adversité. Après avoir gonflé à bloc le président ukrainien Volodymyr Zelensky contre Moscou, elle s’est dégonflée comme un ballon de baudruche. Les sanctions contre la Russie n’étaient que des pis-aller qui ne pouvaient occulter l’essentiel : une inanité affligeante face aux Russes.
Comme un air de déjà-vu, le conflit russo-ukrainien rappelle 2020 et 2021 lorsque l’Europe a fermé ses frontières et s’est recroquevillé dans sa coquille. Chaque pays donnait l’image, piètre, de chercher à s’en sortir seul à moindre frais, et que les autres se débrouille comme ils peuvent. Pris au piège du gaz russe, l’Allemagne et l’Autriche ont mis du temps à répondre à l’appel de l’Union européenne. Les métamorphoses opérées sont fausses, et il faut revenir aux premiers reflexes pour saisir dans sa totalité la position de chacun.
La Russie, qui demandait surtout des garanties de la part de l’Otan, a épuisé toutes les voies de recours avant d’envahir l’Ukraine et de démontrer que dans une guerre de ce type, il n’est pas de bon ton de faire dans la demi-mesure. Avec la minutie et la rigueur d’une brodeuse, les armées russes ont fait dans le détail, sans toutefois user d’armes non conventionnelles, il faut le préciser, parce que c’est important de le garder à l’esprit.
La Chine a été instruite de l’attaque avant tout le monde, et Poutine semble avoir agi en mettant toutes les cartes de son côté. L’Europe ne comptait pas beaucoup pour Moscou, et on a vu comment Poutine a trainé un Macron de bureau en bureau et de salle en salle avec la mise en scène qui seyait en pareille circonstance pour le réduire à sa plus simple expression.
L’Algérie, engagée surtout dans un jeu de stratégie planétaire, n’a pas dérogé à ses fondamentaux. Elle a appelé à la résolution de la crise par les moyens pacifiques, n’a pas suivi la meute, et a demeurée pondérée face à une crise dont les prémisses renseignent sur un règlement immédiat du conflit (en ce moment précis, mardi, 18 heures, les négociations russo-ukrainiennes ont déjà débuté en Biélorussie). Ce qui va se passer se dessine déjà en grosses lignes, tant il n’est pas au bénéfice de Zelensky d’allonger la vie à une destruction plus grande de son pays et dont il peut faire l’économie, pour peu qu’il écoute son propre peuple.
Au plan économique, si le volume total des échanges de biens et services entre l’Ukraine et l’Algérie en 2020 s’est élevé à 378,408 millions USD (en baisse et constitue 61,59% en comparaison avec 2019) et les exportations de marchandises à 357 millions 254 mille USD. (61,1 % par rapport à 2019), avec les Russes, c’est un autre univers. Sur l’année 2018, les échanges commerciaux entre l’Algérie et la Russie ont augmenté de 18% pour constituer plus 4 milliards de dollars. En 2019, les exportations russes vers l’Algérie dépassent les importations ; la Russie a livré des marchandises pour 2,5 milliards de dollars – principalement des moyens de transports (36% du volume total des exportations), des produits métallurgiques (10%) et des minéraux (6,2%) – et en a importé pour 8,2 millions de dollars.
Mais plus que les échanges commerciaux de matière premières, c’est dans le chapitre « armement » que la relation Alger-Moscou ressemble à une alliance stratégique. Déjà client historique des Russes, Alger a noué dès l’indépendance des relations privilégiés, voire préférentielles, avec Moscou. Une alliance qui ne s’est jamais démentie au fil des ans. La majorité des officiers supérieurs de l’armée algérienne ont fait leur formation en Russie et dans les ex-Républiques de l’Union soviétique ; de même, l’armement dont on dispose, est dans une large proportion russe, et mieux, les commandes militaires demeurent actives.
Au moment où l’Europe (dans ses principaux représentants) tergiverse sur le dossier sahraoui, brouille les pistes sur ceux de la Libye et du Mali, le monde se refait en blocs monolithiques. L’humiliation australienne faite à la France dans le dossier des sous-marins a dévoilé une face cachée de la carte de ces blocs. Le conflit en Ukraine, ainsi que la position chinoise sur le sujet, ont démontré
que l’axe Moscou-Pékin est devenu plus pesant que celui des Etats Unis d’Amérique à l’ère Joseph Biden. Le recul tactique de Washington est symptomatique de cet embarras américain.
Fracturée entre l’Union européenne et l’Otan, l’Ukraine est d’abord morcelée par ses propres partenaires, car beaucoup de non-dits secouent le dossier ukrainien et la crainte de voir Moscou prendre la Crimée et les débouchées sur les mers chaudes.
A l’Algérie de tirer les conclusions et faire en sorte de savoir sortir indemne de ce type de situations qui chambardent la planète épisodiquement.