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Informer en temps de guerre

 Il est utile de rappeler qu’en temps de guerre, la part de vérité est la portion congrue de la relation des faits. C’est-à-dire ne vous attendez pas à lire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité sur ce qui se passe en Ukraine. Russes et Occidentaux s’adonnent à une autre guerre, médiatique et informationnelle. L’Occident marque des points pour le moment, puisqu’il possède les manettes des grands groupes, des grands médias et des outils de rétention. 

 Déjà, et en contradiction avec le principe de liberté de la presse, les autorités françaises et européennes s’apprêtent à interdire RussiaToday France dans toute l’Europe sans aucune base juridique et sans procédure contradictoire. On s’arroge le droit de censurer un média dont la ligne éditoriale déplaît.

L’«interdiction» annoncée par les autorités européennes se poursuit pour RT : sur YouTube, Facebook, Instagram et Telegram, qui comptent plusieurs millions d’abonnés au total, l’accès à RT France a été bloqué sur le territoire européen.  Car, les aides occidentales consenties au profit de l’Ukraine comptent aussi sur l’appui informationnel : les sites russes, russophones ou pro-russes sont interdits ou taxés en Europe occidentale. 

En Russie aussi, les journalistes sont invités à ne pas faire le jeu des Occidentaux ; certains médias sont « avertis » ou bloqués par l’instance fédérale de contrôle, alors que d’autres médias sont victimes d’attaques des hackers d’Anonymous. Le gouvernement russe affirme, pour sa part, créer le seul site officiel proposant des « informations fiables et vérifiées ».

Le 1er mars, le Parquet général de Russie a demandé « la limitation de l’accès aux ressources informationnelles » de la radio Écho de Moscou et de la chaîne de télévision Dojd. Le Roskomnadzor, l’instance fédérale de surveillance des médias, a aussitôt bloqué leurs sites Internet.

Même les mots sont soigneusement contrôlés avant d’être utilisés et diffusés. Ainsi, plusieurs médias, comme la BBC ou Libération, ont décidé de ne plus utiliser le nom « Kiev », venu du russe, pour désigner la capitale de l’Ukraine. Ils lui préfèrent désormais son appellation ukrainienne « Kyiv». « Difficile de changer dans un journal le nom d’une ville quand son usage est ancré », écrit Libération sur son site mardi 1er mars 2022, au sixième jour de la guerre russe à l’Ukraine. Les mots « invasion » sont utilisés en Occident, mais pas en Russie, qui préfère un son propre lexique. 

     Pour le jeune journaliste algérien, en général mal formé, jeté dans une salle de rédaction où il est abandonné à lui-même dès son recrutement, il s’agit d’un périlleux exercice de style.  Il faut maitriser les enjeux, les stratégies, les objectifs, connaitre les dessous de cartes, en plus de savoir user d’un équilibrisme équidistant, de mise en pareille circonstance, tout en gardant à l’esprit les fondamentaux de la politique étrangère de son pays, le dogme militaire et les intérêts en jeux. Autant d’artifices qui font partie de la panoplie du vieux routier, mais qui feraient perdre l’esprit d’analyse à plus d’un. 

En puisant dans la presse française ou anglo-saxone, on n’aura qu’un seul et unique son de cloche. Ce qui explique les travers qui émaillent les articles qu’on peut lire, tant en arabe qu’en langue française, sur les médias nationaux. Aussi, n’est-il pas le moment d’engager une réflexion en vue d’aboutir à une stratégie de riposte appropriée en temps de périls majeurs, afin d’éviter aux jeunes plumes de se fourvoyer dans de fausses pistes, autant préjudiciables pour le journaliste que pour le pays ? 

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