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L’abécédaire de la propagande de guerre en Ukraine

De la guerre d’Ukraine, on n’en sait que ce que les médias occidentaux veulent bien nous faire voir et entendre. Ne cherchez pas à connaître la vérité dans les tonnes d’informations que propagent les médias occidentaux, ce qui ne veut pas dire que les médias russes disent la vérité. Mais, il n’y a pas de comparaison possible entre les deux, les premiers formant  la quasi-totalité des sites et de la presse accessible par le reste du monde. Dès le déclenchement de la guerre, les sites russes les plus performants, tels que la Pravda, Tass ou Russia Today, avaient été interdits et coupés en Europe. Désormais, les journalistes n’allaient boire que chez un seul distributeur : le média occidental. 

       Il fallait se lever tôt pour avoir une information fiable et vérifiable, d’autant que les médias anglo-saxons et français dominaient largement le monde de l’info. Souvent aussi il fallait aller chercher sur les médias asiatiques ou africains pour s’informer réellement. Certains médias orientaux tentaient de trouver le juste milieu, difficilement. Mais le « pompage » sur les sites internet était prépondérant et consacrait la primauté des médias occidentaux sur la réalité des faits. 

                Il est vrai qu’en temps de guerre, l’information cède le pas à la propagande, et qu’avant la guerre réelle, celle qui est menée sur le terrain des opérations, il y a une guerre médiatique qui est menée par des professionnels du métier, les « spin doctors », mais il serait toujours utile pour celui qui s’intéresse – professionnellement, politiquement ou militairement – à cette guerre d’avoir une vision plus ou exacte des événements afin d’en tirer les conclusions qui s’imposent. Beaucoup de mensonges ont été diffusés, jusqu’à la boulimie, jusqu’à l’outrance, les journalistes agissant tous de concert comme s’ils avaient reçu discrètement un ordre d’un rédacteur en chef invisible. 

     Bien avant le début de la guerre, des journalistes occidentaux des chaînes les plus puissantes étaient déjà en discussion avec l’état-major de l’armée ukrainienne. Question de choix, d’agenda ou alignement politique, chaque média avait les grosses lignes à l’esprit, ne restait qu’à renforcer par des images ou des témoignages, dussent-ils être faux et mensongers, délibérément destinés à induire l’opinion en erreur. 

        Dans les images phares propagées par les médias occidentaux depuis presque un mois, nous pouvons déjà dresser une liste provisoire des info-intox les plus flagrantes. 

1°-Poutine est gravement malade, « schizophrénique », « isolé » seul, abandonné, l’esprit troublé.

      Des sites aussi réputés « sérieux » que Futura sciences, avaient usé et abusé de leur statut de média « scientifique » pour propager sur Poutine des informations outranciers, l’accusant de toutes les maladies et de tous les vices, faisant presque le parallèle avec ce qui se disait de Hitler, après la Seconde guerre mondiale. Cette stratégie tend à « diaboliser l’ennemi ». 

2°-La Chine a abandonné la Russie, Xi Jinping déçu par l’envasement russe en Ukraine.

3°-les armées russes s’enlisent dans la guerre de guérilla; la résistance ukrainienne fait subir aux Russes des échecs cuisants. De ce fait, « la Chine qui appuie discrètement la Russie, peut s’en détacher après avoir constaté le peu de réussite de Moscou dans une guerre qui peut se retourner contre elle ». En fait, rien de plus faux. Moscou et Pékin sont liés par plusieurs accords stratégiques, lesquels accords sont aujourd’hui, à la lueur de ce qui se passe, plus puissants que jamais. 

3-Les avions russes tombent comme des mouches en Ukraine : 86 avions et 108 hélicoptères russes abattus 

      Je reprends pour vous, in extenso, ce morceau d’article : « Les choses étaient claires: il ne suffirait que de quelques heures aux puissantes forces russes pour annihiler la maigrelette armée de l’air ukrainienne qui, au premier jour de l’invasion, était chargée de lui faire face. Pourtant, près de trois semaines après le début du conflit, l’une des grandes surprises des premiers jours semble tenir bon. La Russie ne règne nullement en maîtresse sur les cieux ukrainiens comme beaucoup le subodoraient.

Pire: ses avions et hélicoptères continuent de tomber comme à Gravelotte, au point d’avoir permis au mythe du «Ghost of Kyiv», pilote de MiG-29 et as ukrainien veillant sur les cieux du pays, d’émerger pour soutenir le moral des troupes et population de la nation agressée ».

Sans commentaire

4°-Le char « russe » écrasant la voiture d’un vieil homme ukrainien était…ukrainien.

C’est l’image la plus poignante sur l’atrocité des Russes. Le tank russe qui écrase une voiture a fait le tour du monde et tous les responsables ukrainiens l’ont mise sur leurs posts twitter. Les images d’un tank russe écrasant une voiture a fait pleurer le monde occidental, « confirmant » pour les Occidentaux la cruauté des soldats russes. C’était extrêmement choquant pour les populations du monde entier. Les médias occidentaux mettaient les photos en Une et la vidéo fait encore le buzz sur YouTube. 

En réalité, le tank était un 9K35 S-10 ukrainien, un ancien, modèle de chars soviétiques utilisés encore par l’armée ukrainienne. Mais l’information existe toujours sur de nombreux site à travers le monde. 

5°-Le « fantôme de Kiev », héros ukrainien de la « guerre du ciel ». 

     Comme chaque guerre cherche d’abord ses héros, il en fallait un. Celui-ci a été vite créé. L’aviateur ukrainien aux commandes d’un avion de chasse a fait tomber plusieurs avions russes; certaines de ses cibles avaient été filmées et mise en ligne; des ministres ukrainiens en avaient postés certaines sur twitter; l’ancien président ukrainien Poroshenko a posté une photo de l’aviateur, accompagnée de ce commentaire : « the ghost of Kiev: il terrifie les Russes, fait la fierté des Ukrainiens et compte six victoires sur des pilotes russes. Avec des défenseurs aussi puissants, l’Ukraine va certainement gagner ». 

La légende du « Fantôme ukrainien », celui qui abat sans pitié les avions russes dans le ciel ukrainien, est née. D’autant que les vidéos du « fantôme » monte réellement des avions percutés et qui tombent en flammes sur le sol.

Là surgit un problème pour les auteurs de ce tissu de mensonges.  Il s’agit d’un jeu vidéo « Digital Combat simulator war » et non pas d’images réels. Cela a été confirmé par les auteurs du jeu à l’agence de presse Reuters. Quant à la photo de l’aviateur postée par Poroshenko, elle datait de…2019. Malgré cela, la légende du « fantôme de Kiev » continue de circuler. 

6°-L’Île aux Serpents. 

Souvenez-vous, le 24 février, on avait lu que l’ « Île aux Serpents », une petite île au large de l’Ukraine, avait été bombardé par la marine russe, tuant 13 gardes-côtes ukrainiens. Que les 13 Ukrainiens avaient courageusement fait face à une flotte russe terrible avant de tomber en martyrs. Que leurs derniers mots avaient été : « Navire russe, va te faire f… ». L’enregistrement avait été diffusé par la « Pravda ukrainienne », puis par le très sérieux « Washington Post », puis enfin par les médias français et britanniques. Le gouvernement ukrainien confirme la mort des 13 gardes-côtes et exprime sa volonté de les ériger en martyrs. Mais le lendemain, les autorités russes annoncent qu’en réalité, l’île était défendue par 82 soldats et qu’ils s’étaient tous rendus. Ce n’est que quatre jours plus tard, que les autorités ukrainiennes ont reconnu que les « 13 soldats étaient peut-être en vie ».

7- La télévision ukrainienne diffuse des échanges accablants entre soldats russes.

Les échanges « confirment » des crimes de guerre perpétrés par des soldats russes : assassinats, viols et tirs intempestifs, « pour tuer ». Pour BFMTV, « ces enregistrements diffusés par la télévision ukrainienne laissent penser que des soldats russes commettent des crimes de guerre depuis le début de la guerre.

« Des sons à prendre avec précaution. La télévision ukrainienne a diffusé récemment des enregistrements fournis par les services de renseignements ukrainiens, dans lesquels un soldat russe parle avec ses proches. On peut l’entendre raconter des crimes de guerre commis par ses camarades.

« Le soldat russe assure par ailleurs qu’il a reçu l’ordre de tuer les civils. « Le commandant m’a donné le feu vert pour tirer. Il y a une trappe, il me dit d’ouvrir la trappe et de tirer, peu importe ce que disent leurs pancartes, des enfants ou pas », explique-t’il. Il raconte par ailleurs avoir croisé dans des bois « un tas de cadavres en civil avec des sacs sur la tête ». 

Sans commentaire.

8°-Zelensky : « Les Russes ont bombardé les centrales nucléaires ukrainiennes ». 

« Nous alertons la communauté internationale sur le fait qu’aucun autre Etat ne l’a jamais fait auparavant. Il s’agit d’un acte terroriste ». Ces propos de Zelensky, le président ukrainien, émeuvent le monde, mais surtout alertent les chefs d’Etats sur les risques encourus. La presse internationale a fait un large écho aux propos de Zelensky et l’Otan a immédiatement condamné « les bombardements irresponsables des Russes ». Un ministre ukrainien a posté par la suite qu’un incendie dans une centrale nucléaire en Ukraine pouvait générer une catastrophe dix fois plus grave que celle de Tchernobyl.

En réalité, l’Ukraine dispose de 14 centrales nucléaires, et aucun n’a été ni ciblé ni touché. « Libération », qui a fait le travail, professionnellement, et disposant d’un journaliste professionnel sur le terrain, a pu confirmer qu’aucun des 14 centrales nucléaires n’a été ciblé ni touché. 

9-Pourquoi les Africains sont-ils restés neutres concernant l’Ukraine ?

En réalité, cette question cache un sous-entendu et devait être posée de la sorte : pourquoi les Africains sont majoritairement pro-Russes ? Et c’est la BBC qui l’a posée, en rapportant que l’ambassadeur américain aux Nations Unies a déclaré que les États africains ne pouvaient pas rester neutres sur la guerre en Ukraine.

S’adressant à la BBC, Linda Thomas-Greenfield a noté que lors du vote de l’Assemblée générale il y a deux semaines pour déplorer l’invasion russe de l’Ukraine, 17 pays africains – la moitié du total mondial – se sont abstenus et huit autres n’ont pas voté du tout. L’ambassadeur a déclaré qu’il ne pouvait y avoir de terrain neutre et que cette crise n’était pas simplement une compétition de guerre froide entre l’Occident et la Russie.

Pour « séduire », Mme Thomas-Greenfield a déclaré que les États-Unis aidaient à trouver des sources alternatives de produits de base que les pays importent de Russie.

« Ces Africains qui veulent aller combattre en Ukraine » est aussi un titre créé et imaginé par la même BBC, « envisageant » une réaction des pays africains pour l’Ukraine. 

Loin des scénarios imaginés et lancés à coups d’articles et d’images, l’Afrique a répondu clairement à l’Occident par la voix du président sud-africain qui rend « l’OTAN responsable de la guerre en Ukraine ». En effet, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a rendu l’Otan responsable de l’invasion russe en Ukraine et a réitéré ses critiques à l’égard du rôle du Conseil de sécurité de l’ONU dans le conflit : « La guerre aurait pu être évitée si l’Otan [Organisation du traité de l’Atlantique Nord] avait tenu compte des avertissements lancés par ses propres dirigeants et responsables au fil des ans, selon lesquels son expansion vers l’est entraînerait une plus grande, et non une moindre, instabilité dans la région », a déclaré M. Ramaphosa.

   « Les pays les plus puissants ont tendance à utiliser leur position de membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies pour servir leurs intérêts nationaux plutôt que les intérêts de la paix et de la stabilité mondiales. Le Conseil de sécurité doit être remanié afin qu’il y ait une représentation équitable et un mécanisme plus inclusif pour résoudre les différends internationaux ».

Ramaphosa a déclaré le 11 mars que l’Afrique du Sud avait été approchée pour jouer un rôle de médiation dans la guerre Russie-Ukraine.

10-les islamistes, hormis les «Kadyrovtsi», cherchent à venir en aide aux Ukrainiens.

GROZNY, CHECHEN REPUBLIC, RUSSIA – FEBRUARY 25, 2022: Ramzan Kadyrov (C), head of the Chechen Republic, takes part in a review of the Chechen Republic’s troops and military hardware at the residence of Ramzan Kadyrov, head of the Chechen Republic. Early on 24 February, Russia’s President Putin announced his decision to launch a special military operation after considering requests from the leaders of the Donetsk People’s Republic and Lugansk People’s Republic. Yelena Afonina/TASS/Sipa USA/37764516/MB/2202251321

Comprendre ceci : les «Kadyrovtsi» sont les Tchétchènes de Ramzan Kadyrov, président de la Tchétchénie et allié de Moscou, qui annonçait récemment mobiliser 12.000 hommes pour combattre aux côtés des troupes russes dès que le «commandant suprême en chef» Vladimir. 

«Ce sont des volontaires qui sont prêts à participer à n’importe quelle opération spéciale à tout moment pour protéger notre État et notre peuple», a affirmé le chef de cette République constitutive de la Fédération de Russie.

Si la perspective Kadirov est certaine, Ramzan suivant le sillage de son père, Akhmad Kadyrov, ancien grand mufti et président de la république de Tchétchénie de 2003 à 2004, avant d’être assassiné, le 9 mai 2004, il y a des nuances de taille pour les médias occidentaux qui chercheraient à impliquer des islamistes de type Al Qaïda ou Daesh en Ukraine contre les Russes. 

Qui veut impliquer les islamistes dans la guerre en Ukraine ? Evidemment, les parties qui en seront bénéficiaires. On cherche à reproduire, avec toutes ses variantes, la guerre américano-soviétique par Afghans et Afghans-arabes interposés. On connaît avec précision comment est née Al Qaida à Peshawar, avant d’être introduite dans la terre des Pachtounes. C’était une guerre américano-soviétique par excellence sous-traitée par le biais de wahhabites. On sait aujourd’hui également que les Afghans n’ont pu venir à bout des soviétiques que grâce aux missiles sol-air Stinger américains. On sait enfin ce qu’il en est advenu des arabes de retour dans leurs pays d’origine…

Conclusion…

     Ce n’est là que quelques exemples de la propagande de guerre, pris ça et là, au jour le jour, depuis le début de la guerre en Ukraine. On peut y ajouter beaucoup, comme cet « épouvantail » que je suis en train de lire sur la menace de la famine pour les Africains si la guerre persiste. 

On sait bien que la production en blé des Russes et des Ukrainiens réunis ne fait pas plus de 12% de la production mondiale, et que la famine en Afrique a déjà une longue et cruelle histoire qui date de plusieurs décennies, famines cruelles que ni les Russes ni les Chinois n’ont provoqué. 

         A la fin, il serait très judicieux et utile à la fois pour la nouvelle génération de journalistes algériens, qui n’ont pas eu l’occasion de s’affirmer sur le terrain, d’observer cette guerre en Ukraine sous cet angle critique, et de faire en sorte de s’entraîner sur les principes directeurs d’une propagande de guerre, tant il est vrai que la première victime de la guerre est…la vérité.

   En réalité, l’emballement qui accompagne ce type de fake news est symptomatique d’une orgie émotionnelle dans laquelle les médias ont plongé les populations, ne leur laissant pas l’ombre d’un doute quant à l’atrocité des Russes face aux gentils ukrainiens. A aucun moment, la genèse de la guerre n’a été expliquée dans ses justes proportions. Il est vrai que la population ukrainienne méritent toute la compassion du monde et en appelle à nos vœux les plus sincères pour une fin des hostilités ; mais il faut chercher également à comprendre qui tirait les ficelles de Zelensky, qui s’appuyait, qui l’a gonflé avant de l’abandonner à son triste sort. Parce que, qu’elles qu’en soient les réaménagements et les négociations, l’Ukraine va se retrouver dix ou vingt ans en arrière, avec une partition de son sol qui devient un fait quasi irréversible pour Moscou.

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