Qui peut ajouter désormais foi à la position politique espagnole ? En choisissant de s’aligner sur le Plan d’autonomie proposé par le Maroc, l’Espagne se discrédite, même vis-à-vis de ses propres ressortissants. On les a vus, et entendus, et écouté, depuis deux jours, les journalistes les plus crédibles de l’Espagne, exprimer leur étonnement, puis leur déception, puis enfin leur colère contre la rabaissement de Madrid après des « pressions marocaines ».
On a écouté le propos d’un Ignacio Cembrero, très crédible au niveau mondial, affirmer qu’en contrepartie, l’Espagne s’en sort les mais sur la tête, avec un crédit entamé et une position inconfortable avec les pays soucieux du droit international ; en plus, l’Espagne avait une responsabilité historique vis-à-vis du dossier Sahara occidental, qu’elle a contribué à pourrir, en quittant précipitamment les terres sahraouis et les laissant à la prédation du roi Hassan II.
Le roi Hassan II cherchait la parade pour faire diversion aux problèmes internes, cherchait à souder une unité nationale largement écornée par les divers coups d’État auxquels il a été confronté et en a été la cible. Aussi, la fameuse « marche Verte » constituait un palliatif à la politique marocaine du début des années 1970. Voilà où l’Espagne a été épinglée par l’histoire, et voilà pourquoi elle avait une responsabilité historique vis-à-vis du dossier Sahara occidental, jusqu’à ce que les Sahraouis recouvrent leur indépendance ; voilà enfin, pourquoi, en se défiant, l’Espagne se porte à elle-même d’abord, un terrible coup de poignard dans le cœur.
On s’est beaucoup appesanti sur les motifs du revirement espagnol ; tous nos contacts en Espagne nous parlent de « pressions marocaines ». Mais lesquelles ? Ils n’ont su le dire avec précision. Mais s’est-il agi de pressions sur l’Etat espagnol ou de pressions sur la personne même de Pedro Sanchez ? La réponse est importante et permet de cerner le problème du revirement espagnol.
De toute évidence, il est clair que du côté des Sahraouis, la déception a été grande ; mais ceux-ci en ont vu d’autres. Hier, le ministre, conseiller à la présidence de la République sahraouie, Bashir Mustafa al-Sayed, affirmait que la position « unilatérale » du gouvernement espagnol sur le conflit au Sahara occidental est un « comportement isolé » qui porte « un sérieux coup » à la crédibilité de l’Espagne et constitue une « nouvelle trahison » envers les peuples sahraoui et espagnol.
Ce brusque revirement de position sur le dossier sahraoui, dénoncé par l’ensemble des forces politiques et la société civile espagnoles, « dénote le reniement de (Pedro) Sanchez de sa position initiale, du droit international et de la légalité internationale », a déclaré Bashir Mustafa al-Sayed.
Dans ce contexte, le ministre sahraoui et membre du secrétariat national du Front Polisario a précisé que la nouvelle position du chef du gouvernement espagnol, qui contredit toutes ses déclarations précédentes sur son « attachement » à la légitimité internationale et au cadre international pour achever la décolonisation du Sahara occidental et son soutien aux efforts de l’Envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies, Staffan de Mistura, « est contre la logique et contre la position du reste de la coalition gouvernementale ».
Il s’agit aussi, a-t-il poursuivi, d' »un coup sans précédent porté au consensus des forces politiques et de la société civile espagnole”.
Ainsi, a tenu à préciser également le responsable sahraoui, la position de Sanchez « ne peut être qu’une position unilatérale et un comportement isolé, qui porte un sérieux coup à la crédibilité de l’Espagne en la classant avec « le groupe des gouvernements sans principes et prêts à toutes les Compromissions ».
Le responsable sahraoui a également attribué ce changement de position du gouvernement espagnol à « la lâcheté et la capitulation devant de simples analyses médiatiques et des dangers imaginaires émanant de l’alliance du mal Maroc/entité sioniste ».
Quant à la possibilité de Madrid de revenir sur sa position actuelle, Bashir Mustafa al-Sayed a déclaré que « le gouvernement espagnol peut se rétracter et corriger son erreur si les Sahraouis poursuivent leur combat et continuent à travailler avec les forces politiques espagnoles et les partis de la coalition gouvernementale dans l’intérêt de la cause sahraouie ».