Le Maghreb est un espace central dans le monde d’aujourd’hui. Comme dans celui d’hier, d’ailleurs. Occupant la berge sud de la Méditerranée, il donne accès en même temps à l’Europe et à l’Afrique et au Machrek. Or depuis quelques années, les tensions qui le secouent ont atteint ce qu’il convient de qualifier de guerre de « basse intensité ». Le problème central en est le Sahara occidental. L’acteur principal de cette stratégie de surenchère s’appelle le Maroc.
Dans ces tensions qui rament entre plusieurs eaux, l’Occident a une part de responsabilité. Certainement la plus grande. L’Espagne a généré le problème en abandonnant un espace qu’elle colonisait et sans rien entreprendre qui pouvait laisser aux Sahraouis le choix de décider de leur sort, alors qu’elle devait se comporter juridiquement en tant que puissance administrante de jure du Sahara occidental, ex-colonie espagnole.
Dans son entreprise néocolonialiste, le Maroc s’est appuyé sur la compromission de pays occidentaux, sans lesquels Rabat n’aura jamais montré une audace aussi insultante à la face du droit international. Récemment encore, le revirement de Madrid en rajoutait une couche.
De même en Libye, les épisodes d’une guerre civile qui ne dit pas son nom sont les conséquences d’une guerre franco-atlantiste qui avait libéré les fauves de leurs geôles pour les jeter dans l’arène. Et encore aujourd’hui, il faudrait gérer une Cyrénaïque belliqueuse avec un maréchal va-t-en-guerre pour pouvoir espérer arriver à bon port.
Les Etats Unis, qui ont plus de recul par rapport à l’Europe concernant l’Afrique du nord, ont compris cela. Preuve en est, la visite jeudi dernier, de l’ambassadrice américaine Bisa Williams qui effectue une visite en Algérie, en tant que représentante du « Centre Carter » qui tient le rôle d’ « observateur indépendant » de la mise en œuvre de l’accord de paix et de réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger. C’est dire combien le Plan d’Alger peut être un parfait palliatif à tous les mécanismes de guerre mis sur pied au Nord-Mali (Serval, puis Barkhane, G5-Sahel, Tabuka, contingents tchadiens, Minusma, etc.) sans apporter le moindre empan de paix aux populations.
La Russie et la Turquie ont une carte à jouer en Libye ; mais différemment. Or il faudrait converger pour réussir la transition, après dix années de guerre fratricide. Des zones de turbulences plus prononcées dans le triple espace maghrébo-saharo-sahélien n’est pas dans l’intérêt des puissances occidentales, européennes surtout. Les rivages espagnoles, italiens et français sont proches des rivages nord-africains, et toute tension qui perdure et toute déflagration qui éclate aura ses conséquences européennes. Le retour de flammes en sera un juste coût.
Voilà, en grosses lignes, pourquoi les puissances ont intérêt à en finir avec foyers de tensions politico-sécuritaires au Maghreb et à commencer à réfléchir sérieusement sur une issue rapide et sérieuse pour les dossiers en suspens. A commencer par celui que pose Tripoli.