Le cours du baril WTI, la référence américaine en matière de pétrole brut, fait désormais jeu égal, voire le dépasse, avec celui du Brent, la référence européenne. Vendredi, ils évoluaient tous les deux autour des 112 dollars. Il faut remonter à 2020 pour retrouver le même phénomène. Sur un mois, le prix du WTI a progressé de 7,6% contre 3,4% pour le Brent.
Le Brent, pompé dans la mer du Nord, sert de référence non seulement pour l’Europe mais aussi en Afrique et au Moyen-Orient pour les transactions entre producteurs et consommateurs.Les réserves de Cushing
Le West Texas Intermediate (WTI), extrait de gisements situés aux Etats-Unis, est principalement acheté et raffiné localement. Il est stocké dans des réserves situées à Cushing, une ville de l’Oklahoma, qui sert de baromètre pour le marché pétrolier en Amérique du nord, qui sont d’ailleurs à de bas niveaux.
Cette appréciation du WTI trouve aussi en partie une explication dans les sanctions occidentales à l’égard de la Russie. Les Etats-Unis ayant décrété un embargo depuis plusieurs semaines sur les importations de brut et de produits pétroliers, les raffineurs se tournent vers le brut local pour alimenter les marchés, faisant grimper les prix du WTI. En effet, ce dernier est plus léger et plus sulfureux, plus facile à raffiner pour produire de l’essence, tandis que le Brent convient mieux à la production de diesel et de gasoil.
En Europe, un accord n’a pas encore été trouvé sur un tel embargo, car « certains États de l’Union européenne, dont la part des hydrocarbures russes dans le bilan énergétique est particulièrement élevée, ne seront pas en mesure de le faire avant longtemps, de se passer de notre pétrole », ironisait mardi Vladimir Poutine. Néanmoins, ces importations sont en baisse. « L’Union européenne est restée le plus important marché pour les exportations de brut et de produits raffinés russes, avec 3,4 millions de barils par jour, soit 43%. Cette part est, toutefois, en baisse, de 535.000 barils par jour, puisqu’elle était de 50% en début de l’année », souligne l’Agence internationale de l’énergie (AIE), dans son dernier rapport mensuel (voir graphique).
Aux Etats-Unis, cette hausse du WTI s’affiche sur les pompes des stations service. Le gallon (3,78 litres) s’affichait vendredi en moyenne 4,593 dollars (6,6 dollars en Californie), selon les données du site AAA. C’est un niveau record. Il y a un an, il se situait à 3,04 dollars, soit une hausse de 51%, alors que sur la même période le cours du baril de WTI a progressé de 76% (+ 69% pour le Brent).
Deux autres facteurs sont également à prendre en compte : le transport et le raffinage. « Historiquement, les prix des tankers augmentent durant les périodes de faible demande pétrolière, du fait de capacités de stockage sur terre proches de leur maximum qui entraîne une hausse de la demande de tankers comme source de capacités flottantes et flexibles », souligne l’Agence d’information sur l’énergie américaine (EIA).
Or cette configuration est bouleversée par les sanctions occidentales contre la Russie, et l’embargo américain. « Depuis février 2022, les tarifs des tankers pour les produits raffinés opérant dans les ports russes et européens ont augmenté en raison de l’incertitude géopolitique et des primes de risque d’assurance », notent l’EIA, dans son bulletin hebdomadaire. Entre janvier et avril, ils ont progressé de 63 %.
De son côté, l’Union européenne importe davantage de produits comme le diesel ou le gasoil des Etats-Unis pour compenser les importations, ce qui a fait bondir les prix du fret entre la région de la Côte du Golfe des Etats-Unis et le continent européen de 233% entre janvier et avril. Quant au transport de brut, les prix entre la mer Baltique et le continent européen se sont envolés de 447% durant la même période, en raison des coûts d’assurance sur les primes de risques.