Le nombre de projets d’investissements étrangers en France a grimpé en flèche en 2022 (+237) après le plongeon de 2020. Il dépasse même son niveau d’avant-crise, selon le dernier baromètre EY. La France fait ainsi la course en tête devant le Royaume-Uni (993) et l’Allemagne.
Le nouveau quinquennat Macron démarre sur une note positive malgré les conséquences dramatiques de la guerre en Ukraine. Après le marasme de 2020 et le fort rebond économique de 2021, le nombre de projets d’investissements étrangers a atteint un sommet l’année dernière pour s’établir à 1.222 contre 985 en 2020 et 1.197 en 2019. Sur les dix dernières, il s’agit d’un sommet, selon le dernier baromètre EY dévoilé ce mardi 31 mai. « Le nombre de projets d’investissements a augmenté en Europe et de manière substantielle en France. La France a bénéficié d’un effet rebond en 2021 car elle avait été plus touchée que les autres pays » a expliqué à La Tribune Marc Lhermitte, responsable au niveau mondial du conseil des activités liées à la compétitivité et à l’attractivité. Il y a une reconnaissance des investisseurs étrangers sur les efforts de la France en matière de compétitivité », poursuit-il. De son côté, Christophe Lecourtier, directeur général de Business France, l’agence en charge de l’attractivité, estime que « ces résultats confirment la première place de la France. Alors que la France était troisième en 2017, elle occupe la première place du podium depuis trois ans. Il y a eu beaucoup plus de projets qu’entre 2012 et 2017 ».
La France creuse l’écart avec le Royaume-Uni et l’Allemagne…
Sur le Vieux continent, l’Hexagone fait la course en tête devant le Royaume-Uni et l’Allemagne. Après un coude à coude en 2020 entre les trois pays, l’économie tricolore creuse l’écart en 2021 avec 200 projets supplémentaires par rapport à ses voisins. Comment expliquer un tel fossé ? Outre-Manche, l’économie britannique souffre du Brexit, « en raison des inquiétudes persistantes concernant les restrictions commerciales et la pénurie de main d’œuvre », souligne le baromètre. Le vote en faveur d’un divorce entre Londres et les institutions européennes en 2016 avait provoqué un séisme dans certains milieux économiques et financiers outre-Manche. Force est de constater que depuis 2016, le Royaume-Uni perd du terrain face à ses voisins européens. Le Royaume-Uni n’est plus le poids lourd économique aux yeux des investisseurs étrangers mais reste une place forte « dans la technologie, les sièges sociaux et l’industrie financière ». Entre 2020 et 2021, le nombre de projets d’investissement a modestement augmenté de 2%. Quant à l’Allemagne, elle voit le nombre de projets d’investissement dégringoler de 10% entre 2020 et 2021 pour passer de 930 à 841. Après avoir atteint un pic en 2019 (1.124), Berlin n’a cessé de perdre du terrain pour passer à la troisième marche du podium en 2021. « En Allemagne, le nombre de projets d’investissement avait moins chuté en 2020 par rapport à la France. Dans un pays de plein emploi où les filières sont très organisées, être un nouvel entrant peut être très compliqué. L’Allemagne a moins de politique d’attractivité que la France. Les efforts fournis par les Länder sont moins développés que dans d’autres régions françaises comme les Hauts-de-France ou le Grand Est », poursuit Marc Lhermitte.
…mais les investissements en France créent moins d’emplois qu’en Allemagne ou au Royaume-Uni
L’examen plus détaillé des investissements opérés dans chaque pays montre que le nombre moyen d’emplois créés en France par projet d’investissement (38) est bien inférieur à ceux du Royaume-Uni (68) ou encore de l’Allemagne (45). « La taille des investissements en valeur est moins importante en France que chez nos voisins […] Il y a un vrai clivage entre les entreprises étrangères implantées en France et celles qui ne le sont pas, » explique Marc Lhermitte. Pour Christophe Lecourtier, « le plus faible nombre d’emplois créés ne remet pas en cause l’attractivité de la France. La France augmente même de 12% le nombre d’emplois créés par projet par rapport à l’année 2020. Si l’on prend le chiffre du nombre de projets ayant créés plus de 100 emplois, la France est en quasi-égalité avec le Royaume-Uni (107/110) et supérieur à l’Allemagne (68). D’autre part, avec 69 % d’extensions de sites (Vs 23% au Royaume-Uni et 19% en Allemagne), la France attire moins de nouveaux projets mais témoigne de la satisfaction et de la confiance des investisseurs étrangers installés en France. Une entreprise qui s’implante en France, s’y développe et y pérénise son activité, » précise l’expert interrogé par La Tribune.
Régions : le grand Ouest tire son épingle du jeu
Concernant le classement des régions tricolores, l’Ile-de-France reste sans surprise sur la première marche du podium avec 291 projets d’investissement mais le niveau reste quasi stable par rapport à 2020 (+1%). La région Grand Est (109 projets) et les Hauts de France (107) arrivent respectivement en seconde et troisième position. En termes de dynamique, plusieurs régions dans l’Ouest (Bretagne, +104% ; Centre-Val-de-Loire, 72% Normandie, 63%) tirent leur épingle du jeu. L’un des résultats frappant de ce baromètre annuel est que près d’un projet industriel sur deux est localisé dans une commune de moins de 50.000 habitants. « Sur les 482 projets industriels recensés en 2021, près de la moitié ont bénéficié aux petites villes ou aux villes moyennes […] Les entreprises à capitaux étrangers viennent s’implanter dans ces bassins d’emploi alors que les grandes entreprises et les ETI françaises se projettent plus souvent à l’international », souligne le consultant d’EY.
Le choc de la guerre en Ukraine
L’éclatement de la guerre en Ukraine à la fin du mois de février a considérablement assombri les perspectives économiques. En seulement quelques jours, la confiance des entreprises et celle des ménages ont plongé dans un épais brouillard. Selon la vaste enquête EY, près de 80% des entreprises interrogées avant le conflit prévoyaient d’investir en Europe. Ce ratio chute à 48% au lendemain de l’entrée en guerre de la Russie en Ukraine. Même s’il est encore difficile à ce stade de mesurer les conséquences économiques et sociales d’un tel conflit, la plupart des grands instituts de prévision ont révisé drastiquement à la baisse leurs chiffres de croissance pour 2022. « A court terme, on constate une forme de prudence dans les intentions d’investissement. Néanmoins, à trois ans, les entreprises restent assez optimistes et 63% des dirigeants restent optimistes sur l’amélioration de l’attractivité de la France », nuance l’expert. Tout va dépendre de l’issue du conflit et de ses répercussions géopolitiques.
IN La Tribune