La loi de finances complémentaire a été signée par le président de la république mercredi passé et publiée dans le journal officiel N° 53. Présentée comme une loi à dominante sociale, car ne contenant aucune nouvelle taxe ni augmentation d’impôt, cette loi a ses défenseurs qui lui trouvent bon nombre d’aspects positifs mais également ses détracteurs qui lui reprochent ses prodigalités en faveur du train de vie de l’État.
Pour mieux appréhender le contenu de cette loi, nous avons interrogé pour nos lecteurs, Nait-Chabane Abdellatif, docteur en sciences économiques. Il nous livre ici son appréciation sur cette loi.
L’Express : Le projet de loi de finances complémentaire 2022, a été approuvé dernièrement par le Conseil des ministres. Les ajustements introduits dans cette loi de finances complémentaire répondent-ils aux exigences de la conjoncture actuelle ?
Nait-Chabane Abdellatif : Comme prévu, l’approbation en Conseil des ministres du projet de loi de finances complémentaire 2022 a pour objectif, selon les directives de la présidence, de maintenir les équilibres sociaux et le pouvoir d’achat des Algériens et éviter de nouvelles impositions ou augmentation des taxes.
En effet, dans cette loi de finances complémentaire 2022, une partie importante des dépenses vont à la couverture sociale de la population, assurance chômage, financement du déséquilibre des Caisses de retraite et de sécurité sociale, l’accès au logement, à l’éducation et à la santé. Par ailleurs, le secteur de l’agriculture et du développement profitent d’allocations conséquentes. Les dépenses publiques dans la loi de finances complémentaire 2022 sont en forte hausse. Elles s’élèvent à plus de 7 000 milliards de dinars contre 5 683 milliards de dinars dans la loi de finances 2022 ; soit une augmentation de plus de 1300 milliards de dinars.
Quant aux exigences de la conjoncture actuelle, la question des politiques de subventions et des dépenses publiques en Algérie est incontestablement posée et de façon urgente. Certes l’impact de la crise russo-ukrainienne sur l’économie nationale impose une expansion des dépenses publiques mais ces choix doivent être associés à la recherche de l’efficacité économique et sociale
Cette loi se veut, selon ses concepteurs, garante de la préservation du pouvoir d’achat et des minima sociaux. Quelles seront concrètement les répercussions de cette loi sur les ménages frappés actuellement par l’inflation ?
Il est vrai qu’une une grande partie du budget de l’État est consacrée au volet social. L’expansion des dépenses a été permise par la hausse des prix du pétrole depuis le début de l’année en cours : Les recettes fiscales pétrolières sont en hausse, 3 211 milliards de dinars dans la LFC 2022 contre 2 103 milliards de dinars dans la LF 2022.
En effet, cette loi de finances complémentaire 2022 informe sur l’importance des dépenses publiques concernant l’équilibre de la Caisse de retraite et celle de la Sécurité sociale, l’assurance chômage, l’accès au logement…etc. Mais l’instauration de mécanismes qui consacrent les responsabilités sociales de l’État doit respecter la contrainte budgétaire de long terme.
Globalement, qui des aspects positifs et des aspects négatifs l’emportent dans cette loi élaborée en plein boum de la fiscalité pétrolière ?
Il faut dire que cette loi apporte de bonnes nouvelles. Aucune nouvelle taxe n’est instituée dans la loi de finances complémentaire 2022, ainsi la structure des prix appliquée actuellement reste inchangée pour préserver le pouvoir d’achat des Algériens. La LFC 2022 apporte quelques ajustements concernant les dépenses et recettes de l’État.
Ainsi grâce au « Boum » de la fiscalité pétrolière de ces derniers mois, conséquence de la hausse des prix du pétrole et du gaz, de nouvelles dépenses sont engagées puisque les ressources financières de l’année 2021 ne le permettaient pas. Les dépenses pour le développement sont également importantes notamment pour l’agriculture, le développement des collectivités locales.
Cependant, l’investissement reste tributaire des dépenses publiques. La mobilisation de ressources publiques hors budget de l’État n’est pas encore au menu. Par conséquent, la LFC 2022 ne comprend pas de nouvelles réglementations, d’autant que la loi sur l’investissement prévoit une stabilité juridique.
Un dernier mot ?
L’Algérie a opté pour des choix invariables notamment pour ce qui est du caractère social de l’État algérien. Ainsi, et bénéficiant des largesses qu’autorise la fiscalité pétrolière, il s’est imposé comme État providentiel.
Mais, un ciblage des politiques publiques notamment pour faire face à la contrainte budgétaire à long terme doit être la priorité des priorités des reformes économique et sociales futures dans le cadre d’une nouvelle stratégie de développement global.
Propos recueillis par Boualem