Des événements récents ont mis à rude épreuve certaines organisations africaines comme la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union africaine (UA), mettant à nu le déphase crucial entre les pratiques des élites qui les dirigent et les aspirations profondes qui ont prévalu à leur naissance. Au nombre de ces aspirations des peuples africains qui s’éloignent d’eux tel un mirage, figurent la prise en compte de la communauté de destin des peuples africains, l’intégration et l’union africaine (aux niveaux politique, économique et financier, social et culturel), la démocratie, l’indépendance et la souveraineté nationales, la bonne gouvernance et le développement, toutes choses qui ne vont pas sans la sécurité et la sûreté nationales des Etats.
A l’observation, on ne peut que constater que d’autres priorités inavouables par les chefs d’Etat africains bousculent les objectifs jadis fixés de l’UA et de la CEDEAO, d’où le déphase avec des pratiques innommables, qui poussent les peuples attachés aux aspirations restées infructueuses, à demander des comptes avec plus d’exigence à l’intérieur des Etats, au niveau communautaire et de l’Union. Les cas les plus emblématiques constituent cette épidémie de coups d’Etat qui arrivent quand les contestations populaires enflent et deviennent débordantes. Faute de se remettre en cause et de se mettre à l’écoute des voix discordantes du peuple, ces chefs d’Etat à la légitimité douteuse ont très souvent ramé à contre-courant des vagues, qui finissent par les emporter malheureusement loin de leur patrie trahie et martyrisée.
Le désaveu éhonté essuyé par la CEDEAO dans les dossiers de la Transition au Mali, au Burkina Faso et en Guinée est assez évocateur de la déchéance de l’organisation communautaire par la faute de ses dirigeants, apparemment guidés par des intérêts autres que ceux de leurs Etats et de leur peuple. Ils paraissent à la solde d’intérêts étrangers pour sauvegarder des intérêts personnels contre l’intérêt général du pays.
Les présidents Macky Sall du Sénégal, Alassane Dramane Ouattara de la Côte d’Ivoire, Umaro Sissoco Embaló de la Guinée Bissau, Mohamed Bazoum du Niger, incarnent le mieux, le type de gouvernance imprimé à ces organisations africaines de l’Union africaine et de la CEDEAO, et suivant lequel, l’inviolabilité des principes, qui les sous-tendent ne semble pas constituer une préoccupation majeure. Du moment que des principes comme le respect de la démocratie, les élections crédibles et la bonne gouvernance peuvent être diversement interprétés, dans l’espace et le temps à l’aune des considérations à géométrie variable, selon que l’on soit au Mali ou au Tchad, en Guinée ou au Burkina Faso. Ainsi le treillis peu librement se muer en boubou blanc au Tchad, et jamais au Mali ou en Guinée.
Jouer contre son peuple
Quant à l’Union africaine dont la présidence est assurée par le Président sénégalais Macky Sall, le cafouillage qu’a connu le dernier Sommet Afrique-Japon est assez indicateur de l’option faite par certains chefs d’Etat africains à déstabiliser la bonne organisation et la cohésion en Afrique, pour faire le jeu de certaines puissances étrangères. A qui profite l’échec d’une coopération économique et diplomatique rayonnante entre le continent africain et le Japon, y compris si cela doit passer par la désintégration de l’Union africaine ? Comment comprendre la duplicité et le double langage au sommet de l’Union africaine, co-organisatrice de la TICAD 8, invitant le Polisario à y participer et se lamentant ensuite de l’absence du Maroc à ladite rencontre ?
Pour qui connaît le poids économique du Royaume chérifien dans l’économie africaine, particulièrement de l’Afrique de l’ouest, introduire de bonnes raisons pour le Maroc de boycotter la 8ème Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD 8), qui s’est tenue à Tunis les 27 et 28 août 2022, peut paraître comme une volonté manifeste de semer le désordre en Afrique.
La commission africaine en prenant la décision contre l’avis du Japon, qui a exprimé son désaccord, d’inviter le chef du Polisario, n’a-t-elle pas manifestement cherché à repousser le Royaume chérifien de la TICAD et par ricochet gêner la position privilégiée du Maroc au sein de l’Union africaine ? En outre, la décision de l’Union africaine sous l’égide du Président Macky Sall, a entraîné une crise diplomatique entre les pays frères marocain et tunisien, le premier ayant rappelé en consultation son ambassadeur à Tunis, et prononcé des mets très durs à l’endroit de ce pays. A qui profitent ces incidents économico-politico-diplomatiques, qui touchent de plein fouet l’Union africaine et ses membres, et qui ont été créés de toute pièce par la Commission de l’UA.
Ainsi le chef du front séparatiste, Brahim Ghali, invité par l’Union africaine co-organisatrice de la 8ème conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD), le président tunisien Kaïs SAÏED n’a pu que lui réserver un accueil digne d’un Chef d’Etat. Un geste qui est compris au Maroc comme une ultime humiliation. Le fait que le pays du Roi Mohammed VI soit un acteur dynamique de la coopération sud-sud et ami des pays africains, qui plus est éminent membre de l’Union africaine, n’a pas empêché l’Union africaine de lui assener ce coup bas qui semble bien calculé pour produire des effets nocifs non pas seulement contre le Maroc, mais aussi contre la cohésion au sein de l’Union africaine, ainsi que contre la 8ème conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD).
Des larmes de crocodile
« Le Sénégal regrette que ce rendez-vous de la TICAD soit marqué par l’absence du Maroc, un éminent membre de l’Union africaine, faute d’un consensus sur une question de représentation », s’est lamenté le Président Macky SALL à l’ouverture de la TICAD 8. Le président sénégalais a émis l’espoir de « voir ce problème trouver une solution durable dans l’avenir pour la bonne marche de notre organisation et de notre partenariat dans un cadre serein et apaisé ». Ce ballet a continué avec le président de la Guinée Bissau et président en exercice de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), Umaro Sissoco Embalo. Ce dernier aurait même quitté la salle en signe de protestation, apparemment pas d’accord avec la décision de l’Union africaine de faire participer le « Polisario ». Ainsi les Africains de la CEDEAO et de l’Union africaine se sont-ils livrés en spectacle en coulant des larmes de crocodile à Tunis. Le Liberia de son côté, regrettant l’absence du Maroc à la 8ème Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD 8) a appelé à « la suspension de cette session jusqu’à résolution des problèmes relatifs aux procédures », après l’invitation unilatérale de l’entité séparatiste du « Polisario » à cet événement. « Le Liberia fait part de son regret quant à l’absence du Maroc de la TICAD-8. On est surpris de la présence imposée d’une délégation (NDRL Polisario) en violation des procédures de la TICAD », a dit le ministre libérien des Affaires étrangères, De-Maxwell Saah KEMAYAH à l’ouverture de cette conférence. Il a souligné l’importance de respecter les règles et les procédures relatives à l’invitation des personnes et délégations, établies conjointement avec le Japon et a appelé à se conformer aux décisions de l’Union africaine relatives au format de la participation dans des rencontres de partenariat. C’est dire donc que l’Union africaine n’a pas respecté ses propres règles et procédures en la matière. Entre coups bas et jeu d’intérêts personnels, a-t-on cherché à porter atteinte voire saboter la cohésion de l’UA et la réussite de la TICAD 8 ? Le ver étant introduit par la Commission africaine elle-même, à qui profite ces jeux de dupes à l’heure des grandes mutations géopolitiques ?
B. Daou, journaliste malien au Républicain