Le chercheur et politologue libyen, Mohamed Ouis Al-Mahri, diplômé de l’Université Omar Al-Mokhtar, où il a étudié le droit, travaille pour la station de radio Tilemsi, et vit à Tobrouk. Il est notamment connu en tant que journaliste spécialisé dans les questions du Sahel et du Sahara.
Il livre régulièrement son point de vue sur les grands sites d’études politiques, comme le Centre international d’études stratégiques, sécuritaires et militaires, et le site « Strategy News », ainsi que sur le blog « azawad » et sur les réseaux sociaux, où il est particulièrement sollicité pour désenvelopper la situation au Nord-Mali. Toutefois, pour notre part, c’est sur la question libyenne que nous nous sommes posés face à ce Libyen connaisseur du dossier de son propre pays pour appréhender le conflit qui s’éternise aux portes sud-est de l’Algérie, menaçant chaque fois un peu plus d’y instaurer le chaos et déclencher une guerre civile qui aurait pour conséquence immédiate l’afghanisation de toute la région.
Le cessez-le-feu entre le gouvernement Sarraj et le maréchal Haftar est-il une réelle opportunité de négocier et de trouver des solutions, ou est-ce juste un temps de répit des combats ?
Il ressort clairement d’après nos sources que l’armée libyenne dirigée par Haftar veut parvenir à un accord pour éviter l’effusion de sang ; nous avons-nous-mêmes contacté l’un des dirigeants opérationnels et celui-ci a exprimé le désir de l’armée de faire ce pas vers la paix, en plus du Parlement, pour rechercher une solution pacifique à la crise.
De même, l’autre partie, représentée par le gouvernement d’union nationale, dirigé par al-Sarraj, veut également une solution pacifique ; mais les milices affiliées au gouvernement d’union nationale ne veulent pas négocier une solution avec Haftar, et le gouvernement d’union n’a pas non plus de contrôle sur ces milices. De son côté, la Turquie ne veut pas non plus d’un accord sur l’arrêt définitif des opérations militaires avant d’avoir le contrôle des ports et champs pétrolifères.
Quels sont les acteurs de la scène libyenne si l’on exclut le gouvernement légitime et l’armée de Haftar : les milices, le Qatar, les Émirats, l’Arabie saoudite, la Russie, la Turquie, les États-Unis et même Israël à travers Bernard Henry Levy, d’après ce que nous avons vu dans la vidéo de Tarhouna avec l’intense délégation qui l’accompagnait …
Les acteurs libyens les plus influents sont tout autres que ceux que vous avez mentionné : les tribus libyennes qui soutiennent les forces armées de Haftar, et qui ont joué un rôle important en soutenant les forces du maréchal dans de nombreuses actions qu’il a entreprises ; mais parmi les parties les plus importantes dans la crise libyenne se trouvent la Russie, la France et les Émirats, l’Égypte qui soutient Haftar, et la Turquie et le Qatar qui soutiennent le gouvernement dirigé par Al-Sarraj ; toutes ces partis ont une très forte influence.
Jusqu’à une date récente, l’Algérie constituait l’atout de la Libye, et tous les belligérants se préparaient aux négociations et à accepter les propositions de l’Algérie, dont le résumé n’était d’exclure aucune partie en plus d’un dialogue inclusif libyen-libyen exempt d’ingérence étrangère. Cependant, des parties ont fait obstruction à la médiation et remis la Libye au point zéro …
Oui, certainement, il y a une course effrénée vers Tripoli de la part des puissances, une course à l’influence en Libye, car l’Algérie n’a pas pris parti. Il est tout aussi vrai que certaines parties ont joué mauvais jeu pour faire échouer la médiation, comme l’Egypte, les Emirats Arabes Unis et la Turquie, en plus du rôle français en Libye, que je pense difficile à aligner avec la position algérienne.
Quelles sont ces parties qui n’ont pas accepté la médiation algérienne?
Les deux camps, et puis certains alliés des deux parties ont indiqué ne pas accepter la médiation, comme la Turquie et la France.
Les Libyens ne se souviennent-ils pas de la période de Kadhafi avec une sorte de nostalgie, ou est-ce une période tyrannique dont le règne s’est terminé à jamais?
Oui, la majorité des Libyens se sentent nostalgiques de l’époque de Kadhafi, et certains se demandent aujourd’hui, pourquoi les Libyens se sont soulevés, parce que leur situation est devenue pire que celle du temps de Kadhafi.