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Guerre de libération nationale: Grandir en zone interdite

Les déplacements des populations civiles font partie des réalités les plus sinistres de la Guerre de libération nationale. « A l’époque, dans leur absurde stratégie tendant à séparer la population civile des combattants de l’ALN (Armée de libération nationale), les décideurs de l’Armée coloniale n’ont pas trouvé mieux que de déraciner les familles algériennes de leurs terres, les arracher à leurs villages et douars brûlés pour les parquer dans des zones déshéritées, totalement démunies et sous le contrôle permanent de l’Armée française », en témoignent les historiens.

Ce sont quelques trois millions d’Algériens, « soit 40% de la population d’alors, sont alors enfermés dans ces camps encerclés de barbelés, livrés à la faim et au dénuement, parfois dans des conditions climatiques extrêmes ». On y comptait plus les morts. « Entre 1955 et 1961, près de 2 300 camps ont été ainsi érigés dans les Aurès, à Khenchela et à Batna, avant d’être généralisés à d’autres régions du pays », selon les données recoupées ici et là.

Alors qu’est ce que cela fait de grandir dans un camp de regroupement ou zone interdite ? Dans son témoignage publié dans un ouvrage coordonné par l’historienne française Raphaëlle Branche, et repris par l’APS, la moudjahida Khadidja Belguenbour, dite Farida, raconte comment elle a vécu l’arrivée de la guerre dans son village et son parcours de jeune agent de liaison et d’infirmière dans le maquis.

Née en 1944 dans une famille de paysans du douar de Beni Fatah dans les montagnes difficiles d’accès de Jijel, elle a vu peu à peu la guerre de libération nationale s’installer dans son village de cultivateurs qui va très vite se transformer en zone interdite à ses habitants où les camps de concentration s’implantent en nombre.

Dans son village, la guerre avait commencé par de «nombreuses réunions de ses cousins et d’autres hommes», par l’arrivée de soldats de l’Armée de libération nationale (ALN), étrangers au village, pour préparer des routes et des sentiers, et créer des centres d’entrainement, des changements qui ont très vite été suivis des bombardement au napalm dans la région d’El Milia que les plus jeunes ne comprenaient pas.

Adolescente, Khadidja Belguenbour dit s’être abreuvée de la cause de l’indépendance grâce à l’apport de nombreuses femmes, instruites dans les écoles coraniques et les écoles libres des Oulemas musulmans, qui venaient dans le village «nous expliquer ce qui se passait et nous inculquer des chants patriotiques, à la gloire de l’Algérie et de la liberté, que nous chantions même dans les mariages».

Après les attaques du 20 août 1955,  Khadidja Belguenbour a vu sa région devenir une zone interdite à ses habitants où les forces coloniales avaient installé deux casernes d’où les villageois entendaient les cris de douleurs des détenus algériens torturés, et voyaient leurs proches en grand nombre, emmenés de force pour préparer les camps de regroupement.

L’armée coloniale commence à intensifier les rafles, le recours à l’aviation et au napalm et à brûler des maisons à une période où le viol des algériennes était devenu une pratique répandue qui a poussé les villageois à mettre les femmes et les filles à l’abri à Mila. Avec une émotion toujours aussi vive, Khadidja Belguenbour raconte comment sa mère a été blessée par balle avant d’être coincée vivante sous les décombres de la maison touchée par un obus de l’aviation.

A partir de ce jour, avec sa mère luttant contre la mort et les soldats et infirmières de l’ALN qui prenaient soin des enfants, elle confie avoir «vécu dans des grottes pour survivre». Sa mère va vivre avec une blessure très lourde et dans d’atroces douleurs pendant sept longues années où elle a été cachée dans des grottes puis déplacée de maison en maison par son mari fuyant le harcèlement des autorités et la menace de voir sa fille unique emmenée par les soldats coloniaux.

La famille est contrainte d’habiter une maison dans un camp de regroupement où tout est surveillé de près, et où «l’adolescente a subi quotidiennement le harcèlement des soldats en se mettant de la suie sur le visage pour les repousser». Elle confie que son père a préféré lui faire quitter au plus vite le domicile familial ciblé par les soldats.

Elle devient à 14 ans agent de liaison recrutée par le biais de sa tante, épouse d’un commissaire politique du FLN, et avec la bénédiction de son père. Fatiha commence alors son travail d’agent de liaison transportant de petits messages à travers les familles résistante, des munitions et des armes avant de rejoindre les rangs de l’ALN au maquis.

Elle raconte alors son arrivée au maquis en 1959, son affectation à l’infirmerie et l’apprentissage qu’elle a reçu pour soigner les blessés en plus du travail qu’effectuaient les femmes de son groupe où elle s’est sentie en sécurité et où elle a pris part aux préparatifs des manifestations du 11 décembre 1961 dans les camps de la région.

Elle-même blessée par des obus lors des bombardements, Khadidja Belguenbour a vécu trois ans dans des grottes transformées en dispensaire, où elle soigne les blessés jusqu’au recouvrement de l’indépendance.

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