9.9 C
Alger

Déclin brutal de la françafrique

L’avènement de nouveaux officiers en Afrique, notamment dans la vaste bande saharo-sahélienne, a eu pour premier effet de disqualifier petit à petit l’influence française de la région.

Le Mali, symbole fort de cette émancipation, a humilié la France sur tous les terrains, en tenant tête aux retombées politiques, militaires et diplomatiques, et mieux, en réussissant à entrainer dans leur sillage d’autres pays, dont les alliés qui étaient jusqu’à une date récente, les garants de la françafrique dans la région.

La révocation de Barkhane de plusieurs pays subsahariens en aura constitué l’image forte. Et ce n’est pas le Niger, dernier bastion des petits bivouacs militaires français dans la région qui sauvera la mise. Il est utile et toujours et instructif de repérer les phases-phares de ce déclin brutal, qui a fait suite à l’avènement du colonel Assimi Goïta et des jeunes responsables militaires, qui n’ont pas vécu l’époque Foccart, la villa Luzarches et les parfums de l’Elysée pour s’en enivrer outre-mesure.

Au contraire, la critique a porté devant les plus grandes institutions planétaires. Témoin en est, le discours du premier ministre malien, Abdoulaye Maïga, à la tribune de l’ONU, en septembre dernier, lorsqu’il traitait les autorités françaises de «junte au service de l’obscurantisme» et les accusait de «pratiques néocoloniales, condescendantes, paternalistes et revanchardes ». L’Élysée n’en revenait pas !

Dans les médias les plus influents au Sahel, même son de cloche : les vidéos fracassantes de la suisso- camerounaise Nathalie Yamb, une des figures emblématiques du renouveau de la fierté africaine, font florès : « La France n’est grande que quand elle grimpe sur les épaules de l’Afrique »dit-elle, avant d’être reprise en chœur par la jeunesse africaine.

Au Mali, Aganisha, la « chaine qui dénonce même si personne ne le lui a demandé » fait la fierté des jeunes intellectuels maliens, de Bamako à Tombouctou et Kidal. Animée par Tanou Lelle, cette chaine reprend l’actualité politique, avec une analyse froide, souvent pour dénoncer les revers et les dérives française en Afrique, au Mali surtout.

Ce type de propos, souvent cantonnés aux sphères d’extrême gauche (ce que n’est pas Nathalie Yamb, plutôt libérale), semble se répandre dans toutes les couches de la société africaine. Selon Aminata Traoré, ancienne ministre de la Culture malienne : « Toute l’Afrique de l’Ouest est en mouvement ».

La violence de l’État français à l’égard des peuples africains fait l’actualité aujourd’hui, et les jeunes intellectuels à Nouakchott, Dakar, Niamey ou N’Djamena haussent aujourd’hui, le ton pour exiger « un Nuremberg de la Françafrique ».

Après le départ des grands présidents français, qui avaient une « politique africaine » mesurée, de De Gaule à Mitterrand, d’autres ont suivi, mais n’ont pas été à la hauteur, dont les sarko-trafiquants ont constitué le parangon le plus exécrable, et ont fini par mener à la cassure, brutale et sans espoir de raccordement.

Au Burkina Faso, le cas de figure est à peu près identique. Une nouvelle génération de militaires semble bien « décidée à se dégager de la tutelle de l’État français, qui installa au pouvoir l’assassin de Sankara, Blaise Compaoré, dont la dictature, longue de vingt-sept années, a maintenu le pays dans la misère, sur laquelle prospère aujourd’hui le jihadisme ».

Nathalie Yamb est interdite officiellement de la part du gouvernement français de pénétrer sur le territoire français. Elle dit avoir seulement rappelé des réalités historiques et politiques évidentes. C’est dire combien ces sujets fâchent l’Elysée au plus haut point et affichent une fragilité qui en dit long sur l’insistance sur la francophonie, dernier espoir pour la France de demeurer encore dans un espace géographique d’où elle a été lamentablement révoquée.

Articles de meme catégorie

- Advertisement -L'express quotidien du 11/12/2024

Derniers articles