La nouvelle route de la soie, « ceinture économique de la route de la soie ») ou la ceinture et la route (stratégie aussi appelée OBOR en anglais pour One Belt, One Road) est à la fois un ensemble de liaisons maritimes et de voies ferroviaires entre la Chine et l’Europe passant par le Kazakhstan, la Russie, la Biélorussie, la Pologne, l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, la République de Djibouti et le Somaliland.
Le nouveau nom, en 2017, est Initiative ceinture et route (Belt and Road Initiative, BRI selon l’acronyme anglais) afin de marquer le fait que ce projet ne se limite pas à une seule route.
La nouvelle route de la soie a été dévoilée à l’automne 2013 par le gouvernement chinois ; elle est l’une des priorités de la diplomatie chinoise, sous la présidence de Xi Jinping. Cette politique titanesque chinoise de constructions d’infrastructures portuaires, ferroviaires, terrestres dans le bassin méditerranéen, lui permettra de s’approvisionner en matières premières et de se mettre sur le devant de la scène internationale. Pour Thomas Gomart, directeur de l’Institut français des relations internationales, « cette initiative doit se comprendre comme un outil de restructuration de la gouvernance mondiale ».
États membres de la nouvelle route de la soie en 2019. La Chine est en rouge clair et les autres membres en rouge foncé.
Selon CNN, ce projet englobera 68 pays représentant 4,4 milliards d’habitants et 40 % du PIB mondial.
En 2022, du fait de la guerre contre l’Ukraine, plusieurs opérateurs déroutent le trafic ferroviaire vers un itinéraire appelé middle corridor (mixte ferroviaire et maritime) évitant la traversée de la Russie.
La « Belt and Road Initiative »
La nouvelle route de la soie est parfois décrite par les termes de ceinture et de route, en référence à l’expression chinoise Yidai yilu, « Une ceinture, une route ». Cette initiative date de septembre 2013, lorsque le président chinois Xi Jinping en parla dans son discours à l’université du Kazakhstan.
La Belt and Road Initiative est à l’origine scindée en deux concepts : l’un est dénommé « Silk Road Economic Belt » (« belt » signifiant ceinture) et l’autre la « 21st-Century Maritime Silk Road » (« road » signifiant route).
Cette dénomination prête à confusion, car la route n’est pas uniquement une route pour véhicules routiers, c’est aussi une route maritime reliant la Chine d’une part, à l’Afrique de l’Est et à la Méditerranée d’autre part.
La « belt » est constituée d’une série de corridors terrestres reliant la Chine à l’Europe, via l’Asie centrale et le Moyen-Orient. En parallèle de la voie maritime, la Chine investit dans des chemins de fer et de gigantesques autoroutes partant de la province du Xinjiang reliant la Chine et l’Europe en passant par la Russie et le Kazakhstan notamment.
2015, officialisation
En mars 2015, le terme apparaît dans des documents officiels. Il devient alors clair qu’il ne s’agit pas d’un simple investissement, mais d’un projet évolutif qui pourrait devenir un nouveau cadre de référence pour la mondialisation. Le géographe Michel Foucher voit dans ce projet une illustration de la capacité du « parti-État chinois […] seul à penser à très long terme (horizon 2049) et aux échelles continentale et mondiale ».
La montée en puissance du projet est visible par exemple au niveau géographique, par le nombre de pays concernés : une soixantaine au départ, une centaine en 2017.
Elle se note également au niveau sectoriel, avec des transports initialement, puis des projets plus larges : énergie, télécommunications, parcs industriels, projets touristiques, douaniers et juridiques, avec notamment la création sous le label des « nouvelles routes de la soie » de trois tribunaux d’arbitrage internationaux sur le territoire chinois.
La promotion par la Chine de ses propres normes et standards donne également au projet une dimension immatérielle croissante.
2019
En 2019, l’Italie s’associe aux routes de la soie, ce qui, selon Washington, revient à « donner une légitimité à l’approche prédatrice de la Chine en matière d’investissement ».
Depuis l’attaque du consulat chinois de Karachi en novembre 2018 qui avait provoqué quatre morts, les indépendantistes de l’Armée de libération du Balouchistan multiplient les attaques armées contre les infrastructures pakistanaises et chinoises de la nouvelle route de la soie au Pakistan, qu’ils considèrent comme des outils de spoliation des richesses du Balouchistan par les gouvernements pakistanais et chinois.
2020
L’année 2020 est marquée par la pandémie de Covid-19, qui entraîne de nombreuses conséquences socio-économiques, dont un krach boursier suivi d’une crise économique mondiale. Le 15 avril 2020, lors d’une conversation téléphonique avec Wang Yi, son homologue chinois, le ministre des Affaires étrangères du Pakistan, Shah Mehmood Qureshi, sollicite l’appui de la Chine à l’Initiative mondiale pour l’allégement de la dette, lancée peu avant par le Premier ministre pakistanais, Imran Khan.
Par la suite, un certain nombre de pays participant au projet de nouvelle route de la soie, africains pour la plupart, font état de leurs difficultés à concilier plan de soutien à leur économie et remboursement des prêts accordés par les autorités chinoises pour la construction des infrastructures vitales pour le projet.
Selon France 24, Pékin aurait assuré, le 17 mai, qu’il ferait un effort « pour son ami » pakistanais. Pour The New York Times, cité par France 24, « ces difficultés, ajoutées à la campagne anti-chinoise menée par Washington, pourraient pousser certains pays à revenir sur leur participation aux « routes de la soie » ou en dissuader d’autres qui se posaient la question ». Les projets de chemin de fer entre la Chine et la Malaisie et celui de train à grande vitesse en Thaïlande ont dû être mis entre parenthèses.
Les financements dirigés vers la BRI n’ont pas été épargnés par la Covid-19. Un rapport publié le 16 juin 2020 par la société d’analyse Refinitiv fait état d’une baisse de 15,6 % du nombre de nouveaux projets annoncés au premier trimestre de cette année par rapport à la même période en 2019, leur valeur ayant baissé de 64,4 %, passant de 386 à 137 milliards de dollars. La valeur cumulée des projets mis en œuvre par la Chine reste néanmoins supérieure à quatre mille milliards de dollars, selon Refinitiv.
En 2022, la Chine a mobilisé 932 milliards $ pour « l’initiative nouvelles routes de la soie » depuis 2013.
Le besoin
L’économie chinoise est fortement connectée à d’autres économies. Par exemple en 2014, des routes maritimes sont utilisées alors que 43 % du pétrole chinois en 2013 et 38 % du gaz naturel liquéfié chinois en 2012 proviennent de la péninsule arabique.
Ces routes maritimes sont sujettes à la piraterie au détroit d’Ormuz, au golfe d’Aden, au détroit de Malacca et en mer de Chine méridionale. La Chine veut également pouvoir se prémunir, en cas de forte tension avec les États-Unis, contre la menace que ferait peser la présence de la marine américaine dans les océans Indien et Pacifique sur ses approvisionnements.
La Chine a aussi, depuis les années 2000, intensifié ses importations en provenance de la Russie. Ainsi, en 2019, 15 % du pétrole et 3 % du gaz naturel liquéfié chinois proviennent de la Russie.
La route de la soie s’inscrit donc dans un besoin de sécuriser les approvisionnements.
La Chine est cliente de 75 % des exportations congolaises de cuivre et de près de 70 % des exportations sud-africaines de fer.
Le corridor économique Chine-Pakistan est la plus importante des six nouvelles routes de la soie. Il relie la Chine au port en eau profonde de Gwadar, situé au golfe d’Oman, en traversant le Pakistan. D’une longueur de 2 500 kilomètres, il évite les détours précédents. Ce corridor inclut des centrales à charbon (70 % des investissements en énergie), des autoroutes à six voies, des pipelines, des chemins de fer, le raccordement à la fibre optique, la fin des coupures d’électricité. L’investissement s’élève à 46 milliards de dollars.
Partenaires
Cette initiative a été lancée par la Chine, deuxième puissance économique mondiale après les États-Unis par son PIB nominal et premier pays pour les échanges commerciaux de marchandises. Elle entraîne derrière elle plus de 65 pays, sur tous les continents.
Les entreprises françaises veulent faire leur marché sur les routes de la soie chinoises. Sans négliger les dimensions géopolitiques, les milieux d’affaires français veulent bénéficier des opportunités d’affaires générées par la « Belt and Road Initiative ». La Chine, quant à elle, démonte point par point les critiques qui lui sont adressées. Les entreprises hexagonales tentent de s’affranchir du volet politique qui sous-tend ce concept lancé six ans plus tôt par le président Xi Jinping. Elles peuvent compter sur les efforts de Pékin qui multiplie les prises de parole pour mettre en avant le bien-fondé de son plan.
Les transports
C’est un chantier titanesque. L’Europe, la Chine et les pays d’Asie centrale sont engagés dans la construction d’un nouvel axe commercial majeur. La nouvelle route de la soie pourrait redistribuer les cartes, à l’heure où la mondialisation de l’économie fait pencher la balance vers l’Est. Plusieurs tronçons ont déjà été transformés en autoroute.
La partie chinoise de cette route sera constituée des passages par Lianyungang, dans la province du Jiangsu, et Xi’an, dans la province du Shaanxi, et par la région autonome ouïghour du Xinjiang.
Cette route pourrait alors rejoindre l’Europe en passant par le Kirghizistan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan, le Turkménistan, l’Iran et la Turquie. Côté chinois, on achève le Xinsilu, une quatre-voies de 5 000 km qui relie la mer Jaune aux monts Tian. Un axe qui a pour but de délester la route maritime, par laquelle transitent des millions de conteneurs par an.
Deux autres routes sont envisagées pour rejoindre l’Europe : une passant par le Kazakhstan et la Russie, et l’autre traversant le Kazakhstan via la mer Caspienne. Les travaux ne sont pas financés par l’Union européenne, qui n’apporte aucune aide logistique. Les bailleurs sont la Banque européenne de développement, la Banque asiatique de développement, la Banque islamique de développement.
Cette route permettra notamment de faciliter le commerce entre la Chine populaire et les pays d’Asie centrale, dont les échanges s’élevaient à 25,2 milliards de dollars américains en 2008.
Une liaison ferroviaire allant de la région autonome ouïghour à l’Iran et desservant le Tadjikistan, le Kirghizistan et l’Afghanistan est également envisagée.
La route du sud, via la Turquie et l’Iran, est pour l’instant délaissée en raison des sanctions de l’ONU imposées à l’Iran. Ce pays est par ailleurs en conflit avec ses voisins sur le partage des eaux de la mer Caspienne.
Cette démarche est en symbiose avec le concept de Réseau routier asiatique.
En 2018, la Chine entre dans la convention sur le transit international routier. Pour le Secrétaire Exécutif de la Commission économique pour l’Europe des Nations unies, Christian Friis Bach, cela représente un élément de la vision chinoise de la nouvelle route de la soie.
Financements
Le concept de la nouvelle route de la soie a été inventé par la Chine populaire. Son coût total s’élèverait à plusieurs milliers de milliards de dollars.
Deux nouvelles banques ont été créées pour soutenir ce projet : la banque de développement de Chine et la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (AIIB).
En octobre 2014, 21 pays d’Asie ont permis la création de l’AIIB. Le siège de cette banque se trouve à Pékin. Son capital est de 100 milliards de dollars des États-Unis.
Le Fonds de la Route de la soie a été également financé à hauteur de 40 milliards de dollars46.
Pour construire ces réseaux de commerce et d’infrastructure entre l’Asie et l’Europe, différentes promesses chinoises ont déjà été engagées.
– 1,4 milliard de dollars pour le développement de l’infrastructure portuaire au Sri Lanka.
– 50 milliards de dollars dans l’infrastructure et les gazoducs en Asie centrale (Ouzbékistan, Tadjikistan et Kirghizistan).
– 327 millions de dollars pour l’Afghanistan (chemins de fer, autoroutes, installations de gestion de l’eau et centrales électriques).
– Construction de deux lignes ferroviaires internationales en Thaïlande.
Les financements dirigés vers la BRI n’ont pas été épargnés par la Covid-19. Un rapport publié le 16 juin 2020 par la société d’analyse Refinitiv fait état d’une baisse de 15,6 % du nombre de nouveaux projets annoncés au premier trimestre de cette année par rapport à la même période en 2019, leur valeur ayant baissé de 64,4 %, passant de 386 à 137 milliards de dollars. La valeur cumulée des projets mis en œuvre par la Chine reste néanmoins supérieure à quatre mille milliards de dollars, selon Refinitiv.
En 2022, la Chine a mobilisé 932 milliards $ pour « l’initiative nouvelles routes de la soie » depuis 2013.