De Bab Ezzouar à Londres, des études en biologie à cadre chez Zukenberg, le chemin parcouru par Selma Mouloudj a été un chemin atypique. D’Alger à l’entreprise Meta (ex-Facebook), la route a due être longue. Dans cet entretien, Selma Mouloudj nous brosse un portrait d’elle, côté cour et côté jardin, sans fioriture et sans fard. Gros plan sur une Algérienne qui est devenue un modèle de réussite et qui n’a pas encore fini d’avancer.
Commençons par le commencement. A quoi rêvait la petite Selma, disons jusqu’à l’adolescence ?
Lorsque j’étais très jeune, je disais toujours à mon père que je voulais partir à la lune et que je voulais devenir astronaute, je regardais beaucoup de documentaires depuis un très jeune âge et je me rappelle que mon père avait un ami qui travaillait dans l’agence spatiale algérienne, et il parlait toujours d’astronomie et ça me fascinait beaucoup, naïve et petite que j’étais (de 5 ans à 10ans) j’ai vraiment cru qu’on pouvait facilement partir à la lune, mais en grandissant j’ai compris que cela pouvait être un rêve qui ne se réaliserait jamais, alors jusqu’à l’adolescence et même après j’ai toujours rêvé de partir à la découverte du monde et voyager.
Titulaire d’un Master et d’un Doctorat en Sciences de la nature et de la vie en 2017 à l’université Houari Boumédiène à Alger, vous obtenez une bourse d’études du ministère des Affaires étrangères vers les États-Unis d’Amérique. Est-ce comme cela que les portes ont commencé à s’ouvrir ?
Je dirai que les portes à l’internationale ont commencé à s’ouvrir lorsque j’ai appris à parler anglais, je dirai que l’anglais était un facteur très important à mon développement professionnel, sans l’anglais je ne serai pas où je suis aujourd’hui.
La langue anglaise est la langue de communication internationale, et l’anglais donne accès à des ressources très vastes sur internet, et des opportunités qu’on ne trouvera pas en français, comme les bourses d’études offertes par le département d’Etat américain dont moi même j’ai bénéficié.
Pour décrocher une bourse américaine, il faut avoir un bagage, il faut avoir un dossier / une application qui sort du lot (pourquoi on vous prend vous et pas un/ une autre ?), en sachant que les personnes qui postulent c’est des profils excellents, tout d’abord il faut avoir de bons résultats académiques, un score excellent en TOEFL/ IELTS/ GRE tout dépend ce qui est exigé et le type de bourse.
Il faut aussi écrire de bonnes dissertations pour répondre à des sujets variés, passer des examens oraux et écrits… etc mais aussi une chose très importante le volontariat, est ce que le postulant a contribué au développement de sa communauté, est ce que le postulant a donné à sa communauté ?
J’ai commencé le volontariat depuis un jeune âge, j’aidais les enfants du quartier à faire leurs devoirs, à leur expliquer des leçons, au quartier j’étais toujours perçue comme “ El Karya ” (l’intello), je trouvais du plaisir à le faire et c’est quelque chose qui était en moi, alors j’ai continué toujours à le faire jusqu’à ce que je me suis retrouvée à enseigner l’anglais gratuitement dans des maisons de jeunesses, et dans le centre culturel américain, je le faisais en même temps que j’étais étudiante à la fac, puis je me suis retrouvée à créer des initiatives au profit de la jeunesse algérienne, mes petits projets de volontariat ont grandit et ont pris de l’ampleur et je me suis retrouvée á réaliser mes projets au niveau national, des campagnes de sensibilisations, des workshops pour motiver les jeunes, des formations de public speaking, de leadership, d’anglais, j’avais même lancé le premier podcast en anglais en Algérie et j’ai formé avec mon équipe plus de 300 jeunes dans 16 wilayas du nord au sud et de l’Est à l’ouest… je n’ai jamais été l’algérienne typique qui faisait que ses cours de fac, j’étais très active et c’est ce qui m’a ouvert beaucoup de portes, car j’ai appris à gérer des projets depuis un jeune âge et j’ai pu me faire remarquer grâce à ça.
Lorsque j’ai fait mon entretien oral pour la bourse américaine, ils étaient impressionnés par mon engagement dans la société et on m’a même demandé de partager mon expertise de production de podcast aux USA, le projet s’appelait Algerian Youth Voices un projet qui a duré 4 ans et donc je serai toujours fière, on a appliqué le même modèle aux USA et j’ai même formé une trentaine de jeunes américains à produire leur propre podcasts.
Pour conclure, le volontariat est un acteur essentiel de la transformation sociale, c’est le support d’une citoyenneté active, il met en valeur le partage des responsabilités et porte haut les valeurs de chaque personne qui se donne à fond pour aider les autres et ouvre beaucoup de portes.
Quelles sont les entreprises étrangères qui ont le plus forgé votre savoir-faire ?
Je dirai que j’ai commencé mon aventure au sein de l’ambassade des USA en Algérie, où j’étais exposée à des experts internationaux qui étaient spécialisés en développement des compétences tels que le leadership, résolution de conflit, développement durable… etc.
J’ai aussi bénéficié de plusieurs formations de gestion de projet, de comment créer son entreprise ..etc. j’ai bénéficié aussi de financement pour mettre en place mes projets de volontariat pour la communauté algérienne, je dirai que le département d’Etat américain avait un impact pour forger mon savoir faire, et depuis là je n’ai travaillé que pour des multinationales américaines car leur culture de travail me convient et me pousse á donner le meilleur de moi même.
Aujourd’hui, vous avez décroché une position importante au sein de l’entreprise de Mark Zuckerberg, le groupe américain « Meta », anciennement Facebook ; comment est venue cette promotion ?
Cette question me fait sourire, car en y pensant je n’ai jamais cru qu’un jour je pouvais faire parti de l’équipe de Mark. Déjà, c’est quelqu’un que j’ai toujours admiré depuis un jeune âge car il a créé Facebook , Facebook a changé la vie de millions de personnes et je suis parmi ces gens là, on peut dire que Facebook est révolutionnaire et a changé le monde!
Revenons à la question, après avoir fini mon fellowship à Chicago, je suis rentrée en Algérie déterminée que j’allais reprendre ma place dans le monde corporate ; en effet deux semaines après que je suis rentrée et j’ai déjà commencé les entretiens avec deux multinationales américaines en Algérie ; ainsi, j’ai pu décrocher deux offres, et j’ai choisi la plus intéressante.
En même temps j’ai repris mes activités de volontariat, j’ai commencé á présider une association, j’étais dans le conseil d’administration d’une autre organisation internationale..etc.
J’étais épanouie, mais le Covid avait malheureusement déjà là, je n’ai pas baissé les bras, je faisais mon travail et je n’ai jamais cessé mes projets de volontariat au contraire je le faisais en ligne cette fois ci, et je trouvais du plaisir à donner des formations gratuites aux jeunes universitaires.
Mais après deux ans, j’ai senti que je n’évoluais plus dans mon rôle, je n’apprenais pas de nouvelles choses, je donnais beaucoup mais je recevais rien en retour pour mon évolution professionnelle et personnelle, je regardais ce que le marché algérien pouvait m’offrir mais je n’arrivais pas à trouver ce nouveau challenge qui allait booster mon énergie et j’avais besoin d’un changement.
Je voulais toujours une carrière à l’internationale et je me suis donnée une année additionnelle pour explorer les options que j’avais et j’ai commencé à postuler.
J’ai reçu la première offre: c’était un poste pour travailler dans une multinationale financière à Washington DC, la deuxième, c’était pour un transfert interne avec mon ancienne boite pour travailler à Londres, et j’avais commencé la procédure pour partir à Londres car c’était une meilleure offre.
Comme on dit les meilleurs choses arrivent quand on s’y attend le moins; un chasseur de talent me contacte pour m’offrir un poste chez Facebook ( c’était avant le changement du nom à Meta) et à ce moment là j’ai pleuré de joie car je croyais pas que je venais d’être contacté en personne par le géant de la tech Meta.
J’ai fait mes entretiens, j’ai réussi les tests et j’ai accepté de m’expatrier à l’étranger pour travailler chez ce géant de la tech et aussi faire un impact et aider mon pays dans ce domaine là.
Et dire que je me préparais pour m’expatrier à Londres, on ne peut jamais savoir ce que la vie nous réserve !
Si on devait résumer les clés de la réussite, cela s’appellerait quoi pour Selma? (vous avez le choix de donner trois clés).
Persévérance, croire en soi, détermination.
Les étudiants algériens trouvent souvent des obstacles insurmontables pour s’imposer à l’étranger. Quels conseils Selma Mouloudj pourrait-elle leur donner ?
Il faut avoir un comportement affirmatif, soyez confiants et ne vous sous estimez jamais, les étudiants Algériens sont brillants à l’étranger, j’ai fait l’expérience et on est très compétents, faites vous respecter et ne changez pas vos valeurs pour plaire aux autres, vos valeurs c’est ce qui fait de vous ce que vous êtes c’est votre identité ! Respectez les autres aussi et présentez toujours du bon travail car votre travail parlera pour vous, faites vous démarquer, montrez toujours votre motivation, soyez honnêtes et à vous le monde.
Une dernière question « off the record »: quels sont les centres d’intérêt de la jeune femme Selma Mouloudj, loin des sunlights? Quelle poésie, quelle musique et quels livres vous intéressent le plus?
Cette question me fait sourire aussi, car j’ai pas fait de poésie depuis 2015 je crois je faisais parti d’un poetry club à l’époque au centre culturel américain ou on écrivait des poèmes inspirés par Emily Dickinson principalement des quatrains avec des lignes courtes.
Pour la musique je suis plutôt, musique commerciale j’aime tout ce qui est POP, HIP HOP, RNB, Rap, etc.
Entretien réalisé par F.O.