Le rôle important de la Chine dans la reprise des relations entre Téhéran et Riyad fait partie des efforts de Beijing pour aider à assurer la paix, la stabilité et la sécurité au Moyen-Orient, a déclaré lundi le ministère iranien des Affaires étrangères.
En accueillant les délégations iranienne et saoudienne et en échangeant des messages entre les deux parties, la Chine a réussi à préparer le terrain, avec de la bonne volonté, pour la tenue d’une réunion réussie pour la conclusion de l’accord entre l’Iran et l’Arabie saoudite, a indiqué le porte-parole du ministère Nasser Kanaani lors d’une conférence de presse hebdomadaire.
L’Iran apprécie toujours de tels rôles, car assurer la paix, la stabilité et la sécurité dans la région contribue à sauvegarder les intérêts collectifs de tous les pays qui recherchent leurs avantages dans la stabilité et la sécurité, a poursuivi M. Kanaani, ajoutant que le rôle du gouvernement chinois servait le bien commun et les intérêts de toutes les parties.
Le retour à la normale de leurs relations, Téhéran et Riyad, ainsi que l’élargissement de leur coopération, servent non seulement leurs propres intérêts, mais contribuent également au renforcement de la coopération et de la convergence régionales, a-t-il souligné, ajoutant que l’accord aura aussi une influence positive sur la scène internationale.
La Chine, l’Arabie saoudite et l’Iran ont annoncé vendredi dernier que les deux derniers étaient parvenus à un accord prévoyant la reprise des relations diplomatiques et la réouverture des ambassades et des missions dans un délai de deux mois.
Mosaad bin Mohammed Al-Aiban, ministre d’Etat saoudien, membre du Conseil des ministres et conseiller à la sécurité nationale du pays, a dirigé la délégation saoudienne, et Ali Shamkhani, secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale d’Iran, a dirigé la délégation iranienne lors des pourparlers qui se sont déroulés à Beijing du 6 au 10 mars, selon une déclaration trilatérale de la Chine, de l’Arabie saoudite et de l’Iran.
Le rôle de la Chin, un test délicat pour les États-Unis
Zonebourse
L’accord surprise conclu entre l’Iran et l’Arabie saoudite en vue de rétablir les relations diplomatiques propose aux États-Unis de nombreuses raisons d’être intrigués, notamment une voie possible pour maîtriser le programme nucléaire de Téhéran et une chance de cimenter un cessez-le-feu au Yémen.
Il contient également un élément qui ne manquera pas de susciter un profond malaise chez les responsables de Washington : le rôle de la Chine en tant qu’intermédiaire de paix dans une région où les États-Unis exercent depuis longtemps leur influence.
L’accord a été annoncé à l’issue de quatre jours de pourparlers à Pékin entre les deux rivaux du Moyen-Orient, dont l’existence n’avait pas été révélée auparavant. Le porte-parole de la Maison Blanche, John Kirby, a déclaré vendredi que si Washington n’était pas directement impliqué, l’Arabie saoudite tenait les responsables américains informés des pourparlers avec l’Iran.
Les relations entre les États-Unis et la Chine sont devenues très conflictuelles sur des questions allant du commerce à l’espionnage, et les deux puissances rivalisent de plus en plus pour exercer une influence dans des régions du monde éloignées de leurs propres frontières.
M. Kirby a semblé minimiser l’implication de la Chine dans l’évolution de la situation de vendredi, affirmant que la Maison-Blanche estime que les pressions internes et externes, notamment la dissuasion saoudienne efficace contre les attaques de l’Iran ou de ses mandataires, ont finalement amené Téhéran à la table des négociations.
Toutefois, Jeffrey Feltman, ancien haut fonctionnaire des États-Unis et de l’ONU, a déclaré que le rôle de la Chine, plutôt que la réouverture des ambassades après six ans, était l’aspect le plus important de l’accord.
« Cet accord sera interprété – probablement à juste titre – comme une gifle à l’administration Biden et comme la preuve que la Chine est une puissance montante », a déclaré M. Feltman, membre de la Brookings Institution.
POURPARLERS SUR LES ARMES NUCLÉAIRES
L’accord intervient alors que l’Iran accélère son programme nucléaire après deux années de tentatives infructueuses des États-Unis pour relancer l’accord de 2015 qui visait à empêcher Téhéran de produire une bombe nucléaire.
Ces efforts ont été compliqués par la répression violente des manifestations par les autorités iraniennes et par les sanctions sévères imposées par les États-Unis à Téhéran en raison d’accusations de violations des droits de l’homme.
Brian Katulis, du Middle East Institute, a déclaré que pour les États-Unis et Israël, l’accord propose une « nouvelle voie possible » pour relancer les négociations sur le nucléaire iranien qui sont au point mort, avec un partenaire potentiel à Riyad.
« L’Arabie saoudite est profondément préoccupée par le programme nucléaire iranien. « Si cette nouvelle ouverture entre l’Iran et l’Arabie saoudite doit être significative et avoir un impact, elle devra répondre aux préoccupations concernant le programme nucléaire iranien – sinon, l’ouverture n’est qu’optique.
L’accord de vendredi propose également l’espoir d’une paix plus durable au Yémen, où un conflit déclenché en 2014 a été largement considéré comme une guerre par procuration entre l’Arabie saoudite et l’Iran.
La trêve conclue en avril dernier sous l’égide de l’ONU a largement tenu malgré son expiration en octobre sans que les parties se soient mises d’accord pour la prolonger.
Gerald Fierestein, ancien ambassadeur américain au Yémen, a déclaré que Riyad « n’aurait pas accepté cela sans obtenir quelque chose, qu’il s’agisse du Yémen ou d’autre chose, c’est plus difficile à voir ».
RÔLE CROISSANT DE LA CHINE
L’implication de la Chine dans la négociation de l’accord pourrait avoir des « implications significatives » pour Washington, a déclaré Daniel Russel, le plus haut diplomate américain pour l’Asie de l’Est sous l’ancien président Barack Obama.
M. Russel a déclaré qu’il était inhabituel que la Chine agisse de son propre chef pour aider à négocier un accord diplomatique dans le cadre d’un différend auquel elle n’était pas partie.
« La question est de savoir s’il s’agit d’un signe avant-coureur. « Serait-ce un précurseur d’un effort de médiation chinois entre la Russie et l’Ukraine lorsque Xi se rendra à Moscou ?
En ce qui concerne l’Iran, il n’est pas certain que les résultats soient favorables aux États-Unis, a déclaré Naysan Rafati, analyste principal de l’Iran à l’International Crisis Group.
« L’inconvénient est qu’en un temps utile où Washington et ses partenaires occidentaux augmentent la pression contre la République islamique […] Téhéran pensera qu’il peut rompre son isolement et, étant donné le rôle de la Chine, bénéficier de la couverture d’une grande puissance », a déclaré M. Rafati.
L’implication de la Chine a déjà suscité le scepticisme de Washington quant aux motivations de Pékin.
Le représentant républicain Michael McCaul, président de la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants des États-Unis, a rejeté l’image de la Chine en tant qu’intermédiaire de la paix, déclarant qu’elle « n’est pas une partie prenante responsable et qu’on ne peut pas lui faire confiance en tant que médiateur juste ou impartial ».
M. Kirby a déclaré que les États-Unis surveillaient de près le comportement de Pékin au Moyen-Orient et ailleurs.
« En ce qui concerne l’influence de la Chine dans cette région, en Afrique ou en Amérique latine, ce n’est pas comme si nous avions des œillères », a-t-il déclaré. « Nous continuons certainement à observer la Chine lorsqu’elle tente de gagner de l’influence et de s’implanter ailleurs dans le monde, dans son propre intérêt égoïste.
Néanmoins, l’implication de Pékin renforce la perception d’une puissance et d’une influence chinoises croissantes qui contribuent à l’image d’une présence mondiale des États-Unis en perte de vitesse, a déclaré Jon Alterman, du Centre d’études stratégiques et internationales de Washington.
« Le message pas si subtil que cela que la Chine envoie est que si les États-Unis sont la puissance militaire prépondérante dans le Golfe, la Chine est une présence diplomatique puissante et sans doute croissante », a-t-il déclaré.
Rétablissement des relations sous l’égide de la Chine
Le Monde
Les deux pays avaient rompu leurs liens il y a plus de sept ans. A l’issue de pourparlers organisés par Pékin, ils ont annoncé vendredi la réouverture de représentations diplomatiques dans les deux mois.
L’Iran et l’Arabie saoudite, poids lourds du Moyen-Orient ayant rompu en 2016, ont annoncé, vendredi 10 mars, le rétablissement de leurs relations diplomatiques à l’issue de pourparlers en Chine. Ambassades et représentations diplomatiques doivent rouvrir dans les deux mois, a écrit l’Agence de presse de la République islamique (ou IRNA, pour Islamic Republic News Agency, en anglais) dans un communiqué conjoint publié par les médias d’Etat des deux pays.
Selon l’IRNA, Ali Shamkhani, le secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale iranien, s’est rendu lundi à Pékin « pour des négociations intensives avec son homologue saoudien en Chine visant à résoudre enfin les différends entre Téhéran et Riyad ». A la mi-février, le président iranien, Ebrahim Raïssi, avait effectué une visite d’Etat de trois jours en Chine, la première d’un président iranien dans ce pays depuis plus de vingt ans.
Forces rivales
L’Arabie saoudite, sunnite, et l’Iran, chiite, ont rompu leurs relations diplomatiques il y a plus de sept ans, à la suite de l’attaque de missions diplomatiques saoudiennes par des manifestants dans la République islamique en représailles à l’exécution par Riyad d’un célèbre religieux chiite, Nimr Al-Nimr.
D’autres pays du Golfe, dont les Emirats arabes unis, le Koweït et Bahreïn avaient par la suite réduit leurs liens diplomatiques avec Téhéran pour soutenir Riyad. Ces derniers mois, les Emirats et le Koweït ont repris leurs relations diplomatiques avec l’Iran.
Téhéran et Riyad soutiennent des forces rivales dans plusieurs conflits régionaux, notamment au Yémen. L’Iran a une influence prépondérante en Irak et au Liban et appuie militairement et politiquement le régime syrien.
Pékin a signé en 2021 un vaste accord stratégique sur vingt-cinq ans avec Téhéran dans des domaines aussi variés que l’énergie, la sécurité, les infrastructures et les communications.
Paris appelle Téhéran « à renoncer à ses actions déstabilisatrices »
La France s’est félicitée, vendredi soir, de l’annonce du rétablissement d’ici à deux mois des relations diplomatiques entre Ryad et Téhéran, tout en appelant l’Iran « à renoncer à ses actions déstabilisatrices ». Paris est favorable à « toute initiative qui peut contribuer de manière concrète à la désescalade des tensions et au renforcement de la sécurité et de la stabilité régionales », a déclaré Anne-Claire Legendre, la porte-parole du ministère français des affaires étrangères, dans un communiqué.
La Maison Blanche a également « salué » l’annonce de vendredi mais « il reste à voir si l’Iran remplira ses obligations ». « De bonnes relations de voisinage entre l’Iran et l’Arabie saoudite sont essentielles pour la stabilité de la région du Golfe », s’est félicité, de son côté, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, dans un communiqué.
D’autres pays arabes comme les Emirats arabes unis, le Qatar, la Jordanie ou encore le Liban ont également salué l’annonce. En Israël en revanche, pays ennemi juré de l’Iran et du Hezbollah libanais, le chef de l’opposition, Yaïr Lapid, a jugé que « l’accord entre l’Arabie saoudite et l’Iran était un échec total et dangereux de la politique étrangère du gouvernement israélien ».
Accord Téhéran-Riyad: un coup d’éclat retentissant pour la Chine
Par RFI
L’Arabie saoudite et l’Iran sont convenus vendredi 10 mars de reprendre leurs relations bilatérales, avec notamment la réouverture de leurs ambassades dans les deux mois. Une déclaration tripartite a été signée pour l’occasion entre les deux pays et la Chine, qui a joué les médiateurs dans cette réconciliation. Un beau coup, sur le plan diplomatique. Réactions.
Cette déclaration tripartite intervient après quatre jours de négociations secrètes entre Pékin et les deux grands rivaux du Moyen-Orient.
Les images qui circulent sur les réseaux sociaux montrent trois grandes tables en triangle, ainsi que les drapeaux saoudien, chinois et iranien, sur fond de peintures orientalistes, comme on en voit régulièrement sur les murs des palais de la République populaire de Chine.
Entre les deux hauts responsables de la sécurité de Téhéran et de Riyad, le directeur du bureau de la commission centrale des Affaires étrangères du Parti communiste chinois a salué une victoire du « dialogue et de la paix ».
Médiateur de « bonne foi », et « fiable », la Chine a rempli ses devoirs d’hôte et de facilitateur des pourparlers, a poursuivi Wang Yi devant la presse, la déclaration saoudienne remerciant abondamment de son côté le président chinois, pour son « soutien au développement des relations de bon voisinage entre le Royaume d’Arabie saoudite et la République islamique d’Iran ».
« La récente visite d’Ebrahim Raïssi à Pékin et ses entretiens avec Xi Jinping ont servi de base aux nouvelles négociations entre les délégations iraniennes et saoudiennes », a indiqué pour sa part le secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale iranien.
Ces engagements à reprendre les discussions doivent maintenant être suivis d’effet. Mais pour Pékin, qui répète régulièrement vouloir jouer un rôle de « puissance pacifique et responsable », cette opération de médiation ne serait que la mise en pratique réussie de l’initiative globale de sécurité présentée par la Chine il y a deux semaines.
Peu de détails ont filtré de ces pourparlers en dehors de la déclaration tripartite, qui affirme qu’en dehors de la réouverture des représentations diplomatiques dans les deux mois, les deux anciens rivaux ont également convenu d’activer un accord de coopération et de sécurité signé en 2001.
À Washington, profil bas
Le rétablissement de relations diplomatiques entre l’Arabie saoudite et l’Iran, sous l’égide de la Chine, a suscité la surprise, notamment aux États-Unis où l’on fait preuve d’une certaine retenue. Service minimum, du côté de l’administration Biden.
Au département d’État, on se passe de réagir, même par communiqué. La seule réaction directe vient du coordinateur des communications pour les questions de sécurité nationale. John Kirby explique que Washington soutient tous les efforts pour faire baisser la tension au Moyen-Orient, et en particulier pour mettre fin à la guerre au Yémen.
Il affirme aussi que même si son pays n’a pas été impliqué dans les négociations, il a été tenu au courant à chaque étape par la partie saoudienne. Mais se montre prudent sur la volonté de l’Iran d’assumer ses obligations, soulignant que selon l’expérience américaine, la République islamique n’honore pas toujours sa parole.
En revanche, cet accord ayant été conclu sous l’égide de la Chine, vu comme un rival systémique à Washington, M. Kirby réfute l’idée d’un retrait américain de la région, dont profiterait Pékin pour étendre son influence.
Interrogé lui aussi sur l’accord, Joe Biden ne commente pas directement. Il préfère expliquer que tout ce qui pourrait apaiser les tensions entre Israël et ses voisins arabes serait une bonne chose. L’État hébreu aimerait établir des relations diplomatiques avec Riyad. Mais le Royaume saoudien a manifestement choisi de le faire d’abord avec l’Iran, adversaire déterminé d’Israël et des États-Unis
Par Xinchuanet