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Nordine Ait-Laoussine, ancien ministre de l’Énergie: « L’Alliance OPEP+ a gagné en maturité »

Né le 4 avril 1936, à Alger, Nordine Ait-Laoussine est diplômé en géologie pétrolière de l’université du Michigan aux Etats-Unis. Il n’a que trente-quatre ans lorsque M. Belaïd Abdessalam, alors ministre de l’Industrie et de l’Economie, le nomme vice-président de Sonatrach.

Au début des années 70, il fait partie des principaux négociateurs des accords sur la nationalisation des hydrocarbures en Algérie. Dans le secteur gazier, Nordine Ait-Laoussine signe plusieurs contrats qui font de l’Algérie l’un des premiers exportateurs de gaz naturel liquéfié vers l’Europe.

Avec son immense talent, il se fait remarquer et gravit les échelons jusqu’au poste de ministre de l’Énergie.

Dans ce poste, il  apporte beaucoup de changement et de dynamisme à la politique énergétique dans le pays, une politique ouverte et tournée vers l’avenir.

Aujourd’hui, Nordine Ait-Laoussine est un expert bien connu et respecté dans le domaine de l’énergie à l’échelle mondiale. Dans l’entretien qui suit, Ait Laoussine analyse finement la situation des marchés pétroliers dans un contexte international difficile où la guerre en Ukraine affecte tous les secteurs de l’économie mondiale.

Il explique : « à moyen terme, l’évolution des fondamentaux suggère un raffermissement du marché en fin d’année suite à l’insuffisance de l’offre par rapport à la demande et ce même dans l’hypothèse, à mon avis invraisemblable, de l’arrêt de la guerre en Ukraine à court terme ».

Il ajoute :  « à plus long terme, tout dépendra des conditions du règlement de la crise en Ukraine, de l’évolution de la production Russe, de l’impact de la transition énergétique sur la demande et de la santé de l’économie mondiale face aux tensions inflationnistes ». 

 L’Express : L’OPEP+ a annoncé  des réductions de production de 1,66 million de barils par jour (bpj) de mai à fin 2023. Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ?  

Nordine Ait-Laoussine : C’est une très bonne initiative non pas  tant par le volume de la réduction, qui ne sera sans doute pas complètement respectée, mais par son caractère préventif. Le Groupe avait justement anticipé une détérioration des fondamentaux du marché pétrolier à court terme suite à la faiblesse momentanée de la demande chinoise et à la résilience de la production russe face aux sanctions occidentales. 

Le rapprochement de l’OPEP et des producteurs qui lui sont extérieurs est un facteur important à prendre en compte dans la capacité de l’Alliance à maintenir la pertinence de l’accord de limitation de la production. Etes-vous optimiste quant à la cohésion et à l’avenir de l’Alliance ? 

Tout à fait. L’Alliance OPEP+ a gagné en maturité : elle a résisté aux pressions des Etats-Unis  et de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) d’augmenter outre mesure sa production globale et a renforcé sa cohésion avec la mise en place d’un système de répartition des quotas qui tient compte des restrictions propres à chaque membre au niveau de leur capacité réelle de production et en faisant appel, en cas de besoin, à des réductions volontaires. L’effet combiné des quotas contraignants et de réductions complémentaires laissées à l’appréciation des membres, lui confère plus de flexibilité dans sa détermination à stabiliser le marché avec un prix plancher de l’ordre de 80 dollars le baril.

La guerre en Ukraine a fait augmenter les prix du pétrole.  Comment voyez-vous l’évolution des cours, si la guerre s’arrête ? 

Avec son nouveau système de régulation de la production, l’Alliance OPEP+ semble en mesure d’arrêter la chute des cours observée ces dernières semaines. A moyen terme, l’évolution des fondamentaux suggère un raffermissement du marché en fin d’année suite à l’insuffisance de l’offre par rapport à la demande et ce même dans l’hypothèse, à mon avis invraisemblable, de l’arrêt de la guerre en Ukraine à court terme. A plus long terme, tout dépendra des conditions du règlement de la crise en Ukraine, de l’évolution de la production Russe, de l’impact de la transition énergétique sur la demande et de la santé de l’économie mondiale face aux tensions inflationnistes. De toute façon, l’OPEP+ a aujourd’hui la capacité et la volonté politique de maintenir le prix du pétrole au niveau souhaité.

Concernant le marché du gaz, quel est l’état des lieux actuel ? 

Après avoir atteint des niveaux records durant l’été 2022, suite notamment à l’effondrement des importations européennes de gaz russe, les prix régionaux du gaz sur le marché mondial ont retrouvé leur niveau d’avant l’invasion ukrainienne.  Ce retour à la case départ est essentiellement dû aux progrès considérables réalisés par l’Europe en vue de réduire sa dépendance à l’égard du gaz russe et d’assurer sa sécurité d’approvisionnement à long terme. Elle a fortement réduit sa consommation tout en augmentant ses achats auprès d’autres fournisseurs, notamment de GNL américain. Tant que le niveau des exportations russes à destination de l’Europe restera aléatoire, je m’attends à une remontée des prix du gaz en fin d’année et l’hiver prochain.

Quels sont les défis posés par l’évolution du marché de l’énergie de manière générale ? 

La transition énergétique engagée à marche forcée par les pays de l’OCDE, conduira inévitablement à un renchérissement du coût de l’énergie et à plus de volatilité pour les consommateurs. Les pays exportateurs d’énergies fossiles ne remettent pas en cause la réalité du réchauffement climatique mais ils estiment que les ambitions démesurées engagées brutalement par les pays industrialisés sont de nature à bouleverser les flux pétroliers et à provoquer des perturbations durables sur le marché international.

Entretien réalisé par Youcef Salami

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