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Karim Chikh, Journaliste et écrivain: « Mon livre est le fruit de plusieurs années de recherche »

Le jouraliste radiophonique karim chikh vient de publier un ouvrage consacré au calendrier amazigh. Intitulé en tamazight « Angras uvuklan » et en français  « le vrai calendrier berbère », l’opus remet en cause les almanachs et les calendriers que publient les associations culturelles berbères. L’ouvrage va certainement provoquer des polémiques vu que contrairement à ce qui admis jusqu’à maintenant, il avance que l’année  est composée de treize mois et de sept saisons. L’auteur a bien voulu répondre à nos questions. Écoutons-le.

  L’Express : Vous venez de publier  un ouvrage sur le calendrier agraire amazigh. Pensez-vous avoir fait  à travers ce livre le tour de la question ?

Karim Chikh : Cet ouvrage est le produit de mes travaux de recherche, presque une vingtaine d’années de recherche à travers plusieurs wilayas, notamment dans les wilayas de la Kabylie. J’ai effectué ces recherches sur le terrain, dans les villages auprès des vieux, des veilles et des bergers qui sont en rapport quotidiennement avec la nature. Mon travail en tant que producteur d’une émission radiophonique en langue kabyle intitulée Udem n taddart-iw (Portrait de mon village) m’a permis de  questionner des villageois, un peu partout sur diverses questions liées à leur vécu dont notamment les travaux agricoles , le cours des saisons, les rites traditionnels… c’est ainsi que j’ai récolté tout ce qui  a trait au calendrier amazigh. D’un village à un autre, d’une région à une autre, j’ai fait une belle moisson de notes et d’informations sur la manière dont les anciens paysans de l’Afrique du nord  employaient leur temps pour régler leurs travaux agricoles saisonniers et les rites y afférant. J’ai repris toutes ces notes et ces informations en 2022 pour établir un calendrier tel qu’utilisé anciennement. J’ai découvert que l’ancien calendrier amazigh est constitué de 13 mois, 7 saisons et 9 rites agricoles. J’ai passé plusieurs mois à écrire ce livre que j’ai appelé «  ANGRAS UVUKLAN »  en raison de l’importance de ces deux mots qui sont en quelque sorte des marqueurs calendaires. « Angras », correspond au mois, aux saisons aux rites, quant à  « Avuklan », il correspond aux périodes de déroulement des travaux agraires.

On remarque dans votre ouvrage,  que certains noms des mois ne sont pas ceux utilisés usuellement à l’exemple de Mazer,Maruz Tulest, Tudest… où avez-vous trouvé tous ces noms ?

Dans mes recherches approfondies, j’ai trouvé  que notre ancien calendrier a quasiment disparu  après la conquête romaine de l’Afrique du nord. Petit à petit, l’envahisseur romain a réussi à  remplacer le calendrier berbère par le sien et à imposer sa culture et sa civilisation aux Numides. Mais malgré ce travail  de sape, et parce que notre culture est une culture principalement orale,  des bribes de ce calendrier en sont restés, la preuve ce sont les mots que vous avez soulignés et bien d’autres qui  ont survécu à toutes les dominations.   

Même remarque concernant les saisons.  Alors que tout le monde croit que   Erbi3 et Tafsut  sont des synonymes  et leur utilisation  dépend des usages régionaux  comme pour beaucoup de mots kabyles ,vous, vous dites dans votre livre que ces mots désignent deux périodes différentes , de même que pour Ccetwa et  Tagrest. Quelle explication donnez-vous à cela ?

Concernant les saisons, c’est l’a que réside le grand problème. Les gens pensent que certains mots qu’on utilise pour désigner les saisons sont d’autres origines que berbère. C’est faux ! tous les mots utilisés comme Erbi3 ,Tafsut, Ccetwa, tagrest… sont d’origine berbère. On ne doit pas s’en référer aux dictionnaires actuellement en usage qui  privilégient ce que vous avez avancé dans votre question, mais il faut plutôt faire confiance aux bergers et aux paysans qui  savent mieux que les livres ce que veut dire les mots Erbi3 et tafsut désignent deux périodes de ce qui est appelé printemps en français. Il en est de même pour Ccetwa et tagrest.

En page 17 de votre livre, on lit que la journée est divisée en vingt parties et vous donnez à chaque partie un nom. Presque un nom pour chaque heure de la journée … c’est une première cela n’a jamais été dit par personne !

Rien d’étonnant !  ce sont des  appellations qu’on retrouve  dans notre culture orale.  C’est parce que ces noms ont un rapport étroit avec les occupations journalières qu’elles n’ont pas disparu. Le fait que c’est moi, qui ai  le premier à  établir cette division journalière, n’enlève en rien au fait que ces mots existaient depuis des lurettes, je n’ai rien inventé.  

J’ai remarqué que vous n’avez pas cité les noms des jours de la semaine. Est-ce un oubli ou c’est délibéré ?

Ce qui est des noms de jours,  dans mes recherches j’ai utilisé plus les nombres  qu’autre chose. Nos anciens ont donné beaucoup de valeur au nombre 7.On entend souvent dire «  Lfal n sevɛa ». Pour les jours et les travaux, ils comptent de un à sept : Ass amenzu, ass wis sin…etc,  Pour ce qui est des noms, je n’ai pas entendu un de nos anciens prononcer un nom en dehors  des noms actuels. J’ai tiré la conclusion que nos anciens n’ont pas de noms  pour les  jours.

Quelle réaction votre livre  a-t-il suscité auprès de la communauté universitaire ?

Toutes les universités dans le monde accordent de la valeur aux travaux de recherche menées  en dehors de l’université. Je souhaite que nos universités en  fassent autant. Les universités ne doivent pas tourner le dos aux travaux menés par des autodidactes en dehors de leurs enceintes

Je vous laisse conclure

Mon livre « ANGRAS UVUKLAN » tout comme mes autres ouvrages sont appréciés par les étudiants , les associations et les simples citoyens que je rencontre un peu partout  à travers mes conférences et mes ventes dédicaces. Je tiens à leur rendre à tous un vibrant hommage. Leur soutien ne fait que renforcer ma conviction à produire davantage pour pérenniser notre culture.  

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