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Mohamed Sayoud: «L’Algérie pourrait être la locomotive du développement économique en Afrique»

Le consultant, Mohamed Sayoud, plaide pour la réalisation de zones industrielles clés en main : la réalisation de 10 000 hangars de 1 000 mètres carrés pour la production de biens industriels en 12 mois, en substitution aux produits importés. Une solution pour booster rapidement la croissance de l’économie nationale.

L’Express : Quelles sont succinctement vos références et les références de votre entreprise ?

Mohamed Sayoud : Mohamed Sayoud est un industriel algéro‐allemand. Je suis diplômé en électronique industrielle de l’INELEC Boumerdes, ayant également un MBA. J’ai aussi décroché le diplôme d’ingénieur d’affaires et un DES en Marketing et Management. Je communique en
cinq langues. J’ai accumulé une expérience de plus de 30 ans en Allemagne en tant que chef d’entreprise.

Entre‐temps, j’avais également une entreprise offshore (totalement exportatrice) pendant 12 ans en Tunisie. J’ai exporté ma production sur 14 pays vers l’Europe, l’Afrique et Dubaï. Depuis 6 ans, retour au bercail. J’ai créé en Algérie une entreprise pour la production du mobilier pour centres commerciaux, magasins et hôtels.

Quelle est votre implication et l’implication de votre entreprise dans le soutien et le conseil aux promoteurs de projets d’investissement en Algérie ?

Depuis 5 ans, j’ai créé avec mon associé, qui est expert‐comptable, un cabinet de conseils, d’études et d’accompagnement en investissement industriel et touristique, en tant que consultant international en investissement industriel et touristique. Je dispose également d’un bureau en Chine et en Allemagne.

Mon épouse est chinoise, également consultante en investissement. Elle s’occupe des investisseurs chinois qui nous sollicitent car on communique dans leurs langues (le mandarin et le cantonais). Notre équipe communique en 10 langues.

On a accompagné plusieurs opérateurs algériens, notre diaspora et les étrangers. On a également donné des conseils et des séances de consulting par visioconférence.

Quels sont les projets d’investissement en Algérie achevés en cours de réalisation ou en voie de lancement grace à l’accompagnement de votre entreprise ?

On a déjà plusieurs projets pour nos clients algériens et étrangers dans le domaine de l’agroalimentaire, la production des panneaux MDF, dans la production de divers produits en acier/métal, en aquaculture, le consommable médical, les meubles, les chaussures, les fournitures scolaires, le papier, le recyclage du carton, du plastique, du caoutchouc, de l’aluminium, du cuivre, l’injection et l’extrusion de divers produits en plastique, aluminium et le zamac.

On a également accompagné plusieurs clients à l’étranger (l’Allemagne, la Chine, la Turquie et l’Indonésie). Notre tâche consiste également à effectuer le sourcing grâce à nos bureaux en Chine et en Allemagne qui nous servent comme relais pour chercher et comparer les prix, la qualité et la prestation de différents fournisseurs de machines et de matières premières à l’étranger.

On a déjà accompagné en Algérie plusieurs investisseurs pour la réalisation des projets dans la production des chaussures, du thon, de la confiserie, la transformation de la tôle, etc. Les grands projets en voie de lancement, c’est une grande usine de production du verre creux, un autre dans la production des pesticides, un autre encore dans la résine acrylique, enfin un projet dans la production de la fibre polyester qui sert pour la production du textile.

Quelle est votre appréciation sur le nouveau code de l’investissement?

Le nouveau code de l’investissement est une bonne chose qui va pouvoir donner une stabilité juridique pendant au minimum 10 ans mais pour moi, ce qui compte, c’est le facteur TEMPS afin de le mettre en application, en vue d’un décollage rapide de l’économie, une relance économique car il y a déjà des milliers d’investisseurs qui attendent depuis des années pour réaliser leurs projets d’investissement dans tous les secteurs.

Il convient de souligner que les atouts dont dispose l’Algérie permettraient à notre pays de créer un hub entre l’Europe et l’Afrique donnant sur d’autres continents qu’on doit exploiter. Citons comme atout l’avantage du coût de fret maritime et la proximité, ce qui dissuade les clients de plusieurs pays d’avoir des produits en provenance de la Chine.

L’Algérie peut devenir, en effet, une très importante plaque tournante entre l’Afrique, l’Europe et l’Asie. Une position géostratégique qui est susceptible de faire d’elle la locomotive du développement économique en Afrique, surtout avec l’ouverture de la Zone de libre‐échange (Zlecaf) avec l’Algérie et les 54 pays signataires.

Quelles sont les principales contraintes persistante à l’investissement ?

La réalité est là, l’ancien modèle économique prôné par l’Algérie depuis l’indépendance est obsolète en termes de coûts d’investissement et de délais de réalisation. L’investisseur était obligé d’établir une étude technico-économique, puis la déposer auprès de l’ex‐Calpiref qui décide après des années d’attente de lui attribuer ou pas un terrain.

C’est‐à‐dire, l’investisseur est à la merci de l’administrateur qui va juger que le projet est intéressant ou pas. Honnêtement, c’est totalement contreproductif. Partout dans le monde, on n’a pas besoin d’attendre l’aval d’un administrateur pour faire un projet d’investissement. Ce phénomène existe ici car la problématique du foncier industriel constitue l’obstacle de tout investissement.

Et, pour cela, il doit attendre une ou plusieurs années pour avoir l’autorisation. Ces lenteurs font que les délais de réalisation, initialement accordés, se trouvent consommés. En conséquence, pas mal de projets ne sont pas concrétisés à cause de cette politique dévastatrice qui n’a jamais donné d’importance au facteur temps. TIME IS MONEY / ZEIT IST GELD/ LE TEMPS C’EST DE L’ARGENT.

Que préconisez-vous pour soutenir la dynamique de l’investissement et diversifier l’économie ?

L’ancienne politique d’investissement était obsolète. Elle impose d’établir des études, l’attente des décisions pour l’attribution d’un terrain puis construire les hangars. Alors, il faut renverser l’équation pour rationaliser les délais et les coûts de réalisation. Il convient de libérer l’acte d’investir.

De ce fait, l’intervention du gouvernement actuel devient plus qu’impérative pour débloquer cette situation, Mais pour ce faire, nécessité oblige, il faut passer à l’action pour écourter le temps d’attente dans la réalisation d’un projet d’investissement afin de créer rapidement des emplois et de la richesse, réduire l’importation afin d’avoir une économie forte et par conséquent une monnaie forte.

Libérer l’acte d’investir, c’est faire comme partout dans le monde. L’investisseur n’a pas besoin d’aller frapper à la porte de l’administration pour demander un terrain, des autorisations et faire le parcours du combattant. Il ne faut pas oublier que c’est son argent qu’il va risquer et son courage d’entreprendre.

C’est très simple, s’il ne peut pas construire lui‐même son usine, il loue un ou plusieurs hangars de production pour installer des machines ou sa ligne de production, selon l’ampleur du projet, et il commence rapidement à produire.

Pour les gros investisseurs et pour ceux qui font l’extension de leurs usines ou ceux qui ont des projets spécifiques nécessitant des grands terrains ou des dimensions spécifiques, ils peuvent demander aux autorités compétentes l’octroi d’un terrain. Il faut doter le pays d’un dispositif de lois permettant l’accélération, la facilitation et la simplification des procédures administratives pour la promotion des investissements.

Cela œuvrera à la création de nouveaux systèmes macroéconomiques, en l’occurrence, les sites industriels clés en main. Ces sites éliminent beaucoup d’obstacles aux investisseurs et les attentes interminables, leur permettant de passer à la production vite fait. Ces écosystèmes contribuent de manière efficiente à générer des plus‐values à l’État, notamment la TVA sur les loyers et diverses taxes au Trésor public.

De surcroît, ils constituent une solution pour booster rapidement la croissance économique nationale. La création de sites industriels est impérative. La mise à la disposition de Sites Clés en main ou viabilisés reste l’unique solution. Ces derniers seront dotés de hangars de production de différentes surfaces destinés à la location, à des prix attractifs pour les investisseurs nationaux ou étrangers, selon un cahier des
charges.

Cette solution permet de raccourcir les délais et de minimiser les coûts de réalisation. Il s’agit seulement de placer les machines ou les lignes de production et commencer à produire de manière efficace, Ce qui facilite le transfert technologique et le savoir‐faire nécessaires, contribuant ainsi à la formation de la main‐d’œuvre locale véritablement qualifiée. C’est la solution qui permet à l’Algérie d’être performante économiquement et de passer à un développement rapide et durable.

Le constat est là, des centaines de milliards de dollars ont été consommés, durant ces deux dernières décennies, sans aucune valeur ajoutée sur la croissance économique du pays. Il faut 5 milliards de dollars pour la construction de 10 000 hangars de production (voir l’exemple en Ethiopie, au Rwanda, au Vietnam etc.).

Environ 5 milliards de dollars seulement suffiraient pour construire 10 000 hangars de 1 000 m2 , financés par l’Etat algériens ou partiellement par des promoteurs immobiliers. Cela dit, ces derniers peuvent construire des hangars de production en créant un système macroéconomique adéquat.

L’amortissement d’un hangar de 1 000 m2 qui coûte environ 20 000 000 DA (prix de la Chine) peut être fait dans un délai maximum de 6 mois en prenant en considération un loyer mensuel très abordable de 300 000 DA HT par mois. Dans ce sillage, les promoteurs immobiliers algériens et étrangers peuvent avoir accès à des terrains de l’Etat soit en dinar symbolique ou à un prix attractif afin de construire des zones de 30 à 100 hangars et plus, de différentes surfaces pour la location aux investisseurs, selon un cahier des charges.

Pour construire ces zones industrielles, la coopération avec les entreprises algériennes, chinoises et turques serait hautement productive. Ces derniers peuvent construire une zone industrielle de 100 hangars de 1 000 m2 chacun dans un délai ne dépassant pas les 12 mois. Les communes, à leur tour, s’occuperont de la viabilisation de ces zones.

On doit accorder une importance au facteur temps TIME IS MONEY. En somme, promouvoir les zones industrielles clés en main, serait d’un grand apport au développement durable du pays. L’exemple de la Pologne, la Turquie, le Rwanda, le Vietnam et l’Ethiopie est édifiant. Ces pays, en optant pour la solution rapide de la construction des zones industrielles Clés en main et viabilisées, exportent maintenant pour des centaines de milliards de dollars par an. La Pologne elle‐même exporte vers l’Allemagne pour 100 milliards d’euros par an.

L’économie algérienne est fortement liée aux hydrocarbures, C’est un avantage qu’on a actuellement. C’est un très grand atout qu’on doit exploiter rapidement pour booster, faciliter, encourager et promouvoir l’investissement productif industriel, touristique et agricole. Cela en attirant le maximum d’IDE (investissement direct étranger) , de notre diaspora établie à l’étranger sans oublier le plus grand potentiel sur place que sont nos résidents.

Il convient surtout de tendre la main à ceux de l’Import‐Import qui ont gagné assez d’argent et qui ont assez de moyens financiers sans faire appel aux banques, de se convertir en investisseurs producteurs vu que la majorité d’entre eux ne peuvent plus importer facilement divers produits destinés à la revente en l’état comme avant. Ce qui mettrait fin à l’informel.

Les recettes pétrolières permettent à notre cher pays d’injecter 10 milliards USD pour la construction des zones industrielles clés en main avec hangars prêts pour la cession ou location et pour financer divers projets d’investissement dans le domaine de la production de tous les polymères à base de pétrole et de gaz, de produire la tôle inox (stainless steel) à une très forte valeur ajoutée, produire tous types d’IPN et d’IPE pour la construction de tout ce qui est bâtiment ou hangars en charpente métallique afin de créer rapidement 1 à 2 millions de PME–PMI pour générer dans trois années entre 2 à 5 millions d’emplois, créant ainsi une richesse nationale considérable et pérenne.

C’est indispensable et primordial de faire appel aux formateurs allemands et italiens pour former nos formateurs et élèves des écoles de formation professionnelle afin de nous transférer les techniques modernes et les façons de travailler pour garantir la qualité du produit et sa performance.

Il convient également d’inculquer l’amour du travail aux jeunes pour un travail de qualité. Il convient aussi de faire des cours aux élèves des lycées et universités afin de les initier à l’entrepreneuriat pour qu’une partie d’entre eux deviennent des futurs employeurs et créateurs d’emplois et de richesse.

En somme, pour amortir d’éventuels chocs qui s’annoncent à cause de cette fragilité économique mondiale, les zones industrielles Clés en main ou viabilisées seraient la meilleure solution pour faire sortir définitivement l’économie nationale de cette morosité. La mise en place de ces nouveaux écosystèmes est susceptible de contribuer à l’essor de l’économie nationale. La diversification économique est la seule solution à notre
dépendance aux hydrocarbures.

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