Ériges au flanc d’une montagne rocheuse dominant la mer, le site mégalithique d’Ath R’houna (Azzefoun) relevant de la wilaya de Tizi‐Ouzou, est une curiosité archéologique qui n’a pas encore livré tous ses secrets. Les chercheurs (étrangers et nationaux) qui se sont intéressés à ce site restent prudents et même évasifs quant à la datation, à la fonction et aux bâtisseurs de ces monuments mégalithiques que l’on nomme couramment « allées couvertes ».
Les monuments d’Ath R’houna, au nombre de huit, avec leur six équivalents d’Ibarissen dans la commune de Toudja (Béjaïa), sont uniques dans tout le Maghreb, sinon sur tout le continent africain.
Si pour le préhistorien et spécialiste de l’histoire des Berbères, Gabriel Camps, ces monuments qu’il fait remonter à l’ère néolithique ou chalcolithique, sont des tombes collectives, comme l’attestent les fouilles menées en 1950 par deux chercheurs français qui ont permis de mettre au jour une accumulation d’ossements, certains chercheurs et passionnés de l’archéologie algériens émettent des réserves et vont à l’encontre des conclusions des chercheurs français aussi bien pour la question de la datation que pour celle de la fonction de ces monuments.
DES MONUMENTS ORIGINAUX
De forme rectangulaire, dont les longueurs, à l’origine, oscillent entre 8 m et 15 m pour une largeur de 1 mètre et une hauteur de presque 2 mètres, ces monuments, malgré leur état ruineux actuel sont assez majestueux et parlants. S’étant déplacé sur les lieux en compagnie d’un passionné de l’histoire et de l’archéologie, nous n’avons pas manqué de manifester notre ébahissement devant les vestiges de ces structures bâties à une époque où l’homme n’avait comme outils que des pointes de flèche, des grattoirs et des haches rudimentaires.
A quelle ingénierie ces hommes ont‐ils eu recours pour bâtir ces galeries mégalithiques couvertes par des pierres travaillées dépassant parfois les cinq mètres de longueur ? Même si, aujourd’hui, de ces structures, il ne reste encore debout, pour certaines du moins, que les chevets ou les parties terminales, on peut quand même deviner la forme imposante de ces vestiges qui défient encore le temps.
Qui les a construits ? Quand ? Comment ? Pourquoi ? Autant de questions que les spécialistes ont examinées sans pour autant arriver à une conclusion convaincante. S’il existe une certaine unanimité sur leur datation que la majorité des spécialistes fixent pour l’ère néolithique, il n’en est pas de même pour les autres questions qui divisent les chercheurs.
Au cours de la campagne de fouilles menée en 1954 sur les lieux par Gabriel Camps en compagnie d’un inspecteur des antiquités, des ossements humains, une perle en pâte de verre et des débris de poterie d’origine phénicienne… ont été mis au jour. Chose qui a donné à certains une justification pour privilégier la piste phénicienne et faire de ces monuments des nécropoles destinées à recevoir les dépouilles des chefs et des membres de leur famille.
Toute‐fois, le fait de trouver des débris de poterie d’origine phénicienne ou des céramiques étrusques ne peut pas servir d’argument pour identifier l’origine des bâtisseurs, comme on ne peut pas trancher sur la fonction de ces monuments au seul fait de trouver des ossements humains à l’intérieur. Ce que l’on sait pour l’instant et qui ne souffre aucun doute, c’est que ces allées couvertes sont originales et spécifiques à la Kabylie. On ne trouve nul équivalent pareil au Maghreb ni en Afrique. Les quelques monuments auxquels on peut les comparer se trouvent en Sardaigne et en France. Ce qui exclut toute origine étrangère de ces monuments.
Au Néolithique, ni les Phéniciens, ni les Romains n’ont posé pied en Afrique du Nord. Donc, les monuments datant de cette époque ont bel et bien été construits par les autochtones. Si, pour l’instant la fonction funéraire de ces monuments est la plus dominante, il existe quand même des spécialistes qui explorent d’autres pistes (rituelles, agraires…) pour expliquer le pourquoi de la construction de ces monuments.
Hormis quelques papiers par‐ci et par‐là parus dans la presse écrite et quelques reportage vidéo partagés sur les réseaux sociaux des férus de l’archéologie et de la mythologie berbères, il n’existe presque aucun travail académique de chercheurs nationaux sur ces monuments qui méritent pourtant toute notre attention puisqu’ils sont uniques en leur genre.