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Hayet Rabhi: « Les safraniers travaillent pour l’extension de leurs surfaces cultivées »

La culture du safran en Algérie, qui n’en est encore qu’à ses balbutiements, est en progression continue, et elle compte de plus en plus d’adeptes. Des associations œuvrant pour la promotion de cette culture naissent ici et là à travers le territoire national. Dans le cadre de ces récentes activités, nous avons interrogé la présidente de l’Association des cultivateurs de safran de Béjaïa, Hayet Rabhi, pour en savoir davantage sur cette culture au niveau de la wilaya.

L’Express : Votre association a organisé successivement ces derniers jours, en collaboration avec d’autres associations, une journée de sensibilisation pour la promotion de la culture de Safran et une journée de mise en pratique des méthodes de plantation…quels bilans tirez-vous de ces activités?

Hayet Rabhi : La journée de sensibilisation pour la promotion de la culture de safran à la commune de Taourirt‐Ighil est la troisième du genre pour cette année après celles de Barbacha et de Fenaia Il Maten, successivement organisées les 22 et 23 août passés.

Les conditions climatiques, surtout les canicules, nous ont fortement perturbés. Sinon, on avait décidé d’organiser au moins cinq journées de sensibilisation et de formation pour cette année.

Ces journées sont des formations théoriques pour les adhérents et tous ceux qui désirent tenter l’expérience dans le domaine et devenir des safraniculteurs. Après les formations théoriques, une démonstration pratique a été organisée ce samedi à Garet, à El‐Kseur, au niveau de la ferme Atmani‐Makhlouf.

Le choix de cette région de Garet pour cette activité pratique, c’est pour démontrer que la culture du safran peut être développée dans cette région, surtout que la femme rurale y est très impliquée. Cette culture peut constituer une alternative à ces territoires touchés par des incendies répétitifs parce que le safran est moins exposé aux incendies que les arbres fruitiers et autres cultures.

Le choix de cette région est également un acte de solidarité pour Atmani Makhlouf pour tous les efforts qu’il a consentis pour le développement de l’agriculture de montagne. Il a montré que lorsqu’on travaille nos terres, on peut être épargné par les incendies.

A noter qu’au cours de cette journée de mise en pratique, cinq kilos ont été offerts à Atmani comme aide pour développer le safran dans la région.

En quelle année la dynamique safranière a-t-elle réellement commencé à Béjaïa?

Le Safran a été introduit en 2013 à Béjaïa. C’était de premiers essais avec quelques bulbes. Puis les essais se sont étendus un peu partout dans plusieurs régions de la wilaya et cela a donné de bons résultats.

En juin 2022, il y a eu la création de l’Association des cultivateurs de safran de Béjaïa, après celle de Beni Maouche qui est de dimension communale. Une liste des premiers cultivateurs est constituée, et pour se rencontrer, on a organisé la première édition de la Fête du safran au mois de janvier 2023.

Donc, les premiers acteurs de la filière étant identifiés, il ne nous restait qu’à nous mobiliser davantage. Et c’est ce qu’on a fait. On a élaboré une stratégie pour développer la filière tout en veillant à étendre les surfaces cultivées.

Quels sont les obstacles auxquels sont confrontés les safraniers de Béjaïa en particuluier, et les safraniers au niveau national, en général?

Au niveau national, l’obstacle est le marché qui est presque inexistant. Parce que l’Algérien n’a pas encore découvert comme il se doit le safran. On est conscient de ces obstacles, et les solutions sont dans l’organisation en amont et en aval de la filière.

n est confiant sur le fait qu’on finira par dépasser ce problème. On y travaille. On fait tout ce qui est dans nos possibilités pour mettre en valeur le safran et sa culture.

Contrairement à d’autres wilayas où il y a distribution de bonnes quantités de semences, à Béjaïa, on n’a presque rien. Les prix pour l’acquisition des semences ne sont pas à la portée de tous, c’est ce qui freine son développement.

En plus, les associations agricoles, comme la nôtre, ne sont pas subventionnées.

Actuellement quelle est la production annuelle approximative de Safran au niveau de la wilaya?

La production actuelle au niveau de notre wilaya est proche des 2 kg.

Quelles sont les perspectives des nouvelles cultures à Béjaïa?

Actuellement on travaille sur l’organisation de la filière pour prendre en charge les préoccupations des safraniers, surtout en ce qui concerne la commercialisation. On sait qu’on pourrait avoir à Béjaïa un safran de qualité, d’ailleurs les premières analyses le confirment.

Aussi, face au changement climatique, la culture du safran doit figurer dans la stratégie d’adaptation de notre agriculture. Et comme nous sommes dans un territoire où presque la totalité des communes présentent une géomorphologie caractéristique de zones de moyennes montagnes ‐ de 400 à 600 m d’altitude ‐, en plus de la dynamique qui se crée actuellement à travers les associations des femmes rurales dans plusieurs villages, la culture du safran a toutes les chances de se développer. Elle est une importante source d’emplois et de richesse.

Je peux dire que cette culture a un avenir prometteur, car tous les safraniers évoluant à Béjaïa travaillent pour l’extension de leurs surfaces cultivées.

Quelles autres activités prépare votre association pour promouvoir cette culture et accompagner les cultivateurs du safran au niveau de la wilaya?

Pour le mois de novembre, on a programmé une journée sur l’émondage, le séchage et la conservation du safran. Pour la deuxième quinzaine du mois de décembre 2023, on organisera la deuxième édition de la Fête du safran, qui verra la participation de nombreux safraniers de toutes les wilayas du pays.

Pour nos adhérents, nous organisons périodiquement des rencontres pour les tenir informés de tout ce qui a trait au safran.

Je vous laisse conclure…

Comme d’autres wilayas, nos responsables, que ce soit au niveau local ou à l’échelle de la wilaya doivent comprendre que l’agriculture est la base de tout développement durable. Diversifier les cultures et mettre une stratégie affinée en agriculture pour s’adapter aux changements climatiques est une urgence.

Certaines cultures seront délaissées au détriment des autres. Le safran est une culture qui peut être incluse dans cette stratégie d’adaptation au dérèglement climatique.

En outre, les laboratoires de certification de nos produits du terroir sont inexistants. Cela se fait à l’étranger et cela coûte cher.

Les autorités doivent y remédier et élaborer également des législations pour la labellisation, comme le label STG (spécialité traditionnelle garantie).

Il faut mettre tous les moyens pour la valorisation de nos produits de terroirs, ce qui débouchera inévitablement sur un vrai développement du tourisme sous toutes ses formes.

Notre association, selon les moyens dont elle dispose, fait tout ce qu’elle peut pour créer une véritable dynamique safranière créatrice de richesse et d’emplois.

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