Que deux chefs d’Etat voisins de l’Algérie, le Maroc et la Mauritanie, se retrouvent le même jour chez MBZ, voilà une information qui devrait mettre la puce à l’oreille.
Hasard du calendrier ou timing calculé, à ce stade de la realpolitik, il ne saurait exister de coïncidence. Mais comme toute information stratégique, il y a là trois niveaux à distinguer : la communication publique, les détails cachés et l’analyse qui en découle.
Pour sa visite aux Émirats depuis l’investiture de Cheikh Mohammed Ben Zayed (MBZ), le roi Mohammed VI a été reçu en grande pompe à l’entrée du palais présidentiel Qasr el‐Watan, à Abou Dhabi, où le cortège royal a été escorté par un escadron de cavaliers jusqu’au portail « Zayed ». Puis, du portail Zayed à celui d’Al‐Hisn, des troupes folkloriques émiraties ont accompagné l’arrivée du monarque marocain par des chants et des danses traditionnels, pendant que l’équipe nationale de voltige Al‐Fursan traçait dans le ciel des rubans de fumée aux couleurs rouge et vert du drapeau marocain, et qu’une salve de 21 coups de canon était tirés en signe de bienvenue.
Les deux pays parlent d’un partenariat d’exception et s’accordent sur un partenariat particulier, « novateur, renouvelé et enraciné ». Les qualificatifs n’ont pas manqué.
De même, pour le président mauritanien Mohamed Cheikh El Ghazouani, la qualité de la délégation qui l’accompagnait renseigne sur l’importance du périple : Dr Mariem Vadel Dah, Première Dame ; Mokhtar Ould Diay, ministre chargé de cabinet du Président de la République ; Nani Ould Chrougha, ministre du Pétrole, de l’Energie et des Mines, Porte‐parole du Gouvernement ; Mohamed Ould Ahmed Salem Ould Mohamed Rare, ambassadeur de Mauritanie aux Emirats Arabes Unis, ainsi que plusieurs conseillers du Président.
La grosse artillerie. Des conventions ont été signés et des accords de premiers ordre trouvés. Après le côté communication, voyons maintenant le côté dissimulé, et qui peut s’avérer le cœur même du problème.
En effet, avec l’enlisement d’Israël dans une pénible guerre contre les palestiniens, une guerre qui aura mobilisé la planète entière contre Tsahal et ses crimes, les Émirats arabes unis se trouvent désormais dans une position peu enviable. De même, la normalisation est en train d’agoniser, tant aux Emirats qu’au Maroc.
De ce fait, les Emirats partent au charbon pour tenter un coup pour briser l’isolement d’Israël. L’objectif en est de s’allier avec la Mauritanie, attiré dans le piège de la normalisation, non pas de manière abrupte, mais à petites doses, vu la réaction de la rue mauritanienne, guère préparée à telle éventualité.
Depuis le début de la guerre entre le Hamas et Israël, le président mauritanien exprime un soutien total aux Palestiniens. Il dissuade ainsi ceux qui espéraient vivement le voir rétablir des relations diplomatiques avec Tel‐Aviv, gelées depuis 2010, mais fait face à des pressions soutenues de la part des puissances monarchiques.
Le groupe de « normalisateurs » cible désormais la Mauritanie.
Le plan a débuté après que le Maroc a normalisé ses relations avec Israël, et de terribles pressions ont été exercées sur la Mauritanie pour qu’elle soit le prochain État qui normalise avec Israël, et le Maroc pousse également Nouakchott à s’engouffrer dans ce circuit. Les intérêts émiratis en Mauritanie sont énormes, de même que les aides qu’ils consentent à Nouakchott.
L’objectif inavoué dans toutes ces menées de sous‐sol est d’isoler l’Alger de son espace géographique naturel, la triple zone maghrébo‐saharo‐sahélienne. Quand on sait comment se développe la situation dans cet espace, avec notamment, le Tchad, le Niger et le Mali, on ne peut que demeurer attentifs et redoubler de vigilance.