Abdelmadjid Attar a fait partie du groupe de jeunes ingénieurs qui dans les gisements de gaz et de pétrole du sud‐est du pays ont remplacé le 24 février 1971 les techniciens français qui ont quitté le pays en raison de cette décision de nationalisation. Cette reprise en main de nos richesses pétrolières a empêché que notre production de pétrole subisse un arrêt.
En un mot, ce maintien de l’activité de production était considéré à cette époque comme une prouesse. Car il a pu se réaliser en dépit du manque d’expérience des jeunes ingénieurs algériens et de leur nombre restreint. Témoignage.
Dans une émission de la Chaîne III diffusée récemment, l’ancien P‐DG de Sonatrach, ancien ministre de l’Energie, acteur des nationalisations des hydrocarbures, livre son témoignage sur cette période historique qui a été marquée par le recouvrement de notre souveraineté sur nos richesses pétrolières et gazières. « On peut tout simplement dire que le 24 février est une date qui restera à jamais gravée dans la mémoire de ceux qui l’ont vécue, surtout ceux qui ont dû faire face aux défis que cela comportait au niveau du terrain, au niveau des gisements de pétrole et de gaz en cours d’exploitation.
Nous n’étions certainement pas préparés puisque le processus de nationalisation s’est déroulé dans le secret total entre feu le Président Boumediene et une poignée de ses collaborateurs. J’en profite pour leur rendre hommage et plus spécialement aux acteurs de cet évènement et qui ne sont plus de ce monde. Il faut donc préciser que la nationalisation a surpris tout le monde, qu’il s’agisse des cadres techniques, qu’il s’agisse des compagnies étrangères présentes ou de ceux de la Sonatrach, qui n’étaient pas nombreux, surtout au niveau du terrain.
Nous n’avons pas su ce qui se passait et surtout ce qu’il fallait faire, surtout au niveau du terrain, au niveau des gisements et de toutes les activités gérées jusque‐là par les compagnies étrangères au cours des semaines qui ont suivi. C’est à ce moment‐là que les défis ont commencé à être pris en charge. Sincèrement, jusqu’à aujourd’hui, je me demande comment avec si peu de moyens humains à l’époque, nous avons pu prendre en charge toutes les activités, surtout qu’aucun gisement de pétrole ou de gaz n’a arrêté sa production, sans aucun incident.
C’est tout simplement parce que nous avions la foi et la volonté et qu’il s’agissait d’une mission à ne pas rater. Sur les défis que ces jeunes acteurs de l’évènement ont dû relever, l’ancien P‐dg de Sonatrach répond ainsi : « En fait, voilà ce qui s’est passé. Dans le mois qui a suivi le 24 février, tous les cadres étrangers ont abandonné les gisements.
Et c’est à ce moment‐là qu’a eu lieu la mobilisation de tous les moyens humains de Sonatrach, des Algériens qui travaillaient déjà au sein des compagnies étrangères nationalisées dont certains sont rentrés de l’étranger et surtout l’affectation à ce moment‐là de toute une promotion de jeunes diplômés fraîchement sortis des instituts de formation pétrolière de l’époque, c’est‐à‐dire l’INH et l’IAP.
La mission consistait à prendre en charge la gestion des gisements surtout, dans la mesure où les compagnies françaises avaient rapatrié tous leur techniciens et pratiquement abandonné les opérations sur le terrain.
Personnellement je venais d’être recruté par Sonatrach en tant qu’ingénieur géologue fraîchement sorti de l’IAP un mois après le 24 février. J’avais reçu l’ordre de rallier en urgence Hassi Messaoud. J’étais accompagné de deux techniciens supérieurs fraîchement diplômés de l’INH qui effectuaient le Service national.
La moyenne d’âge des techniciens algériens mobilisés était de 24 ans. Ces jeunes cadres étaient tous affectés à Sonatrach pour prendre la relève du personnel des compagnies étrangères. Il faut vraiment leur rendre hommage. Je me rappelle qu’avec ces deux techniciens supérieurs, nous nous sommes rendus au gisement de Tin Fouye Tabankort, à 250 kilomètres au sud de Hassi Messaoud. Il était en production mais faisait l’objet d’un programme de développement avec plusieurs appareils de forage canadiens sans aucune supervision.
Notre mission consistait justement à assurer cette supervision des forages de développement en appui à deux seuls cadres qui étaient déjà sur place, le directeur du gisement et un technicien, feu Djoua, qui étaient responsables de la production. Je me rappelle qu’il fallait fracturer les portes des bureaux occupés par le personnel étranger auparavant pour récupérer les documents techniques nécessaires à nos missions.
Concernant la portée de cet événement, l’ancien ministre de l’Energie a souligné : « Le 24 février est tout simplement une deuxième page importante de l’histoire de l’Algérie après celle de son indépendance. On peut tout simplement dire que le 24 février est celui de l’indépendance pétrolière, et voilà que 52 ans après, de nos jours, tout ce qui se passe dans le monde, les conflits, les guerres, les alliances géopolitiques, le cœur de tout cela, c’est l’Energie, c’est la sécurité ou, mieux, la souveraineté énergétique ! Et ce sont toujours les hydrocarbures qui la garantissent, cela malgré tout ce qui se dit à leur sujet.
L’indépendance de l’Algérie a été acquise par le combat d’une génération. Les générations qui ont suivi ont mené aussi des combats de réappropriation d’autres souverainetés comme celle des hydrocarbures et d’autres défis de construction relevés, parfois en dépit des dangers qui ont été écartés aussi à chaque fois grâce à une génération.
Tout cela s’est déroulé de façon spontanée, avec la foi et l’amour de la patrie. Il faut absolument que cela se poursuive dans les mêmes conditions avec les mêmes objectifs. C’est ce que je souhaite personnellement de la part de ceux qui nous ont remplacés.