Noiraud, bancal et rachitique, mais hargneux et tenace, il grandit en dépit de tous les pronostics, apprenant les gestes de la survie avant même de savoir faire ses premiers pas, se nourrissant de restes avariés, supportant sans broncher les coups et les insultes. Plus tard, il assista à la naissance de la nouvelle Algérie et fut témoin de toutes les bassesses, les lâchetés, les exactions qui l’accompagnèrent.
Comment s’étonner alors des moyens qu’il emploiera pour prendre sa revanche et gagner enfin à son tour un peu de pouvoir et de considérations ? Dans ce superbe roman « Tombeza », Rachid Mimouni nous entraîne dans un terrible voyage au bout de la misère humaine, à la découverte d’une société en pleine agonie où tout semble se dégrader lentement mais inexorablement.
« Quand je songe à mon enfance, c’est l’image des figuiers de Barbarie qui s’impose aussitôt à mon esprit. On en voit partout. Ils forment les haies naturelles des champs, mais aussi bouchent tous les horizons, brisent les rafales du vent qui vient répandre les microscopiques épines de leurs fruits. Quelles affreuses plantes ! Toutes bardées de dards. Même leurs fruits en sont couverts. Elles poussent en prolifèrent sur les terrains les plus ingrats, les plus rocailleux. Je ressemblais à ces figuiers de Barbarie. Je grandissais en dépit de tous les pronostics, chétif et clopinant, mais hargneux et tenace … »
Rachid Mimouni , écrivain majeur de la littérature maghrébine contemporaine , est né en 1945 à Boudouaou (Boumerdès) et est décédé à Paris des suites d’une hépatite aiguë . Il est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages dont Le Fleuve détourné et l’Honneur de la tribu. Mimouni décrit avec minutie la déchéance et dressé un constat apocalyptique de la société.
Et c’est à juste titre que Mourad Bourboune (Jeune Afrique) dira de Tombèza qu’il est « un grand livre nocturne, une arme chargée jusqu’à la gueule, où court pourtant l’amour d’un homme pour son pays ».
L’Algérie a récemment fêté le 29e anniversaire de la mort de son écrivain, le romancier Rachid Mimouni, un immense écrivain qui s’est retrouvé à choisir entre l’exil ou la mort au début de la décennie sanglante qui a secoué le pays dans les années 1990.
L’histoire de la vie de Rachid Mimouni (1945‐1995) est un exemple de la souffrance des écrivains et auteurs algériens au cours des années 90, lorsque des menaces de mort ont contraint plus d’un à quitter le pays. Au cours d’une carrière littéraire courte mais bien remplie, Mimouni a écrit des textes narratifs traduisant ses positions audacieuses sur des questions politiques et sociales qui reflètent les préoccupations de l’Algérien depuis l’indépendance du pays jusqu’aux années 1990.
L’une de ses œuvres les plus célèbres est le roman « Le Fleuve détourné » (1984), qui dessine l’état de tension politique et sociale que connaît l’Algérie avant le soulèvement d’octobre 1988, lorsque les Algériens se révoltent pour protester contre la détérioration de leurs conditions de vie et exigent des réformes politiques et sociales.
En 1992, il publie le livre « De la barbarie en général au fondamentalisme en particulier », dans lequel il aborde le phénomène de l’extrémisme religieux. Au cours de cette période, des écrivains et des intellectuels ont été victimes d’attaques de groupes armés.
En 1993, il publie son roman « La Malédiction » (Prix de la Liberté littéraire 1994), dont les chapitres sont tirés d’événements réels évoquant l’histoire d’hommes armés s’emparant d’un hôpital de la capitale en 1991
Ce roman est à l’origine de la menace d’assassinat contre sa fille, ce qui l’a alors obligé à faire ses valises et à choisir l’exil.