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Zahir Mehdaoui, le talent et l’exigence

Il m’est autant pénible d’écrire sur mon ami, collègue, directeur de publication et compagnon de route depuis 25 ans, que de ne rien écrire. J’aurais préféré le second choix ; mais mes amis et mes confrères journalistes m’ont presque obligé de laisser un mot pour l’histoire.

Me concernant, j’ai toujours conçu que les sentiments n’ont pas besoin de mots mais d’actes, et que le silence pouvait être compris, par ceux qui ont la perspicacité de plonger profondément dans l’âme humaine, comme le plus éloquent des hommages.

Toutefois, en bon soldat, je saurai me plier à la loi injuste du nombre. Aussi me contenterai-je de donner ici, succinctement, quelques bribes pour livrer au public le profil de l’homme et du journaliste de plus près.

Lorsqu’il est venu discuter avec moi du projet de l’Express, fin 2000 – début 2001, il voyait déjà grand et voulait que son journal ne ressemblât pas aux autres journaux. Pour cela, les palabres ont été longues et passionnées. Il connaissait mon exigence professionnelle, et on s’était mis d’accord sur les grands axes de travail, les sujets privilégiés et les contours d’un journal qui voulait avoir « du chien », comme on dit dans notre jargon, c’est-à-dire se distinguer par une originalité et une ardeur sans faille.

Et c’est ainsi que, le 21 février 2021, l’Express était en vente dans les kiosques. Pour rester dans la perspective du journaliste de métier, je ne ferai ici que donner des informations sur l’homme et le journaliste que j’ai connu sur un parcours de près d’un quart de siècle, depuis notre première rencontre dans la rédaction de l’Expression.

Mehdaoui était très exigeant au plan professionnel : perfectionniste, il savait apprécier le travail bien mené et l’effort abouti. Son journal, il le voulait comme un journal de combat, à la pointe des grands thèmes qui intéressent la nation. Et ce fut dans cette perspective d’originalité, de brillance et de discipline de travail que le produit a été exposé à la critique du lecteur averti.

Pour le journal, on ne se faisait pas de cadeaux, et les prises de bec, ça nous connaît ! On se crêpait le chignon et on se chamaillait comme chien et chat. Pas de sentiment dans le travail.

Mais sitôt le journal bouclé, on quittait ensemble la rédaction, tard dans la soirée, et on partait prendre un thé à Bab Ezzouar ou à Kouba. Là, détendus, apaisés, on parlait de tous les sujets avec beaucoup moins de passion et de pression, mais jamais totalement coupés de l’information.

Même pendant sa convalescence post-opératoire, il cherchait encore à prendre le clavier pour rédiger ses éditos hebdomadaires. « Mes doigts ne m’obéissent plus », disait-il. Il s’accrochait à son journal avec la foi du charbonnier et prévoyait un Forum l’Express grandeur nature, qui serait organisé dans un grand hôtel d’Alger, avec des invités de marque, des intervenants de qualité et des experts étrangers capables de s’exprimer sur les grands sujets qui agitent l’actualité internationale. Tel était son dernier souhait professionnel.

Aujourd’hui, son journal est là, bien ancré dans le paysage médiatique du pays, et c’est à travers son journal que Zahir Mehdaoui continuera à vivre et à s’exprimer.

Il faut savoir rester résigné et sobre en ces moments difficiles. La mort demeure la meilleure école où l’individu continuera à observer la précarité de l’existence humaine, à puiser la foi et l’humilité.

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