Né en 1949 à Timri Mahmoud, Saïdi Mohand Ou Rabah a exercé comme inspecteur divisionnaire à la Direction générale des impôts. Retraité depuis 2013, il emploie son temps à écrire sur son village et sur l’Histoire de l’Algérie. «Timri Mahmoud, Histoire, Mémoire et patrimoine» est son premier ouvrage
Nous l’avons rencontré cette semaine et nous l’avons interrogé sur son premier livre et sur ses projets d’écriture.
L’EXPRESS : COMBIEN DE TEMPS AVEZ-VOUS MIS POUR TERMINER VOTRE LIVRE TIMRI MAHMOUD, HISTOIRE, MÉMOIRE ET PATRIMOINE » ?
Saïdi Mohand Ou Rabah : Entre la collecte d’informations, les entretiens avec les personnes âgées du village, ainsi que les discussions avec d’autres personnes qui se souviennent de certains évènements survenus au village ou des contes et légendes que leurs parents leur ont racontés… Cela m’a pris un temps assez long, environ trois ans de recherches, ceci sans compter les 18 mois que j’ai mis pour écrire et corriger le livre.
À PART LES TÉMOIGNAGES DES VIEUX ET VIEILLES DU VILLAGE ET VOS SOUVENIRS, AVEZ-VOUS EXPLOITÉ DES DOCUMENTS ÉCRITS POUR ÉCRIRE CETTE ŒUVRE MONOGRAPHIQUE ?
Concernant la partie traitant de l’histoire du village, je n’ai utilisé aucun document. Vous savez, la société algérienne, notamment les villages kabyles, sont beaucoup plus de tradition orale.
Dans nos villages (Thoudar) retirés et planqués sur les flancs ou sur des crêtes de montagnes, tout se transmettait de bouche à oreille, de génération à génération. Ce n’est que récemment que l’écrit a été privilégié.
Durant la colonisation, des missionnaires chrétiens venus dans le but d’évangéliser les populations autochtones, ont essayé de faire des esquisses historiques sur les villages occupés. C’est presque les seuls documents anciens que nous ayons sur nos villages. Mais ce n’est pas tous les villages qui ont vu l’arrivée de ces missionnaires.
C’est ce manque de documents qui m’a justement poussé à écrire cet ouvrage dans la perspective de substituer l’oralité par l’écriture pour laisser un document pour les générations actuelles et futures.
S’agissant de la collecte des témoignages, notamment pour le chapitre traitant de la fondation du village et de son expansion, pour m’assurer de la véracité des informations recueillies, pour chaque question, j’interroge plusieurs personnes, hommes ou femmes, et je ne prends en considération que les réponses concordantes que je suppose plus crédibles.
Toute l’écriture sur le chapitre origine et histoire du village a été produite sur le terrain, sur les lieux et sites initiaux sur lesquels ont été édifiées successivement les premières habitations des ancêtres des habitants actuels de Timri Mahmoud.
A cela, il y a mes souvenirs personnels. J’ai gardé en mémoire beaucoup d’événements et scènes que j’ai intégrés dans mon ouvrage.
Concernant les autres chapitres, effectivement, j’exploite des ouvrages d’auteurs algériens, notamment Khalfa Mammeri, Benyoucef Benkhedda, Mouloud Gaid, Lahcene Seriak, etc.
Y A-T-IL DES POÉSIES, DES CONTES, DES MYTHES LOCAUX QUE VOUS AVEZ RÉCOLTÉS LORS DE VOS RECHERCHES POUR L’ÉCRITURE DE CETTE ŒUVRE ?
Oui, évidemment. J’ai récolté pas mal de contes, de proverbes, de devinettes, de légendes mais je ne les ai pas intégrés dans cet ouvrage. Je n’ai inclus que les mythes fondateurs du village. J’ai en mémoire cette légende d’un sage du village qui a sauvé sa famille des griffes d’un lion rien qu’en parlant avec l’animal.
QUEL ÉCHO A EU CETTE ŒUVRE AU SEIN DU VILLAGE ET EN ALGÉRIE EN GÉNÉRAL ?
Les habitants de notre village ont accueilli cet ouvrage avec plaisir et fierté. Il a été lu et relu par de nombreux habitants. Certains en ont acheté par dizaines pour l’offrir et faire connaître leur village à leurs amis(es) étrangers.
J’ai eu également le plaisir de passer à la radio Soummam, que je salue à l’occasion. C’est le même engouement également au niveau de mon village adoptif, Ain Benian, Alger, auquel j’ai consacré un chapitre.
Je tiens à dire ici que la publication de cet ouvrage a été faite dans des conditions un peu différentes des procédures habituelles. D’abord, il a été publié à compte d’auteur, donc j’ai tout pris en charge personnellement, pas de publicité, pas de distributeurs officiels d’où ce manque d’écho en dehors de la région.
Un petit nombre d’exemplaires a été quand‐même pris en charge par l’éditeur Rachid Oulebsir, des éditions Afriwen, chez qui ce livre a été publié
ÉCRIRE SUR SON PROPRE VILLAGE NE FORCE-T-IL PAS À LA SUBJECTIVITÉ ?
Pas du tout ! L’Histoire ne doit, en aucun cas, être écrite avec un quelconque parti pris, sinon elle perd toute sa crédibilité et n’aura aucun sens.
L’Histoire d’un peuple ou d’un pays doit être rapportée dans sa pleine authenticité. J’ai essayé au maximum de ne pas tomber dans les travers de l’embellissement et de l’exagération. J’ai écrit pour rendre compte, pour rapporter fidèlement ce qui est vrai et ce que je crois être proche de la vérité. Il n’y a pas évidemment d’œuvres, surtout quand il s’agit de monographies, qui ne pèchent pas par des insuffisances, des oublis…
Y AURA-T-IL UN SECOND TOME POUR CETTE MONOGRAPHIE, PARCE QUE, APPAREMMENT, RIEN QUE POUR LE CHAPITRE HISTOIRE, IL Y A ENCORE BEAUCOUP À DIRE ?
Disons oui, mais n’exagérons pas ! Il y a quelque chose en préparation ! D’abord un reportage vidéo sur le village Timri Mahmoud, actuellement au niveau du montage, un complément pour l’ouvrage et un projet destiné aux enfants sur l’Histoire de notre pays, jusqu’à la glorieuse Révolution libératrice de 1954/62.
En tout cas, j’ai du temps libre, et je le consacre à la lecture et à l’écriture.
JE VOUS LAISSE CONCLURE…
Que dire sinon que je souhaite que l’Algérie se réconcilie avec elle‐même et avec son histoire. Nous sommes une Nation solide qui a émergé des profondeurs de l’Histoire sur cette terre ancestrale arrosée par le sang de millions de martyrs, un million et demi, rien que durant les 7 années de la révolution 54/62.