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Maroc/Entité sioniste: Quand la solidarité avec la Palestine devient un crime d’État

Ce mardi 10 décembre, les abords du tribunal de première instance d’Aïn Sebaa devraient résonner d’un mot d’ordre clair : « Non à la criminalisation de la solidarité avec le peuple palestinien », rapporte le journal français Mediapart.

En jeu, le sort d’Ismaïl Lghazaoui, militant du mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS), qui comparaîtra pour « incitation à commettre des crimes et des délits ». En détention depuis son arrestation le 19 novembre, l’activiste encourt une peine de prison pour avoir dénoncé les relations croissantes entre le Maroc et l’entité sioniste.

La mobilisation ne faiblit pas autour de celui qui est devenu un symbole d’une contestation plus large contre la « normalisation » maroco‐israélienne, scellée par les accords d’Abraham fin 2020.

Initié par des partis, syndicats et associations de défense des droits humains, le Front de soutien à la Palestine et de lutte contre la normalisation s’est renforcé à la faveur de l’escalade du conflit israélo‐palestinien depuis le 7 octobre dernier. Mais pour les autorités marocaines, ce front constitue une gêne croissante.

Si le rapprochement avec Israël a valu au Maroc une reconnaissance américaine de sa souveraineté sur le Sahara occidental, il n’en demeure pas moins controversé.

Et l’État semble décidé à briser les élans de protestation, est‐il encore écrit sur Media‐ part. « Ismaïl Lghazaoui n’a jamais appelé à la violence », affirme Saadia Elouallous, présidente de la Fédération marocaine des droits humains et membre du Comité de soutien des prisonniers politiques.

Selon elle, son arrestation résulte de son engagement contre des opérations jugées sensibles par le pouvoir, notamment la campagne #MaskOffMaersk. Lancée en novembre, cette initiative dénonce l’implication de la société de transport danoise Maersk dans le transit d’équipements militaires entre les États‐Unis et Israël via le port de Tanger Med.

Une vidéo tournée le 16 novembre montre Ismaïl et Saadia protestant symboliquement contre ces pratiques.

Selon une enquête relayée par le mouvement BDS Maroc, près de 23 500 tonnes de cargaisons militaires auraient été acheminées en Israël depuis septembre 2023.

Ce type d’accusation, porté à l’international, heurte de front les ambitions commerciales et diplomatiques du Maroc. Pour Saadia Elouallous, l’arrestation d’Ismaïl Lghazaoui vise clairement à intimider : « L’État cherche à faire un exemple, à montrer que contester cette normalisation a un coût. »

DES LIBERTÉS SOUS TENSION

Ce n’est pas la première fois que les autorités marocaines sanctionnent la critique des accords d’Abraham. En juillet 2023, Saïd Boukyoud, un Marocain vivant au Qatar, avait été arrêté pour avoir dénoncé la normalisation sur les réseaux sociaux.

Condamné à 5 ans de prison et une lourde amende pour « atteinte à la personne du roi », il avait finalement été gracié en août. Depuis octobre, les manifestations contre la normalisation se multiplient à travers le pays, souvent pacifiques mais parfois réprimées violemment. « À Chefchaouen ou Meknès, des violences policières ont éclaté récemment sans raison apparente », s’indigne Mohammed Ghafri, coordinateur du Front de soutien à la Palestine.

À cela s’ajoute la poursuite de 13 activistes pour avoir organisé des actions de boycott devant des enseignes internationales comme Carrefour. Alors que la normalisation des relations Maroc‐Israël s’apprête à marquer son quatrième anniversaire, la fracture entre le gouvernement et une partie de la société s’élargit.

Si les autorités poursuivent leur partenariat stratégique avec l’entité sioniste, les protestations, elles, gagnent en ampleur. Chaque rassemblement, chaque arrestation semble nourrir davantage un mouvement qui mêle solidarités locales et aspirations globales.

Pour Saadia Elouallous, le procès d’Ismaïl Lghazaoui dépasse le cas individuel : « Ce n’est pas seulement un militant qu’on juge, mais tout un combat pour les libertés d’expression et de solidarité. » Une bataille qui, au Maroc, ne fait que commencer, conclut Mediapart.

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