Au Maroc, tous les clignotants sont au rouge : une dette extérieure de plus de 60 milliards de dollars, un taux de chômage qui a atteint des sommets et une croissance molle, le tout empreint de clientélisme politique au sein du gouvernement Akhannouch qui ne parvient plus à maîtriser la colère de la rue marocaine.
Le Maroc est‐il à la dérive tant politique que sociale ? On pourrait le penser et le croire au vu de certains indicateurs économiques de ces deux dernières années, mais également de la colère des syndicats et de la montée des tensions sociales.
Sur le front politique d’abord, le gouvernement Akhannouch traverse une déferlante avec la montée au front des syndicats ouvriers devant la détérioration de leurs conditions de vie, au moment où les partis politiques sont bri‐ dés par la répression makhzénienne de toute opposition à la vision du palais royal sur certaines questions-clés comme l’occupation du Sahara occidental, l’accointance avec l’entité sioniste et l’abandon des revendications socio‐politiques des gens du Rif.
Le dernier remaniement ministériel a fait grincer des dents à gauche comme au centre de l’échiquier politique marocain, notamment au sein de la Haraka (mouvance populaire) d’Ahmed Laenser : le scandale politique est venu cette fois avec la nomination au poste de l’Éducation nationale d’un proche du patron du groupe Afriquia Gaz.
En effet, la nomination de Mohamed Saâd Barada comme nouveau ministre de l’Éducation, malgré l’inexpérience totale dans le domaine éducatif ou dans les fonctions gouvernementales, a laissé pantois plus d’un, car un industriel du chocolat a été parachuté à un poste sensible qui a valu, en 1965, en 1984 et en 1990, au Makhzen des manifestations populaires et de jeunes écoliers qui se sont terminées par de véritables mas‐ sacres.
Des milliers de morts et de disparus dans des fosses communes qui ne seront déterrées qu’à partir de 2002 après la soi‐disant fin des années de plomb. Et donc le chef du gouvernement, du parti des Indépendants (RNI) a préféré placer des représentants de l’oligarchie marocaine, des gens d’argent et de pouvoir, proches de lui que des cadres compétents.
En fait, Akhannouch a procédé à la nomination de personnalités liées à son holding «Akwa Group» à des postes clés, renforçant ainsi l’influence de son groupe économique et suscitant des interrogations sur l’indépendance des institutions et leur capacité à accomplir leurs missions sans l’interférence des grands oligarques, les lobbies de l’argent et du pouvoir.
Sur le plan économique ensuite, le pays connaît de sérieuses turbulences : le Maroc a de tout temps, depuis même la fin du protectorat français en 1956, enregistré un fort taux d’endettement interne du Trésor avec une lourde dette extérieure, due notamment à une politique d’emprunts tous azimuts auprès des institutions financières internationales pour équilibrer sa trésorerie et faire face aux demandes internes de financement de l’économie, mais également pour répondre aux exigences des syndicats quant à la régularité des salaires.
Et, surtout, une amélioration des conditions de vie des Marocains qui passe par une croissance économique saine alignée à une politique de hausse régulière des salaires, la bais‐ se du chômage et la maîtrise de la courbe inflationniste.
Or, ce n’est pas le cas, et le dernier remaniement du gouvernement Akhannouch, pour calmer la colère de la rue marocaine face aux conditions de vie locales épouvantables, a encore jeté de l’huile sur le feu puisque autant les partis politiques que la société civile ont eu un haut‐le‐cœur devant certaines nominations, dont celle de Berrada, un industriel du chocolat et qui siège au conseil d’administration d’Afriquia Gaz, désigné au poste sensible de ministre de l’Éducation.
En 2023, la dette extérieure totale du Maroc s’est élevée à 69,27 milliards de dollars, selon le rapport de la Banque mondiale sur la dette internationale. Ce montant représente 50% du revenu national brut (RNB) du pays et équivaut à 110% de ses exportations annuelles.
CHÔMAGE ENDÉMIQUE, CROISSANCE MOLLE
En 2023, selon les données de Bank Al‐Maghrib, la dette publique du Maroc a représenté 71,60 % du produit intérieur brut (PIB) du pays. Ce ratio est nettement supérieur à la moyenne de 59,81 % observée entre 1965 et 2022. Il s’approche du pic de 117,71 % atteint en 1985.
La tendance haussière de la dette publique devrait se poursuivre dans les prochaines années.
Le Haut‐Commissariat au Plan (HCP) prévoit que la dette marocaine augmentera de 26,8 milliards de dollars américains (+27,25 %) entre 2023 et 2028, pour atteindre 125,1 milliards de dollars américains, un niveau inédit. Et la situation n’est guère meilleure sur le front social, loin s’en faut : Selon les résultats du Recensement général de la population et de l’habitat (RGPH 2024) rendus publics par le Haut‐commissariat marocain au plan (HCP), le taux de chômage au Maroc est passé de 16,2% en 2014 à 21,3% en 2024, un record historique jamais enregistré ces dix dernières années.
Avec une croissance molle de 3,4 % en 2023, le PIB réel s’est modéré à 2,4 % en glissement annuel au premier semestre 2024, principalement en raison d’une contraction de 4,8 % dans le secteur agricole, la production céréalière ayant chuté de 43 % en raison de la sécheresse.
Enfin, sur le front social, les syndicats ouvriers comme les organisations des droits humains ne décolèrent pas : le gouvernement et l’État ne font rien pour desserrer l’étau de la mal-vie, améliorer les conditions sociales basiques des Marocains, alors que la répression policière ne fait que s’amplifier contre toute contestation populaire comme celle dénonçant l’alliance contre nature avec l’entité sioniste au moment où des milliers de Ghazaouis sont massacrés.
Ce Maroc‐là, à coup sûr, a vendu son âme aux plus riches et aux plus forts de ce monde, bradant la dignité de son peuple comme il veut également continuer à oppresser un autre peuple, celui du Sahara occidental, et le spolier de ses richesses pour les revendre à vil prix à l’Union européenne contre une reconnaissance du bout des lèvres de l’annexion de ce territoire non autonome selon les termes de l’ONU.