Dans cet entretien, l’expert en TIC, M. Younès Grar, donne son avis sur la dynamique qui caractérise le système de digitalisation dans plusieurs secteurs d’activité. Il suggère également des solutions pour le développement du paiement électronique en Algérie.
L’Express : Plusieurs secteurs d’activité, comme les finances, l’enseignement supérieur, les télécommunications, connaissent ces derniers temps une dynamique dans la généralisation des TIC. Quelles sont, à votre avis, les priorités dans ce domaine?
Younès Grar: On a vu ces dernières années un certain nombre de lois qui ont été promulguées pour encourager la digitalisation, par exemple la loi concernant la protection des données. Ce qui est une bonne chose parce que, lorsqu’on lance des services électroniques, il y a beaucoup de données personnelles qui transitent à travers les plateformes. Donc, il faut veiller à protéger ces données, sinon ça sera un obstacle au développement de cette stratégie de transformation digitale. Aussi, on a besoin d’entreprises qui développent ce genre de plateformes qui offrent des solutions électroniques et intelligentes, et là donc, les startups ont un rôle à jouer. On a vu qu’il y a un certain nombre de lois qui encouragent les start-up à mieux se développer. Il y a une mesure d’exonération pour ces dernières, il y a aussi un fonds pour financer les startups dans leurs projets, donc cela a encouragé le développement de ces dernières qui se spécialisent dans les TIC.
Le nouveau système de paiement électronique basé sur l’utilisation du téléphone mobile, DZ Mob Pay, est déjà lancé par certaines banques. Quelles stratégies faut-il appliquer pour encourager les consommateurs à utiliser les moyens de paiement électroniques ?
Pour le paiement électronique, il faut reconnaître qu’il n’y a pas eu le grand engouement qu’on attendait, il n’y a pas beaucoup de transactions qui se font électroniquement et peu de gens utilisent ce type de paiement, même les commerçants. Les chiffres de GIE monétique montrent cette réalité, sur les centaines de milliers d’entreprises et de commerçants, il y a presque 50 000 TPE sur tout le territoire.
Cela montre que les commerçants n’ont pas répondu à l’appel, et que les sanctions du ministère du Commerce à ce sujet n’ont pas marché. Je pense qu’il y a lieu que le ministère du Commerce réfléchisse à une autre méthode beaucoup plus intelligente pour ramener les commerçants au commerce électronique.
Premièrement, il faut que le ministère du Commerce se concentre sur des activités où il y a beaucoup de liquides. On doit aussi être à jour avec le développement technologique, de préférence réfléchir au paiement mobile, puisque les TPE coûtent très cher, parce que tout le monde a un téléphone,
Il y a eu les premiers essais dans le domaine électronique depuis une dizaine d’années, mais cet engouement de l’e-paiement a démarré depuis quelques années en Algérie. On ne peut pas parler du vrai e-commerce s’il n’y a pas de paiement électronique. Dans le passé, on pouvait faire des commandes, mais on payait à la livraison et ça posait quelques petits problèmes.
Aussi, il n’y avait pas de services logistiques pour assurer le transport des marchandises du commerçant vers le client. Même avec le lancement du paiement électronique, il n’y a pas eu cet engouement, donc les gens continuaient à payer leurs produits en utilisant les liquides parce que c’est une nouvelle culture avec quelques doutes sur l’utilisation du paiement électronique, les gens avaient peur du piratage de leurs cartes de paiement.
Mais avec le Covid 19, les gens ont été obligés d’utiliser le paiement électronique, l’utilisation de l’ (internet à triplé et, par la même occasion, les autres services aussi liés aux différents domaines ont commencé à découvrir le paiement à travers la carte CIB ou la carte Edahabia.
Les chiffres du GIE monétique, l’organisme qui recense les transactions du paiement électronique, révèlent que le nombre de transactions du paiement électronique a été multiplié par 4, même par 5 durant la période du Covid. Ce qu’on a remarqué aussi à travers les chiffres publiés par cet organisme chaque semestre, c’est que 80% des transactions du paiement électronique ont concerné les activités de télécommunication.Ensuite, il y a les sites e-commerce, mais également certains services administratifs comme l’enseignement supérieur et l’éducation.
Les sites e-commerce, c’est vrai qu’on recense une centaine, soit c’est des plateformes e-commerce qui servent comme intermédiaires entre les commerçants, les fournisseurs et les clients, ou bien c’est les producteurs eux-mêmes qui offrent la possibilité de commander leurs produits directement à travers le site sur internet ou à travers les applications mobiles et, bien sûr, de payer électroniquement. Ce qui a donné un coup d’accélérateur au commerce électronique pour se développer, c’est les plateformes de logistique pour transporter le produit commandé.
Sauf qu’il y a nécessité de corriger quelques anomalies pour que le e-commerce se développe un peu plus.
Est-ce que ce système contribuerait à trouver des solutions pour le marché informel?
Dans l’informel, on n’a pas de chiffres réels, puisque les transactions passent sur des réseaux informels. Même si le paiement électronique a eu lieu, c’est difficile des fois d’identifier les intervenants. Donc on retombe dans le même problème du marché informel, où il y a beaucoup d’argents qui circulent, mais l’État ne voit rien. Comment organiser ça ? Je pense qu’il faut faciliter les procédures, même les commerçants préfèrent vendre d’une manière non déclarée pour moins de frais.
Il faut donc trouver les causes qui poussent les gens à aller vers l’informel pour essayer de corriger ce phénomène et faire un suivi à travers des indicateurs et sensibiliser le consommateur sur le risque d’utiliser le marché informel. Et trouver des mesures incitatives, par exemple supprimer des taxes pour le paiement électronique et moins d’impôts, donc essayer de réfléchir sur ces mesures pour attirer les commerçants.
Quelles sont, à votre avis, les mesures à prendre pour généraliser l’usage du e-paiement ?
Au début, ceux qui voulaient vendre à travers Internet étaient obligés de développer des sites web, et d’introduire cette spécificité de visualiser les produits et d’ajouter le service de paiement électronique. Maintenant, ces dernières années, on a vu qu’il y a beaucoup d’activités sur les réseaux sociaux. Les gens consultent beaucoup plus les réseaux sociaux pour avoir des informations dans les différents domaines. Et par la suite, à travers ces réseaux sociaux, ils peuvent consulter les agences de presse, les journaux, etc. Même chose pour tout ce qui est commerce électronique, par exemple, si les entreprises veulent faire connaître leurs produits, elles utilisent les réseaux sociaux comme Facebook, parce que le contenu est plus attractif et l’audience est beaucoup plus importante. Donc, les commerçants sont beaucoup plus intéressés par les réseaux sociaux, car les plateformes sont beaucoup plus faciles et productives que le site internet, mais, en général, on regarde les deux, les sites internet et les pages Facebook, pour faire de la publicité à leurs produits, et entrer directement en contact avec le client. Voilà pourquoi les gens préfèrent les réseaux sociaux.
C’est vrai, si on n’organise pas l’activité, les gens vont vers l’informel. En réalité, le commerce électronique à travers le paiement électronique devrait être une solution pour résoudre le problème de l’informel.
Mais si on complique l’organisation de ce commerce électronique, les gens qui sont dans l’informel vont utiliser les réseaux sociaux pour vendre d’une manière informelle, ce qui pose un sérieux problème premièrement pour les consommateurs, parce qu’il y aura des arnaqueurs sur les publicités qu’on reçoit dans les réseaux sociaux sur certains produits.
Il faut donc des procédures simples pour organiser cette activité du e-commerce et, bien sûr, dénoncer toute page Facebook ou Instagram et autres qui sont derrière des arnaqueurs, sans oublier les moyens de sensibilisation qui doivent être menés par des associations de consommateurs, le ministère du Commerce pour protéger les consommateurs.