C’est une invitation au voyage, une escale en plein cœur de l’imaginaire de Samia Cheloufi. L’artiste-peintre autodidacte, connue pour son univers éclaté de couleurs et de formes, s’apprête à dévoiler Koum Tara, sa nouvelle exposition, à la galerie Guessoum, à Hydra. Le vernissage, prévu le 1ᵉʳ février à 15 h, promet un moment de partage et de convivialité, fidèle à l’esprit de l’artiste.
Née en 1969 à Alger, Samia Cheloufi n’a pas emprunté la voie classique des Beaux-Arts. Après un baccalauréat scientifique, elle se dirige d’abord vers des études de médecine à l’hôpital militaire, avant de bifurquer vers le commerce international en France. Mais c’est dans les ruelles de Montmartre qu’elle trouve son véritable fil conducteur. Loin de son pays natal, elle renoue avec la peinture, cette passion transmise dès l’enfance par une artiste française, Danielle Prompt.
Sa palette est alors celle de la nostalgie, des scènes de vie algérienne, des fêtes rythmées par la nouba, des médinas réinventées, où la rigueur architecturale cède la place à une explosion de couleurs. Koum Tara s’inscrit dans cette démarche, une invitation à voir l’Algérie à travers un prisme personnel, presque onirique.
L’univers de Cheloufi se décline en quatre tendances majeures : les figures féminines aux bouches en cœur, la faune et la flore, les médinas en mutation et ce qu’elle préfère appeler « natures vivantes » plutôt que natures mortes. « Je ne conçois pas l’immobilité, mes toiles doivent vibrer, interagir avec ceux qui les regardent », confie l’artiste.
Dans son travail, les visages sont dépourvus d’yeux, un parti-pris inspiré d’Antoine de Saint-Exupéry : « L’essentiel est invisible pour les yeux ». Une approche qui s’inscrit dans une volonté de transcender l’apparence, de laisser parler la matière et les couleurs plutôt que le trait.
Ses toiles sont aussi empreintes de références familiales, ces longues chevelures noires qui évoquent les femmes de la tribu de son père, ce mélange de teintes antagonistes qui cherche à créer l’harmonie là où, souvent, le monde impose la séparation.
De Montmartre à l’IMA, un engagement en filigrane
Si son parcours artistique s’est forgé dans l’intimité du voyage, Cheloufi n’a jamais cessé d’exposer son travail au grand jour. En 2019, elle participe à l’expositionUn musée en Palestine à l’UNESCO, où elle fait don de son œuvre Nouba aux oiseaux, aujourd’hui conservée à l’Institut du Monde arabe (IMA). En 2025, une autre de ses toiles, Yanna, inspirée des jardins mauresques, rejoindra les collections de l’IMA.
Plus récemment, elle a multiplié les expositions, en Algérie comme à l’étranger : Confluence et Dixart à Alger, Journées d’Art à Carthage, Visions Contemporaines à la Galerie Guessoum. Autant d’occasions pour l’artiste de confronter ses œuvres aux regards, dans une démarche toujours ancrée dans l’échange et la transmission.
Mais Samia Cheloufi ne se limite pas à la peinture. Aujourd’hui, elle consacre une partie de son temps à l’écriture d’un ouvrage sur l’autisme, intitulé Forteresse sans fenêtres. Un projet personnel, né de son propre parcours de mère face au silence institutionnel et au manque de réponses. Dans cette démarche, elle organise également des ateliers d’art-thérapie, créant des passerelles entre des mondes souvent cloisonnés.
Avec Koum Tara, Cheloufi poursuit son exploration d’un art qui dépasse la simple représentation. Un art en mouvement, traversé par l’exil, la mémoire et la quête d’un espace commun, où les couleurs, plus que les mots, tissent le lien entre les êtres.