Avec plus de 3,5 millions de visiteurs étrangers en 2024, l’Algérie accélère sa mue touristique. Mais le pays doit encore relever de nombreux défis pour s’imposer comme une destination phare du bassin méditerranéen.
Le tourisme algérien amorce un tournant décisif. Selon Nabil Mellouk, directeur central chargé de la qualité et de la régulation au ministère du Tourisme et de l’Artisanat, l’Algérie a enregistré une hausse de 10 % des arrivées étrangères en 2024, avec plus de 3,5 millions de visiteurs.
Une progression qui s’accompagne d’un regain d’intérêt des nationaux pour leur propre pays : 500 000 touristes algériens supplémentaires ont été recensés la même année, confirmant l’attrait croissant pour les sites naturels et historiques.
Cette dynamique s’inscrit dans le cadre du Schéma directeur d’aménagement touristique (SDAT 2030), qui ambitionne d’atteindre 12 millions de visiteurs étrangers d’ici 2030 et 14 millions d’ici 2035. Une stratégie qui repose sur plusieurs axes, valorisation des paysages naturels, promotion de l’héritage historique, amélioration de l’offre hôtelière et simplification des procédures administratives.
L’une des avancées majeures reste l’instauration en 2022 du visa à l’arrivée à l’aéroport, une mesure qui a significativement facilité l’accès au pays. Depuis son entrée en vigueur, le ministère du Tourisme reçoit quotidiennement des demandes d’agences de voyages agréées souhaitant obtenir ces visas pour leurs clients, signe d’un intérêt croissant pour la destination Algérie.
Parmi les pôles d’attractivité, le tourisme saharien occupe une place de choix. Avec des événements comme le « Festival du tourisme saharien », qui attire chaque année de plus en plus de visiteurs, l’Algérie mise sur ses paysages arides et son patrimoine culturel unique pour séduire un public en quête d’authenticité. Des sites comme Djanet, Timimoun et Tamanrasset sont devenus des références pour les amateurs de désert, offrant un cadre propice à l’écotourisme et aux voyages immersifs.
L’essor du tourisme pourrait constituer un moteur clé de diversification économique pour l’Algérie, encore trop dépendante des hydrocarbures. En 2023, le secteur touristique a contribué à environ 3 % du PIB, un chiffre encore loin des standards régionaux. À titre de comparaison, le tourisme représente 14 % du PIB marocain et 8 % de celui de la Tunisie.
« Il est temps de se conformer aux standards internationaux », martèle Nabil Mellouk, qui souligne le besoin urgent de modernisation des écoles et instituts hôteliers ouverts dans les années 1970. Professionnaliser l’accueil et garantir un service de qualité, deux éléments jugés essentiels pour fidéliser les visiteurs étrangers.
Par ailleurs, l’Algérie entend diversifier son offre d’hébergement en intégrant officiellement « les maisons d’hôtes » dans le cadre réglementaire du secteur.
Ces établissements, prisés par les touristes en quête d’immersion culturelle, viendront compléter l’offre hôtelière encore insuffisante dans certaines régions. Cette mesure, qui attend encore la promulgation des textes réglementaires, pourrait favoriser l’implication des habitants locaux et dynamiser l’économie des zones rurales. Le gouvernement affirme vouloir faciliter l’attribution de terrains pour les projets touristiques, mais de nombreux opérateurs dénoncent encore des lenteurs administratives et une bureaucratie contraignante
Si l’Algérie veut atteindre ses objectifs ambitieux, elle devra impérativement lever ces obstacles pour attirer les capitaux étrangers et privés. Si l’Algérie affiche un potentiel touristique indéniable, elle doit encore combler plusieurs lacunes pour se hisser au rang des destinations méditerranéennes les plus attractives. D’abord, la question des infrastructures de transport reste un frein majeur.
Malgré plusieurs aéroports internationaux et un réseau routier en amélioration, le pays souffre encore d’un manque de liaisons aériennes directes avec de nombreuses capitales européennes et africaines. L’ouverture du ciel aux compagnies étrangères, couplée à une modernisation des dessertes internes, pourrait constituer un levier clé pour « fluidifier » l’accès aux sites touristiques majeurs. Ensuite, la promotion de la destination Algérie demeure insuffisante.
Contrairement au Maroc et à la Tunisie, qui investissent massivement dans des campagnes internationales, l’Algérie peine à se faire une place sur le marché global du tourisme. Les efforts de communication sont encore timides et les grandes plateformes de réservation en ligne intègrent peu d’offres algériennes.
Une présence « accrue » dans les salons professionnels internationaux et une digitalisation de l’offre touristique seraient des leviers essentiels pour améliorer cette visibilité.
Enfin, la question de la formation du personnel et de la qualité des services reste un défi de taille. De nombreux voyageurs pointent encore des manquements en matière d’accueil et de professionnalisme dans certains établissements. Si l’Algérie veut rivaliser avec ses voisins, elle devra élever ses standards et adapter son offre aux attentes d’une clientèle internationale exigeante.
L’Algérie dispose de tous les atouts pour devenir une destination de premier plan en Méditerranée, d’un patrimoine historique d’une richesse inestimable, de paysages variés allant du littoral aux montagnes en passant par le désert, et d’une hospitalité reconnue. L’augmentation du nombre de touristes en 2024 et les ambitions du SDAT 2030 montrent que le pays est engagé sur une trajectoire ascendante.
Mais pour transformer cet essai, l’Algérie devra « accélérer » la modernisation de ses infrastructures, lever les freins bureaucratiques et investir massivement dans la formation. Une approche volontariste et bien structurée pourrait faire du tourisme un véritable levier économique qui génère des milliers d’emplois et contribue à la diversification des revenus nationaux.
L’Algérie amorce un virage stratégique. Reste à savoir si elle saura maintenir cette dynamique et relever les défis qui l’attendent pour s’imposer sur la carte du tourisme mondial.