Brahim Tazaghart, coordinateur de la journée d’étude sur les relations algéro-françaises, organisée le 15 février 2025 à la bibliothèque de la lecture publique Tahar-Amirouchene de Béjaïa, est longuement revenu, dans son discours inaugural, sur les tensions qui caractérisent actuellement les relations entre l’Algérie et la France.
« Ces tensions qui perdurent et que nous estimons appelées à se renouveler ne peuvent nous laisser indifférents, sans voix, sous prétexte qu’elles ne concernent que les gouvernements respectifs », a-t-il déclaré.
« Cette crise engage non seulement l’Algérie en tant que peuple et nation, mais aussi toute l’Afrique du Nord, le Sahel et le continent ; en ce sens que les peuples africains doivent se déterminer face au néocolonialisme de plus en plus agressif. » a-t-il expliqué.
Pour Brahim Tazaghart, la dynamique enclenchée en Afrique pour secouer le joug néocolonial et reprendre le pouvoir de décision est à l’origine de l’affolement des parrains du néocolonialisme qui redoublent ces jours-ci de férocité en alimentant les divisions dans les pays et entre les peuples du même continent.
« Cette crise était, à plus d’un titre, prévisible. En plus des bouleversements géopolitiques qui secouent le monde et de la maturation des indépendances africaines, il y a la faiblesse et l’échec de la classe dirigeante française, incapable de gérer les évolutions historiques qui la prennent au dépourvu », note Tazaghart.
Mettant en lumière la régression politique qui a marqué les responsables français ces dernières années, Tazaghart indique que « depuis le décès de Jacques Chirac et la marginalisation de Dominique de Villepin et de Ségolène Royal, la France souffre cruellement de l’absence d’hommes d’État.
Les dirigeants actuels manquent à la fois de boussole politique et de vision à long terme, comme en témoignent parfaitement Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron. » Il évoque dans ce cadre l’intervention de Sarkozy en Libye , qui n’a engendré que l’instabilité, le terrorisme et le sang dont de nombreux pays paient encore les conséquences.
« En s’attaquant à la Libye et en détruisant ses institutions déjà fragiles, Nicolas Sarkozy a rompu les équilibres dans la région, instaurant le chaos en Afrique du Nord, au Sahel, et sur l’ensemble du continent. Les terroristes, les trafiquants d’armes, d’êtres humains et de drogue ont su tirer profit de cette situation.
Dans son aveuglement politique, Sarkozy a même ébranlé les accords tacites entre les anciennes puissances coloniales. Son ingérence en Libye, destinée à dissimuler ses propres déboires de corruption, a porté atteinte aux intérêts de l’Italie, qui considérait ce pays comme sa zone d’influence », explique-t-il.
Abordant le changement d’attitude de Macron sur la question sahraouie, Tazaghart a commenté : « Face à la montée du mouvement africaniste, Emmanuel Macron s’est empressé, en juillet 2024, de reconnaître la marocanité du Sahara occidental. Son objectif était de voir le makhzen jouer un rôle d’avocat en Afrique, tout en préparant son retour sur la scène continentale.
Le projet d’autonomie qu’il avait soutenu était en réalité d’origine française, tout comme l’ordre donné à l’armée marocaine d’attaquer Tindouf en 1963. On constate que, pour retrouver sa position de puissance dominante, la France a ignoré le droit international, refusant de permettre au peuple sahraoui de choisir librement son destin à travers un référendum. »
Concernant l’affaire Boualem Sansal, Brahim Tazaghart estime qu’elle s’inscrit dans une stratégie élaborée en France pour déstabiliser l’Algérie. « Dans le cadre de manœuvres franco-marocaines contre notre pays, Boualem Sansal, ancien cadre supérieur au ministère de l’Industrie devenu une voix au service de l’extrême droite française, a été envoyé en Algérie pour incarner le provocateur et mettre notre nation sous pression.
Suivant les instructions du gouvernement français, le Parlement européen, qui avait observé un silence complice face aux génocides à Gaza et à l’arrestation arbitraire des leaders du Front de Libération National du Kanak, a adopté une posture offensante à l’encontre de l’Algérie.
En faisant de Sansal son instrument, la France s’investit dans une campagne de dénigrement visant l’intégrité territoriale algérienne, s’appuyant sur le poids de ses médias et sur l’alliance entre le macronisme et l’extrême droite », explique-t-il.