Les audiences du procès des personnes « impliquées » dans le réseau international de trafic de drogue au Maroc, connu sous le nom de « Escobar du Sahara », ont mis en lumière l’implication de Rabat dans la contrebande de plus de 200 tonnes de drogue vers l’Algérie sur près de deux décennies.
Dirigé par El Hadj Ahmed Ben Ibrahim, alias « Al-Mali », le scandale de ce réseau de trafic, a éclaté fin 2023. Ce baron de la drogue, qui entretient des liens étroits avec des hauts responsables du Makhzen, a bénéficié de la complicité de personnalités politiques, sécuritaires et économiques, ainsi que de figures du monde du sport.
Lors de la dernière audience devant la Cour d’appel de Casablanca, relayée par des médias locaux, les enquêtes ont révélé la complicité de l’armée marocaine à la frontière, avec des militaires acceptant des pots-de-vin pour faciliter l’acheminement de plus de 200 tonnes de cannabis vers l’Algérie. Ce trafic était organisé au profit de l’ex-parlementaire et homme d’affaires marocain Abdelnabi Bioui sur une période de près de vingt ans.
Les enregistrements téléphoniques des accusés montrent des manipulations des caméras de surveillance, permettant à ces opérations illégales de se « dérouler » sans être détectées. L’affaire inclut également des enquêtes sur la fabrication de faux témoignages pour « influencer » la justice.
La défense de l’ex-président du Wydad de Casablanca, Said Naciri, a demandé l’audition de plusieurs témoins, dont l’actuel président du club ainsi que la chanteuse marocaine Latifa Raafat, ancienne épouse d’Ahmed Ben Ibrahim.
Au cours du procès, un accusé a été confronté par le juge à des preuves et témoignages officiels impliquant le trafic de drogue entre le Maroc et l’Algérie. Parmi ces éléments figurent des déclarations d’El Hadj Ben Ibrahim citant son beau-frère Abdelnabi Bioui, surnommé « Malti ».
Selon les écoutes téléphoniques des accusés, des arrangements avaient été pris pour faciliter la contrebande de drogue. L’affaire, qui a éclaté fin 2023, ne représente qu’un fragment d’un réseau tentaculaire lié au Makhzen, qui ferme les yeux sur ces crimes.
Des dizaines d’accusés, dont l’ex-président du Wydad, Said Naciri, et l’ancien parlementaire Abdelnabi Bioui, ont été incarcérés le 22 décembre 2023.
Des rapports médiatiques concordants affirment que « Escobar du Sahara » est une création du Makhzen, qui a transformé ce trafiquant, autrefois berger, en baron de la drogue et acteur clé du trafic de cocaïne. Il aurait bénéficié de la protection du Makhzen, y compris contre des mandats d’arrêt internationaux d’Interpol.
Des observateurs de cette affaire, qui met en évidence le rôle du Makhzen dans l’inondation du monde avec des tonnes de drogue, estiment que ces procès ne sont qu’une façade. La justice marocaine n’a ouvert ce dossier que sous la pression, après que la presse internationale a révélé les dessous de ce scandale transcontinental, notamment en raison de mandats d’arrêt internationaux.
Dans le même contexte, le journal espagnol El Independiente a publié des fuites accablantes provenant d’un responsable du ministère de l’Intérieur marocain, révélant l’implication de figures influentes du Makhzen et des services de renseignement marocains dans le trafic de drogue, y compris dans les territoires occupés du Sahara occidental.
D’après ce responsable anonyme, « les renseignements militaires supervisent le dossier du trafic de drogue, les profits générés servant de fonds occultes pour financer les politiques du Maroc au Sahara occidental ainsi que ses conflits et manœuvres diplomatiques à l’international ».
Dans une déclaration antérieure à l’agence de presse algérienne APS, le journaliste marocain Ali Lahrouchi, basé à Amsterdam, a affirmé que ces procès ne sont qu’un écran de fumée destiné à protéger les véritables responsables du trafic de drogue au Maroc. Il a souligné que ce scandale n’est qu’un épisode d’une série bien orchestrée impliquant des réseaux de drogue, dont les noms les plus influents sont « soigneusement » dissimulés, y compris le conseiller royal Fouad Ali El Himma.