Coup de théâtre au journal de 20 heures ! France Télévisions, jamais en reste lorsqu’il s’agit d’agrémenter l’ordinaire d’une pincée de spectaculaire, a dévoilé sa dernière trouvaille, une tempête médiatique dans un verre d’eau tiède. En guise d’alerte info, un scénario digne d’un film d’espionnage… du siècle dernier : un Franco-Algérien en poste à Bercy mis en examen pour des motifs aux accents de thriller politique « intelligence avec une puissance étrangère », « atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation », etc. Rien que ça !
Mais attention, l’affaire est d’importance. Tel un grand prestidigitateur, le service public français sort de son chapeau un non-événement transformé en affaire d’État, avec tout l’attirail sémantique nécessaire, des termes gonflés à l’hélium et des musiques anxiogènes en fond sonore, histoire de faire vibrer la corde dramatique. Ô miracle du prime time ! Voilà donc l’Algérie, ce pays que l’on dit austère, en train de jouer les James Bond de pacotille dans les couloirs feutrés de Bercy… pour récupérer des informations disponibles en quelques clics sur Internet.
Car, soyons sérieux, de quels secrets parle-t-on exactement ? L’Algérie aurait-elle vraiment besoin de mobiliser des ressources d’État pour obtenir des documents que même un stagiaire pourrait télécharger entre deux cafés ? Faut-il imaginer des agents d’élite échangeant sous le manteau des tableaux Excel périmés, en chuchotant dans un parking sombre, alors que l’espionnage, le vrai, se joue aujourd’hui sur les terrains de l’intelligence artificielle, de la recherche militaire et des guerres économiques ? Loin du spectre romantique du renseignement, nous voilà donc réduits à une simple distraction médiatique pour détourner l’attention du scandale international Pegasus impliquant, lui, un autre pays maghrébin.
Et comme un mauvais feuilleton ne va jamais sans un casting improbable, voici qu’apparaît un second rôle aussi grotesque qu’improbable. Dans un élan d’exaltation journalistique, France Télévisions nous dégaine une toute nouvelle figure, un « opposant en exil ». Un homme dont la seule contribution notable à la pensée critique tient en un alignement chaotique de mots approximatifs. Mais qu’importe. Dans cet étrange théâtre médiatique, les CV s’écrivent au gré des nécessités politiques, et il suffit d’un peu de maquillage sémantique pour transformer un illustre inconnu en parangon du combat démocratique. France Télévisions peut bien se débattre dans ce registre du sensationnel, l’Algérie, elle, n’a ni le temps ni l’envie de prêter attention à ces gesticulations. Troisième puissance africaine, nation fière de son indépendance chèrement acquise, elle n’a pas besoin de se cacher derrière des fables pour exister. Qu’on le sache une bonne fois pour toutes, si elle refuse le tumulte des intrigues médiatiques, c’est moins par désintérêt que par grandeur. Certains pays se nourrissent de polémiques, l’Algérie préfère la dignité. L’Histoire, elle, n’a que faire des scénarios écrits à la hâte.