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Au rythme envoûtant du Chaâbi: « Casbah mon amour » fait escale à Béjaïa

L’odyssée de Casbah mon amour ne s’arrête pas à Paris. Pour la première fois, le spectacle traverse la Méditerranée et fait escale en Algérie, au Théâtre Régional de Béjaïa Abdelmalek Bouguermouh (TRB), les 23 et 24 mars. Un événement exceptionnel rendu possible par l’engagement sans faille de Salim Merabet, figure incontournable de la scène musicale algérienne.

Il flotte dans l’air une mélodie intemporelle, un souffle chargé d’histoire, un parfum de jasmin et de cuir tanné. Sous le chapiteau rouge du Cabaret Sauvage à Paris, un voyage sans escale s’opère, direction Alger, son quartier mythique de la Casbah, berceau du chaâbi, cette musique du peuple, vibrante et poétique, née du souffle arabo-andalou et ancrée dans la mémoire collective algérienne.

Méziane Azaïche, figure incontournable des scènes alternatives parisiennes et créateur du Cabaret Sauvage, orchestre cette traversée sensorielle avec « Casbah mon amour », un spectacle musical qui mêle musique, théâtre et archives visuelles pour raconter la légende de la Casbah et de ses poètes du chaâbi. Après Barbès Café en 2012 et Cabaret Tam Tam en 2015, l’homme poursuit son inlassable quête de mémoire musicale et culturelle.

Dans la pénombre, une mandole vibre sous les doigts de Mohamed Abdennour, alias Ptit Moh, maître incontesté du chaâbi. Les premières notes s’élèvent, bientôt rejointes par un orchestre (oud, guitare, percussions, violon) donnant au lieu des allures de médina festive. Sur scène, Athman Bendaoud, comédien et conteur, incarne l’âme de la Casbah, maniant les mots avec une tendresse nostalgique : « Casbah-chaâbi, ça rime. Et chaâbi-Casbah, c’est kif-kif ».

Le chaâbi, dans Casbah mon amour, n’est pas une simple bande-son ; il est une chronique vivante d’Alger, un témoin des joies et des blessures d’un peuple. Les compositions réarrangées par Ptit Moh, épousant parfois des accents flamenco, rendent hommage aux figures légendaires du genre, El Hadj M’Hamed El Anka, « Le Cardinal » qui fit du chaâbi une musique populaire et savante, Dahmane El Harrachi et son intemporel « Ya Rayah », mais aussi Rachid Taha, rockeur inclassable, dont le spectre plane sur cette œuvre. « Au début, ce projet autour du chaâbi devait se réaliser avec Rachid. Je lui avais juré que je le ferais. Avec ou sans lui ». Promesse tenue, un dernier hommage lui est rendu sur écran avant la fermeture du rideau.

Mais Casbah mon amour ne se contente pas d’une immersion musicale. Le spectacle inscrit son récit dans l’histoire plus vaste d’Alger, sur scène défilent des images d’archives et des extraits de films mythiques, Pépé le Moko (1937), Les Enfants de Novembre (1975), et bien sûr La Bataille d’Alger (1966) de Gillo Pontecorvo, fresque puissante de la résistance algérienne.

Dans cette Casbah sublimée, un héros se débat entre amour et interdits familiaux, jusqu’au dénouement heureux, un mariage célébré en grande pompe, dans la liesse des youyous et des volutes de henné. « Dans la Casbah, il y a des ondes très spéciales », assure Ptit Moh. Et ce soir-là, elles ont irradié Paris.

Béjaïa, terre de transmission et de partage

L’odyssée de Casbah mon amour ne s’arrête pas à Paris. Pour la première fois, le spectacle traverse la Méditerranée et fait escale en Algérie, au Théâtre Régional de Béjaïa Abdelmalek Bouguermouh (TRB), les 23 et 24 mars. Un événement exceptionnel rendu possible par l’engagement sans faille de Salim Merabet, figure incontournable de la scène musicale algérienne. Depuis 2005, cet homme de passion organise des soirées chaâbi durant tout le mois de Ramadhan, d’abord en plein air sur la placette de Sidi Soufi, et désormais sous les projecteurs du TRB.

Cette année, face aux intempéries, il a pris une décision radicale, acheter l’ensemble des places du théâtre et les offrir au public. « Ils sont talentueux mais marginalisés. Je voulais leur offrir une scène, un véritable espace d’expression », confie-t-il. Car au-delà du prestige des têtes d’affiche – Kamel Aziz, Sofiane Ketfi, Abdelkader Chaou, Kamel Ben Ahmed, El Hadi Boubkeur, Hafid Djouama, Ptit Moh – ce sont surtout sept jeunes artistes de Béjaïa, lauréats du concours national de chaâbi 2024, qui ont eu l’occasion de se produire devant un public acquis à leur cause.

Au TRB, chaque soir et ce, jusqu’au 25 mars, le chaâbi résonnera, mais pas seulement, sous l’impulsion de Salim Merabet, la programmation s’est élargit aux voix du patrimoine andalou et kabyle. Noria, figure du renouveau musical algérien, les Frères Djemai, héritiers du chaâbi traditionnel, et Hassan Terki, musicien entre enracinement et modernité, se sont succédés pour enrichir ces nuits ramadhanesques d’une diversité rare.

Le clou du spectacle restera néanmoins la venue de Casbah mon amour, un événement inédit en Algérie. Inscrit dans le programme officiel du Ramadhan au TRB, ce projet, après Béjaïa, s’envolera vers le Canada en mai, preuve que la mémoire musicale algérienne s’exporte bien au-delà de ses frontières.

Le chaâbi est une histoire en mouvement, une langue qui dit les espoirs et les exils, les amours contrariées et les nuits d’ivresse poétique. De Paris à Béjaïa, Casbah mon amour le célèbre avec ferveur, dans une communion qui dépasse le simple plaisir du spectacle.

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L'express quotidien du 27/03/2025

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