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Projet de loi relative à la promotion de l’investissement 2022 : Révolution ou mutation des règles générales ?

Sommes-nous en face d’une vraie mutation des règles générales régissant l’investissement en Algérie, ou sommes-nous seulement devant une simple reformulation des précédents dispositifs juridiques ?

L’étude du degré d’adaptabilité du climat des investissements en Algérie demeure conditionnée par la vérification du degré d’adaptabilité de l’écosystème juridique et la capacité de ce dernier d’impacter le cours des événements; dès lors que l’investissement puise sa source de l’excédent économique, dans un cadre social soumis à une organisation bien déterminée émanant des règles d’une philosophie politique définissant les pratiques de la société. 

L’investissement demeure, en ce sens, le socle sur lequel s’articulent les productivités ciblées, créatrices d’aspects compétitifs débouchant sur des politiques d’exportation. L’investissement constitue également une somme d’amenées de forces technologiques, dynamisant le marché de l’emploi par le pourvoi des postes y afférents, et une source intarissable compensatrice du déficit de l’économie locale et de la garantie des surplus dans les ratios de croissance du produit intérieur brut.

A la lumière de ce qui précède, une question, qui a tant taraudé l’esprit des uns et des autres, taraude le notre aussi : les IDE sont-ils profitables à l’économie ou ne font-ils que générer subordination et sous-développement ?

La nouvelle loi relative à l’investissement porte en son essence de nouveaux enjeux pour l’économie algérienne, sur lequel mise le pouvoir actuel pour dynamiser les investissements locaux et étrangers et libérer l’esprit d’initiative, à même d’atteindre une croissance durable.

Le Conseil des ministres du 19 mai 2022, au cours duquel a été approuvée l’avant-projet de loi relative à la promotion de l’investissement présenté par le ministre de l’Industrie, M.Ahmed Zeghdar, a, dans son communiqué , révélé que ce projet comporte une batteries de mesures mettant à exécution quelques-uns des engagements du Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, dont ceux liés à l’amélioration du climat d’affaires et des investissements, à la libération des initiatives et la diversification de l’économie nationale, dans une vision empreinte de globalité et de stabilité. 

La nouvelle loi relative à l’investissement, vise, entre autres, l’ajustement des déséquilibres relevés dans la loi n° 16-09 du 3 août 2016 relative à la promotion de l’investissement, notamment la dé-bureaucratisation, la mise en place des conditions objectives de transparence, d’équité entre les opérateurs économiques et d’incitation des investissements étrangers (I.D.E). 

Dans cette modeste contribution, nous nous attelons à donner une lecture sur le niveau de cohérence entre le discours politique et le contenu du nouveau dispositif légal relatif  présenté à l’examen des deux Chambres du parlement (adopté par l’Assemblée populaire nationale), en tentant de l’enrichir par des propositions et des recommandations appropriées, et répondre à cette problématique de taille, déjà soulevée, ci-dessus ; à savoir : Sommes-nous face à une vraie mutation régissant les règles générales d’investissement en Algérie, ou il s’agit seulement d’une simple reformulation de précédents dispositifs juridiques et réglementaires ?

  1. Premièrement : Contexte et antécédents  

Depuis l’indépendance, l’économie nationale s’est basée sur la rente énergétique, ne recourant nullement à des politiques économiques performantes assurant le décollage escompté. Les pouvoirs successifs, notamment celui du défunt Président Abdelaziz Bouteflika (1999-2019), ont préféré maintenir ce statuquo, qui a malheureusement abouti à des problématiques encore plus complexes, accentuées par une démographie galopante (45 millions d’habitants),  l’évaporation des réserves de changes (200 milliards de dollars en 2013 à 42 milliards de dollars en 2019), et la hausse du chômage, notamment dans le milieu des jeunes et des diplômés. 

Ce sont là, autant de facteurs ayant contribué au tarissement des ressources financières de l’Etat, qui devraient inciter les décideurs à agir d’une manière efficace et réfléchie, afin de saisir la courbe ascendante des prix des hydrocarbures et mettre en œuvre une stratégie économique aux repères bien définies et non un champ procédural conjoncturel. 

Le recours à l’investissement est reconnu comme une délivrance des crises passées, celles issues des mutations touchant les infrastructures économiques et les structures de la production. 

La situation indésirable atteinte par l’investissement est une conséquence de turbulences financières et législatives, car les lois régissant l’investissement sont conditionnés par les aléas du budget de l’Etat ; lorsque ce dernier est au vert, il est recouru à des restrictions draconiennes envers les investisseurs étrangers, mais lorsque la crise financière issue de la baisse des prix des hydrocarbures pointe son nez, le pouvoir ouvre grandes ses portes aux investisseurs. 

 Il est donc préférable afin de réaliser un écosystème favorable à l’essor de l’investissement, de réussir un équilibre entre les textes de lois régissant l’investissement, car il n’est admissible d’offrir une garantie constitutionnelle à travers une liberté d’investir contenue dans la réforme constitutionnelle, d’un coté, instaurer des mesures improvisées et coercitives dans le code de l’investissement, élaboré en application de la réforme constitutionnelle, qui le vide de son essence, d’un autre. 

Il faut relever que le moindre changement dans la politique gouvernementale peut contribuer à rabaisser le moral de l’investisseur car aucun de ces derniers, étranger de surcroit, ne vient dans un pays changeant régulièrement des lois et n’enregistrant aucune stabilité législative, d’où la nécessité d’assurer une vraie sécurité juridique.

  1. Deuxièmement : contenus et objectifs 

L’acte d’investir est basé sur l’utilisation du capital dans la réalisation d’un projet productif et/ou de service, selon une approche basée sur la liberté économique, la transparence et l’égalité de traitement, et cela se fait en offrant un climat d’affaires propice, caractérisé par des incitations fiscales, des garanties légales et offrant des avantages comparatifs réels.

Pour ce faire, diverses législations ont consacré des textes juridiques à l’accueil de tels investissements aux fins d’un développement national global. En outre, des accords bilatéraux et multilatéraux dans le domaine de la promotion et de la protection juridique mutuelle des investissements sont souscrits par l’Etat.

  1. Révision des cadres juridique et institutionnel, liés à l’investissement:

La loi relative à l’investissement vise à redonner confiance aux investisseurs, garantir la stabilité et la pérennité du cadre législatif sur au moins pendant dix (10) ans. Elle est articulée autour de quatre (04) axes :

* Les principes instaurés,

* Le cadre institutionnel régissant l’investissement,

*La facilitation des procédures,

*La mise en place de mesures incitatives pour de meilleurs avantages.

Ces axes comptent réviser le cadre institutionnel régissant l’investissement  à travers, notamment :

  1.   Instaurer les principes de liberté d’investissement et de transparence conformément à la Constitution,
  1. Révision du cadre institutionnel régissant l’investissement, 

1-2-1– Définir les missions du Conseil national de l’investissement, essentiellement sur la formulation de proposition d’une politique nationale dans le domaine de l’investissement, la coordonner et la mettre en œuvre.  

1-2-2- Convertir l’Agence nationale de développement de l’investissement (ANDI) en Agence algérienne de promotion de l’investissement (AAPI)


–              Création du guichet unique à vocation nationale, dédié aux  grands projets et investissements étrangers ; 

  •  Création de guichets uniques décentralisés dédiés à l’investissement local, renforcer ses prérogatives en qualifiant les représentants des organismes et administrations publiques.

 1-3- Faciliter les procédures, à travers :    

* La lutte contre la bureaucratie, digitaliser les procédures en rapport aux actes d’investissement,

* La délivrance  rapide de l’attestation d’inscription du projet d’investissement,

* Elargir la garantie de transfert des sommes dédiés à l’investissement et les recettes générées aux investisseurs non-résidents.

1-4- Création de systèmes d’incitation à l’investissement dans les secteurs prioritaires et au niveau des régions dont l’Etat accorde un intérêt particulier, dans le but de mieux orienter les avantages octroyés dans le cadre de l’investissement.

  1. Les nouvelles mesures d’encouragement des investissements étrangers: 

Le guichet unique des gros investissements en est l’une des plus importants, car il vise à faire de l’Algérie ‘’une destination mondiale de l’investissement’’, tout en étant un prospectif déterminant les domaines attractifs de l’investissement. 

Certains y voient dans la nouvelle loi relative à l’investissement, une prise en charge des lacunes caractérisant les précédentes réglementations, en sus de facilitations de l’acte d’investir, particulièrement en élargissant les prérogatives aux préposés aux guichets uniques relevant de l’ANDI situés au niveau des wilayas. 

La nouvelle a également inscrit comme priorité l’évaluation et la normalisation des avantages accordés aux projets d’investissement, ceux ayant une importance primordiale pour l’essor de l’économie nationale. 

Parmi les autres nouveautés, nous citerons la restructuration et l’encadrement des activités liées à l’investissement à l’échelle locale, dont :

1-Principe de la décentralisation dans l’entretien avec l’investisseur et suivi de proximité de son activité, ce qui constitue une optimisation des délais de réalisation et de pratique et une réduction des différents couts supportés par l’investisseur. 

2-Répartition des prérogatives dans les centres spécialisés dans le suivi et le contrôle de l’investissement local, ce qui renforce la rigueur dans l’exercice professionnel et le principe de responsabilité.

Ces principes n’auront d’impact positif sauf s’ils seront accompagnés de précision, de rigueur et de discipline. 

III. Troisièmement : les déséquilibres et les voies d’y faire face

La nouvelle loi relative sur l’investissement a supprimé quelques engagements obligatoires, d’où nos questionnements :  

1-Question de la souveraineté nationale, car le droit de préemption a été supprimé, touchant particulièrement les secteurs stratégiques (vitaux), et remplacé par ‘’autorisation’’,

2-absence de stabilité législative pour cause de saturation de textes réglementaires régissant l’investissement,

3-Maitrise de l’administration dans l’acte d’investissement et multiplication de renvois organisationnels,

4-Droit de l’investisseur national de recourir à l’arbitrage commercial international,

5-Régularisation des dossiers pendants et urgents liés aux investissements des hommes d’affaires durant l’ère de Bouteflika, la domiciliation bancaire et la réduction du nombre des intervenants dans l’acte d’investissement,

Les contraintes de l’investissement en Algérie sont : la bureaucratie et l’instabilité législative. Celles-ci sont aux antipodes de la sécurité juridique, Bien que l’algérien ait pris l’idée d’une (garantie), on est plutôt dans le ‘’gel législatif’’, et ce, depuis le décret législatif n° 93-12 relatif à la promotion de l’investissement, c’est-à-dire de la protection des investissements en cours contre de futures modifications législatives, et c’est ce qui était également indiqué dans le texte de cette loi.

L’absence de la sécurité juridique déstabilise la confiance de l’Etat et des ses lois, car la législation ne doit comporter des surprises et une saturation dans les textes et référents réglementaires. 

C’est ce qui  a incité à une révision de la Constitution en 2020 a en faire référence (la sécurité juridique), ce qui revient à pondre une série d’incitatifs qui n’auront d’incidence positive sur l’acte d’investir que si elle ne contredise pas les principes de la sécurité d’investir. 

La corruption, le népotisme,  le favoritisme sont des préalables à la bureaucratie et une entrave reconnue au décollage économique, car l’investisseur, de par la création de l’emploi et la génération des richesses, étant le seul à l’origine du décollage économique. Donc en abolissant les pratiques malsaines, à travers un rapport clair et réglementaire entre l’investisseur et l’administration, et en réussissant la réforme bancaire, on atteindre le décollage escompté. 

IV. Quatrièmement : recommandations et propositions

1-Faire attention quant au phénomène de l’instabilité législative, car il faut harmoniser l’ouverture économique et la stabilité législative, pour attirer l’investisseur,

2. En ce qui concerne les visas : les conventions internationales liées à l’investissement  d’une grande importance, étroitement liées à la loi, qui ont été exclues, et qui doivent être citées en raison de leur lien étroit avec le texte soumis.

3-Instituer le droit de préemption dans les projets vitaux et instituer l’autorisation dans les autres secteurs, 

4. Maintenir la règle 51-49 dans les secteurs stratégiques, en révisant son mode d’application, notamment, en supprimant la condition liée à l’investisseur nationale et la remplacer par entreprise publique économique, 

5-Classer le secteur bancaire et monétaire comme secteur stratégique,

6-Reformuler l’article 12 en accordant à l’investisseur national le droit de recourir à l’arbitrage avant de recourir à la Justice à l’instar de l’investisseur étranger,

7-S’agissant de la Commission nationale des recours en rapport avec l’investissement, ses missions et son fonctionnement, comme stipulé dans la l’article 11 de la nouvelle loi, nous proposons de procéder au renvoi (concernant le recours) à un décret présidentiel contrairement au renvoi à un décret exécutif ou de se contenter d’un simple renvoi devant le médiateur de la République, et ce, au vu des plaintes des investisseurs. Nous souhaitons, dans ce cadre, d’éviter la création d’une nouvelle entité, ne faisant qu’augmenter le nombre des intervenants dans l’acte d’investir, avec son lots de dépenses budgétaires et d’interférence dans les prérogatives.  

8-Urgence d’accompagner la nouvelle loi relative à l’investissement par des textes d’application, contrairement à ce qui est stipulé dans l’alinéa 2 de l’article 40 de cette loi, 

9-Elargir les consultations et les avis constructifs en ce qui concerne  la stratégie et la vision économique globale. Et ce, en associant les représentants de la société civile, au lieu de se limiter à des débats de façade, comme c’est le cas à l’APN, notamment, autour de questions stratégiques, comme l’acte d’investir et le foncier industriel ; 

10-Associer la diplomatie économique en sélectionnant les cadres compétents qui accompagnent et promeuvent l’investissement à l’étranger.

Par Khaled CHEBLI, Chercheur universitaire en droit constitutionnel et affaires parlementaires, Membre du Laboratoire de recherche en droit, urbanisme et environnement à la Faculté de droit, université Badji-Moktar, Annaba.

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