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L’écrivain et militant antisioniste Jacob Cohen a l’express : «L’Algérie est le dernier grand état Arabe qui maintient une politique conforme à ses intérêts !»

Jacob Cohen est un politologue et écrivain franco-marocain. Politiquement engagé contre le sionisme et pour une Palestine libre et unie, il livre épisodiquement des analyses et des entretiens de haute teneur politique, dans lesquels il dévoile la face cachée du sionisme.  Les « sayanim », il en fut un des tout premiers à en parler, avant que les médias ne découvrent la véritable nature de ces agents dormants travaillant en sous-sols pour le Mossad. 

    Né au Maroc en 1944. Il a fait des études de Droit et de Sciences politiques. Ancien maître-assistant à la Faculté de Droit de Casablanca, il est polyglotte et militant antisioniste, anciennement traducteur et enseignant à la faculté de droit de Casablanca.

J’aimerais sortir avec toi des sentiers battus, et poser cette question : au-delà des politiques internationales, préjudiciables pour certains pays, et qui se mettent en place les unes après les autres, peut-on dire que les élites dominantes supranationales dans le monde actuellement savent ce qu’elles cherchent, et savent où elles veulent mener le monde ? 

  De tout temps, les élites nationales ont cherché à raffermir leurs pouvoirs sur les peuples et à consolider leurs privilèges. Ce qui inclut de les mener, par la coercition ou la propagande, à accepter leurs politiques. On pense aux provocations militaires ou aux faux attentats pour faire accepter l’entrée en guerre ou des mesures d’urgence répressives.

Les élites mondialistes poursuivent les mêmes objectifs mais à une échelle transnationale. Et leurs intérêts vont dans le même sens. Ces élites ne se font plus la guerre. Depuis la disparition du bloc communiste, elles sont associées dans les mêmes desseins, même si des tensions peuvent surgir entre elles.

Leur domination et leur survie passent par le contrôle des peuples. Les libertés fondamentales, acquises de haute lutte, sont un frein à leur hégémonie. De même que tous ces droits sociaux et les services publics qui pèsent sur les budgets. On se méfie aussi des peuples et de leurs réactions imprévisibles. La tentation est grande de les mater. Et avec les technologies modernes, on peut y arriver facilement. Avec un « vaccin » dont la composition reste inconnue et qu’on devrait renouveler tous les six mois, et qui deviendra indispensable pour voyager, travailler, se loger, se divertir, envoyer ses enfants à l’école, ces élites pourront pratiquement tout surveiller, tout contrôler. Cela se fait déjà en Chine avec le « crédit social », une technique qui commence à s’installer dans le monde occidental.

C’est une lubie ancienne. Jacques Attali l’avait décrite noir sur blanc il y a une douzaine d’années. Le grand manitou du Forum économique mondial, Klaus Schwab, a écrit que le covid était une opportunité pour une refondation de l’économie et conduira à la « fusion de l’identité physique, numérique et biologique ».

Les prédictions des auteurs de science-fiction, Orwell et Huxley, semblent se réaliser. Mais l’humanité en a vu d’autres et a plus d’un tour dans son sac. 

A bien observer par exemple le mondialisme (qui n’a rien à voir avec la mondialisation, celle-ci étant un processus « normal » de généralisation des transports, des échanges, de la circulation des personnes et du libre marché), on constate qu’il y a un esprit du mondialisme conditionnant les phénomènes politiques, économiques et sociaux, et qui tend à préparer une gouvernance mondiale. Le mondialisme, qui se réclame de la laïcité, possède-t-il secrètement une idéologie, une religion ? 

Pour imposer son idéologie, le mondialisme a commencé par détruire les principaux repères qui auraient pu s’y opposer. D’abord le nationalisme. L’idée de nation est rendue désuète, rétrograde. Un dirigeant qui défend la culture et les valeurs de son pays est traité avec mépris de populiste. L’enracinement local est dévalorisé. Tout est fait pour rendre la vie impossible dans les campagnes. Désertification médicale, réduction des transports, absence des services publics. Dans les centres urbains, règne la nouvelle philosophie universaliste. Les particularismes locaux ou nationaux disparaissent au profit de modèles universels. Netflix pour la culture, Starbucks pour la restauration, Zara pour la mode, Facebook pour la communication. C’est une jeunesse interchangeable que l’on peut voir dans les grandes villes. Pasolini l’avait déjà décrit dans les années 70 avec la mode des cheveux longs.

L’idéologie mondialiste est en train de détruire l’autre repère qui définit l’homme, à savoir sa place dans la famille. Celle-ci n’est plus le lien entre un homme et une femme. Toutes les combinaisons sont désormais possibles. « Père » et « mère » sont remplacés dans le livret de famille par « parent 1 » et « parent 2 ». Les bébés on peut se les faire faire par une mère porteuse. Si on n’est pas content de son sexe, on peut demander à changer, même si on n’a pas 18 ans.

L’éducation a été systématiquement appauvrie. Tout ce qui peut structurer l’esprit critique, la capacité d’analyse, l’expression formelle, les références historiques, a été réduit ou dénaturé, sauf pour les enfants de l’élite. Ainsi les citoyens sont manipulés au gré du bon vouloir des décideurs. Comment expliquer autrement l’état de sidération, et de docilité, d’une très grande majorité du peuple français, un peuple au passé politique bouillonnant ?

Les esprits, du moins dans le monde occidental, sont prêts à recevoir ce mondialisme vu comme la plus grande conquête spirituelle de l’humanité.    

Le mondialisme a subordonné tout à la valeur, de sorte que les hommes, les femmes (surtout), les guerres, la paix, la littérature, les médias, tout est devenue valeur marchande quantifiable qu’on peut triturer, vendre et acheter…

Effectivement. L’argent est devenu le repère cardinal autour duquel tout tourne. Les peuples qui s’appauvrissent – les inégalités entre classes sociales n’ont jamais été aussi vertigineuses – ont de nouveaux dieux, riches et inaccessibles. Jamais l’humanité n’avait connu ce phénomène : De simples individus qui possèdent des fortunes supérieures au PIB de plusieurs pays. Les banques et autres multinationales ont acquis un pouvoir démesuré. Les dettes étatiques colossales leur laissent une marge de manœuvre ridicule.

Ce qui ne va pas sans de profondes distorsions au niveau du fonctionnement des États. Ces derniers ne sont plus libres de faire les politiques qui vont dans leur intérêt. Les élections ont perdu de leur sens. Les élus sont interchangeables et sans réel pouvoir. 

On l’a vu avec la crise du Covid. Les grands laboratoires – avec une force frappe financière extraordinaire – ont fait en sorte que les gouvernements occidentaux renoncent à des traitements connus et efficaces, et très peu chers, de manière à ne leur laisser que le recours aux vaccins, des vaccins dont seuls les labos ont la maîtrise, et pour lesquels ils ont obtenu l’impunité quant aux effets secondaires. Et pour mener cette politique, des médias aux ordres parce que rachetés par des businessmen, et des experts médicaux payés grassement par l’industrie pharmaceutique. 

Dans cet immense puzzle planétaire, il est souvent difficile de faire preuve de discernement, surtout quand les élites dominantes faussent le jeu. La subordination des médias aux politiques, et ceux-ci aux milieux d’affaires en a rajouté une couche… Les affaires Madoff, Weinstein et Epstein ont été symptomatiques de ces accointances politique-économie-médias. Comment en sortir ? 

On ne pourra pas s’en sortir normalement, c’est-à-dire par des moyens politiques. L’emprise des états profonds est telle que tout gouvernement qui tenterait de résister sera balayé, par la force ou par le chaos terroriste, ou par l’étranglement économique. Nous vivons ces exemples sous nos yeux.

Prenez la crise financière de 2008. Les principaux gouvernements savaient que son origine résidait dans le fonctionnement désordonné des banques. Mais on les a quand même renflouées avec l’argent public sans y introduire la moindre réglementation dans leur fonctionnement. Parce que le rapport de forces leur était favorable. 

Les grands réseaux sociaux sont tellement puissants financièrement qu’ils imposent aux États leur impunité juridique et fiscale.  

Et cela va aller en s’accentuant. La seule perspective de s’en sortir – et il serait regrettable d’en arriver là – est un conflit armé, ou plusieurs guerres, qui ramèneraient les nations à leur configuration historique, c’est-à-dire des entités indépendantes capables d’imposer leur souveraineté dans un cadre territorial défini. La concurrence entre États plus ou moins égaux et jaloux de leur souveraineté nous débarrasserait d’une oligarchie mondialiste hégémonique et parasitaire.

Revenons au processus de normalisation en cours. Avec l’avènement de l’État d’Israël, le sionisme a atteint son principal objectif : la constitution d’une entité politique souveraine. La tâche prioritaire des dirigeants a été ensuite de consolider l’État, de bâtir une armée, d’absorber les immigrants. L’action politique a pris le pas sur les débats idéologiques qui avaient tant occupé les leaders sionistes durant la première moitié du 20e siècle. Le sionisme fait-il actuellement l’unanimité en Israël ?

L’idéologie sioniste pure et dure a gagné en Israël. Celle d’une société ethniquement pure, forte, dominatrice, imbue de son bon droit, méprisante du droit internationale, insensible aux souffrances de ses victimes. Ben Gourion a gagné sur tous les tableaux. Il a façonné ce pays à son image, refusant tout compromis, méprisant toute faiblesse. Pourtant après la guerre de 1967, il avait eu une vision « gaullienne » qui aurait pu changer la face de la région. Il est vrai qu’il n’était plus au pouvoir. Il avait alors suggéré de rendre tous les territoires sauf Jérusalem contre une vraie paix. Mais l’idéologie sioniste faisait librement son chemin. Comme une créature qui échappe à son créateur. Il ne fut pas entendu, et fut même gentiment moqué. Oui, la victoire était trop belle et ouvrait des perspectives fantastiques.

    La conquête sioniste se déplaça vers la Cisjordanie, véritable berceau de l’Israël biblique. Les pionniers qui partaient à sa colonisation ressemblaient à ceux qui fondèrent les kibboutzim. Les libéraux de Tel Aviv les considéraient avec commisération sans vraiment les attaquer. Ils appartenaient au même peuple, étaient embarqués sur le même bateau. Ceux qui s’y sentent à l’étroit tentent l’aventure de l’étranger. Berlin compte une grande communauté d’Israéliens expatriés. C’est là où on voit finalement que l’écrasante majorité des Israéliens juifs se rangent, à la fin des fins, derrière une bannière ethnico-sioniste.

Ce sionisme est une forme de nationalisme à la sauce mystique. Les mécréants de la mégalopole n’hésitent pas à participer par dizaines de milliers à la saison de pèlerinage autour des grands saints de Safed. L’homosexualité, pourtant condamnée par la peine de mort dans l’Ancien Testament, n’est pas ouvertement critiquée par les milieux orthodoxes. La ville de Jérusalem a même sa « Gay Pride ». Netanyahou, que l’on ne présente plus, a fait son « coming out » mystique dans une récente interview sans soulever de sarcasmes. 

On peut considérer ce nouveau sionisme, qui a réalisé ses objectifs matériels, et même au-delà, car on voit mal ce qui pourrait le faire renoncer à Jérusalem, au Golan et aux colonies de Cisjordanie, glisser vers le messianisme, un messianisme moins religieux que mystique, et rêver à la reconstruction du 3e Temple. Une sorte de reconstitution du Royaume d’Israël.  

En mettant de nouveau Israël aux prises avec « la question arabe », le contact direct avec une société palestinienne « globale », le post-sionisme a soulevé des dilemmes éthiques croissants au sein d’une partie de la gauche sioniste, persuadée de la légitimité intrinsèque de l’État juif, mais percevant l’influence corruptrice qu’aurait fatalement la domination prolongée d’un peuple sur un autre. Pour les tenants de cette ligne – entre autres, les écrivains Amos Oz, Avraham B. Yehoshua, David Grossman – il était impérieux de mettre un terme à l’occupation militaire afin de préserver la valeur morale du sionisme. Pourquoi les choses se sont-elles arrêtées là ?

Le génie du sionisme, c’est d’avoir su entretenir cette illusion d’un camp de la paix, de grandes voix pacifiques qui appellent à la raison, au respect de l’Autre et du Droit. Les écrivains que vous citez sont très respectés en Israël, et lorsqu’ils se déplacent à l’étranger, ils sont très bien accueillis aussi bien par leur ambassade que par les médias judéo-sionistes (contrairement aux vrais opposants). Car ils donnent ce que les Israéliens aiment à rappeler « la belle et vraie image d’Israël ». Car figurez-vous que les Israéliens se voient ainsi et que s’ils commettent des actes indignes, c’est que les circonstances les y contraignent, et ils le font en état de légitime défense. Alors on sait gré à ces grands écrivains humanistes de dire au monde : « Oui, Israël a une conscience morale ». Et l’establishment militaro-sioniste leur sait gré surtout de n’avoir jamais appelé les jeunes soldats à refuser de servir dans les zones conquises et occupées. Leur opposition à l’occupation et à la colonisation ne va pas jusque-là. Ce sont des « sionistes » dans l’âme, et il ne faut pas compter sur eux pour faire bouger substantiellement la politique israélienne. 

Finalement, les multiples remises en question des juifs ont abouti a une remise en question de la judaïté même des Israéliens ; des interrogations ont été formulées par des hommes comme Arthur Koestler, Shlomo Sand ou Gilad Atzmon. Ces sujets soulèvent-ils toujours des polémiques au sein de la communauté juive ?

Les quelques dizaines de milliers de militants juifs qui sont partis de Pologne et de Russie en Palestine au début du 20e siècle étaient imprégnés d’idéologie communiste athée. Et ils comptaient renverser la pyramide du peuple juif, c’est-à-dire créer un juif nouveau qui soit un paysan, un prolétaire ou un soldat. Ils détestaient ces juifs de la diaspora englués dans le commerce et la dévotion. Ils étaient viscéralement antireligieux et suscitaient la méfiance des structures communautaires juives. Le premier Congrès sioniste de Bâle (1897) devait se tenir à Munich mais les rabbins et dirigeants juifs munichois s’y étaient opposés.

Pourtant, dès leur installation en Palestine, et même dans les kibboutzim, ces « phalanstères » communistes, ils se sont projetés dans une société ethniquement pure. Rien ne les horripile plus que de cohabiter avec des Arabes, sauf nécessité professionnelle. Leur judéité est inscrite sur les cartes d’identité. Mais s’ils ne sont pas pratiquants, ils la vivent de manière souterraine, sans pratiquement s’en rendre compte. Elle ne va ressortir qu’en cas de conflit, si des opposants connus la remettent en question, car c’est leur légitimité sur cette terre qui est ébranlée.

Les opposants qui rejettent leur judéité sont très peu nombreux. Leur action ne s’inscrit pas dans une démarche religieuse, mais comme un refus de cautionner, par leur appartenance à une majorité juive oppressante, une politique raciste légitimée par la récente loi sur la nation du peuple juif.

Mais au niveau de la société juive israélienne, ce débat ne s’impose pas avec acuité.

Au sein du sionisme religieux, la victoire militaire d’Israël a été interprétée comme un événement de nature miraculeuse qui permettait au peuple juif de prendre possession du cœur de la Terre promise. Développer la présence juive sur l’ensemble de Eretz Israël devenait dès lors un impératif religieux censé accélérer le salut et l’arrivée du messie. On n’est pas sorti réellement du messianisme juif, mon cher Jacob…

Ce rêve messianique global existait déjà au début de la colonisation sioniste. Il était le fait d’un parti nationaliste extrémiste mais ultra minoritaire et surtout peu réaliste vue la faiblesse numérique des colons. 

Cependant, jusqu’à la guerre de 1967, autant les nationalistes purs et durs que les sionistes messianiques représentaient une faible part de la population. Le parti (travailliste) de Ben Gourion dominait la vie politique et avait à sa gauche un parti important.  

La conquête de la Cisjordanie n’avait pas déclenché sur-le-champ une vague messianique, sauf pour les lieux saints de Jérusalem. Les soldats qui l’avaient conquise étaient laïcs dans leur écrasante majorité (les religieux ne faisant pas le service militaire) et souvent antireligieux. L’élite de l’armée venait des kibboutzim, haut lieu de l’athéisme.

L’élection de l’héritier du nationalisme Menahem Begin en 1977, grâce aux voix des juifs d’origine arabe punissant ainsi le racisme ashkénaze, va donner le coup d’envoi de la colonisation de la Cisjordanie et de l’essor du mouvement messianique. Ce courant, avec la multiplication exponentielle des orthodoxes, va devenir incontournable dans la société israélienne. Le nationalisme religieux (des radicaux militaristes et colonialistes) va créer ses relais politiques et s’infiltrer dans l’armée, notamment au niveau des officiers intermédiaires.

C’est dire si ce courant ne peut aller qu’en se renforçant, imprégnant même des couches peu radicalisées. Il suffit de voir le nombre impressionnant des têtes recouvertes d’une « kippa ».

Ben Gourion et ses contemporains se retourneraient dans leurs tombes.    

Revenons si vous le permettez à l’actualité immédiate. La normalisation de l’entité sioniste avec le Maroc semble être l’aboutissement d’un long processus de relations qui ne demandaient en fait qu’à être étalées au grand jour… 

Après l’indépendance en 1956, les autorités marocaines, en particulier le roi Mohamed V, avaient cherché à entraver le travail de sape mené par le Mossad et l’Agence juive pour faire partir les juifs en Israël. Ces organisations travaillaient dans une relative clandestinité, le parti dominant au pouvoir, l’Istiqlal, nationaliste et conservateur, souhaitait ardemment le départ des juifs.

Peu après l’intronisation de Hassan II, le Mossad avait organisé un naufrage de 43 juifs au large de Tanger. Les répercussions internationales furent telles que le roi avait ouvert les portes à l’émigration juive, sans disposer d’aucun document administratif.  

Depuis cette date, et vu le désir de Hassan II d’entretenir les meilleures relations avec l’Occident et en particulier avec l’Amérique, et considérant son hostilité viscérale à l’égard de Gamal Abdel Nasser, sans compter l’apport que pouvait lui apporter le Mossad autant pour la sécurité intérieure que pour se débarrasser d’adversaires gênants, le service secret israélien était persona grata au Maroc.

Le recrutement du banquier juif d’origine marocaine, un probable « sayan » (juif collaborant avec le Mossad) au début des années 80 comme conseiller spécial de Hassan II, allait tisser la toile de la coopération israélo-marocaine. Le roi avait reçu en grande pompe en 1986 Rabin et Peres, alors que l’intifada était lancée contre l’occupation sioniste. Il serait fastidieux de décrire tous les liens tissés par André Azoulay, le conseiller royal, mais on peut souligner le lancement en 2012 du Projet Aladin au Maroc, destiné à enseigner aux Marocains le drame de la Shoah et les rendre moins critiques à l’égard des exactions sionistes.

Tout était prêt donc pour accueillir la normalisation avec Israël, en se contentant d’une déclaration de Trump sur le Sahara Occidental. On a vu d’ailleurs avec quelle ardeur la partie marocaine s’est engagée dans ce processus. Le magazine francophone Tel Quel en bavait d’admiration. 

En tout cas, la normalisation avec Rabat semble s’inscrire aussi dans un plan plus ou moins clair d’Israël, dont les tentatives récentes de faire infléchir, de même, la Tunisie et le Niger, ainsi que le soutien indéfectible des monarchies du Golfe au Palais royal, etc. semblent autant d’indices qui renseignent sur une volonté évidente d’isoler l’Algérie dans un premier temps, puis de la faire infléchir dans un second temps afin qu’elle regagne au bout du compte cette sorte d’assemblée mondiale dont, de toute évidence, Israël sera le centre et la couronne…   

Il est plus que probable que l’acceptation par le Maroc de l’alliance avec Israël, bénie par l’Amérique, et qui s’étendra forcément au domaine du renseignement et de la sécurité en général, a une dimension régionale. Dans sa confrontation avec le voisin algérien, qui remonte pratiquement aux indépendances des 2 pays, le Maroc espère tirer profit du soutien israélien. 

L’Algérie est le dernier grand État arabe qui maintient contre vents et marées une politique conforme à ses intérêts et aux grands principes qui avaient fondé le nationalisme arabe. Les autres grands pays qui avaient tenté de s’affranchir de la tutelle américaine ou de poursuivre la confrontation avec Israël, ont subi le sort que l’on connaît.

Cela ne veut pas dire qu’on va lui ficher la paix et la laisser mener sa ligne à sa guise. La politique internationale de ces dernières décennies s’est distinguée par toutes les formes d’ingérence ou même de punition contre les États récalcitrants. On cherchera probablement à faire tomber les pays limitrophes dans l’escarcelle américano-sioniste. Les moyens de pressions sont considérables. Le basculement de la Mauritanie – qui avait déjà établi des relations diplomatiques avec Israël – serait problématique. Mais ceux qui voudraient affaiblir l’Algérie ont déjà tenté d’utiliser les tentations autonomistes et les particularités régionales. La présence israélienne dans les régions amazighes du Sud-Est marocain, déjà ancienne, pourrait s’élargir à des domaines relevant du militaire, ou à des infiltrations plus profondes dans des zones similaires algériennes.  

Le but étant, à défaut d’ébranler le régime, d’exercer diverses pressions ou de susciter des troubles, de manière à le rendre plus réceptif aux exigences de l’ordre mondial.

Cette arrogance politique d’Israël repose aussi sur des élites sionistes ou prosionistes financières, principalement, mais aussi scientifiques et religieuses, disséminés au sein des capitales mondiales les plus influentes pour faire pencher la balance du côté de Tel Aviv. 

Israël ne serait pas ce qu’il est devenu sans le soutien des élites de par le monde. Mais ce soutien ne lui a pas été toujours acquis. Jusqu’à la seconde guerre mondiale, le sionisme a rencontré peu de sympathie, en tout cas peu d’engagement, même au sein de la diaspora juive.

Le soutien est arrivé après la guerre, à cause de l’émotion provoquée par l’holocauste. Mais sans émouvoir outre mesure le monde anglo-saxon. C’est le bloc communiste – Staline avait pensé combattre l’Impérialisme en aidant ce jeune État « progressiste » qui se battait contre la Grande-Bretagne – qui avait apporté la reconnaissance et les premières armes par l’intermédiaire de la Tchécoslovaquie.

La guerre de 1967 a constitué le tournant. Un jeune État sympathique, dynamique, socialiste (il a créé les kibboutzim mais seulement 2% de la population) égalitaire, se relevant d’une tragédie, soudain menacé par une nouvelle shoah menée par des Arabes fanatiques, assoiffés de sang (un leader palestinien avait eu la malencontreuse idée de vouloir « jeter les juifs à la mer). La gauche française, Jean-Paul Sartre en tête, s’est fait berner. La droite traditionnellement antisémite, encore frustrée de la perte de l’Algérie, avait applaudi à la leçon donnée aux Arabes. Le monde « civilisé » avait poussé un ouf de soulagement.

Bref, le régime sioniste avait vécu une vingtaine d’années d’état de grâce après sa victoire de 1967, qui avait permis pas mal de soutiens et de compromissions.

Le travail souterrain qu’Israël mène sans relâche depuis des décennies, et qui s’incruste dans tous les segments de la vie quotidienne, économique, au sein de la communauté politique et diplomatique dominante, au sein des…je dirais les « maitres du monde », s’appuie aussi sur l’information. Le sionisme en a fait un outil de propagande infaillible en s’octroyant une bonne partie de la presse écrite, des médias lourds, les chaines de télévision, l’industrie cinématographique et le contenu publicitaire… 

Il est indéniable que le sionisme a su s’intégrer au monde occidental et montrer qu’il en faisait partie. Le gouvernement travailliste israélien au pouvoir pendant 30 ans avait fait partie de l’Internationale Socialiste. À cause du boycott arabe qui l’empêchait d’intégrer la zone Asie, Israël participait aux compétitions sportives de la zone Europe. Très rapidement, l’État juif avait bénéficié d’accords avec la Communauté européenne naissante. L’immense courant de sympathie dont il avait bénéficié après 1967 avait drainé des dizaines de milliers de jeunes Européens dans les kibboutzim. Et puis il y a eu ces innombrables liens qui ont ancré une image d’Israël dynamique et sympathique. Dans les années 60 en France, on glorifiait le « sabra », le nouvel Israélien né dans le pays, tendre en dedans et piquant à l’extérieur. C’était l’époque ou Rika Zaraï, jeune chanteuse israélienne passait à la télévision française dans son uniforme de Tsahal

Par contraste, le monde arabe s’était retrouvé coincé dans une attitude de négation de l’État juif, savamment exploitée par le régime sioniste, vu que toute solution diplomatique devait passer par le retour des réfugiés palestiniens. Ce qu’Israël refusait catégoriquement. On avait alors assisté à cette inversion de responsabilité incroyable où le « petit » David-Israël criait partout son désir de paix, pendant que le Goliath-Arabe jurait sa destruction. 

Il est aussi vrai qu’à l’époque les Arabes n’avaient pas bonne presse et ne trouvaient pas une oreille attentive et neutre auprès des médias occidentaux. Je ne crois pas d’ailleurs que la situation sur ce plan ait beaucoup évolué. 

Pour Israël, il existe aussi un apport extraordinaire et secret qui s’appelle les « sayanim », agents de l’ombre éparpillés dans toute la planète, et notamment dans le monde arabe, pour informer Tel Aviv en temps réel. Vous aviez été le premier à les débusquer. Mais la presse « occidentale » s’échine à discréditer cette piste secrète, ou pour le moins à en minimiser la portée… 

La création des « sayanim » en 1959 par le chef du Mossad Méïr Amit, a été un coup extraordinaire. Les « sayanim » sont des juifs vivant principalement dans les pays occidentaux et qui, par patriotisme sioniste, acceptent d’apporter leur aide au Mossad dans leurs domaines professionnels. On peut estimer leur nombre autour de 50 000. Ils occupent des fonctions importantes dans les médias, le cinéma, l’édition, la recherche, le commerce, la finance, la publicité, la politique, la culture, l’université, etc. 

Imaginez la force de frappe et d’influence que constituent ces milliers de personnes infiltrées dans les rouages essentiels des pays comme la France, les États-Unis, la Grande-Bretagne, et tous les pays ayant une population juive.

Les « sayanim » ont même créé en 2002 une loge maçonnique au sein du Grand Orient de France pour apporter la bonne parole de l’État juif.

J’étais toujours intrigué qu’aucun journaliste n’en ait jamais parlé ni même prononcé le nom. Je l’ai compris après la publication de mon roman : « Le Printemps des Sayanim ». On m’avait accusé de reprendre à mon compte les vieilles accusations du « complot juif mondial ». Or l’existence des « sayanim » a été décrite par Victor Ostrovsky, ex-agent du Mossad, et par Gordon Thomas, le grand spécialiste britannique des services secrets israéliens, qui avait recueilli les confidences de tous les chefs du Mossad depuis Méïr Amit et jamais démenties.

Cela montre aussi à quel point les « sayanim » infiltrés dans les médias font du bon boulot, puisqu’aucun journaliste n’ose même pas écrire ou prononcer leur nom.

Parlons un peu du Mossad, puisqu’il constitue la force de frappe d’Israël. Service de renseignement hyper-efficace et introduit au sein des élites dominantes des capitales occidentales. Toutefois, sa réputation n’est-elle pas surfaite, exagérée ? En tout cas, contrairement à ce qu’affirment les livres écrits par et sur le Mossad, aucun des responsables palestiniens de l’opération « Septembre noir » de Munich, en 1973 n’a été tué, à commencer par Mohamed Aoudah Abou Daoud, le cerveau du commando palestinien, qui est toujours en vie, et il soutient que le Mossad n’a tué que certains sous-fifres et jamais les « têtes » …

Je me permets de ne pas partager cette thèse. Je ne vais pas rentrer dans cette controverse macabre et apporter l’illustration des « exploits » du Mossad, ou du peu qu’on peut en savoir. Chacun se fera son opinion. Le Mossad ne s’est pas occupé que des Palestiniens. Des pays arabes ont été le théâtre d’opérations d’espionnages ou d’éliminations, sans compter les pays occidentaux et en particulier les États-Unis.

Comment concevez-vous les développements que subira inéluctablement le phénomène sioniste ? Assisterons-nous a la fin du « siècle juif », déjà annoncé par le discrédit idéologique que subissent les piliers du siècle juif, Einstein, Freud et Marx, et comme l’ont annoncé les affaires Madoff, Weinstein et Epstein ?

En embarquant, de gré ou de force, les communautés juives de la diaspora dans son combat, le sionisme a ouvert une boîte de Pandore aux conséquences incalculables.

L’opération n’avait que des avantages au départ. Nous avons vu l’apport considérable des « sayanim ». Mais il y a aussi tous ces relais communautaires bien implantés dans les pays occidentaux, et qui, sous couvert de combattre l’antisémitisme et en exploitant leur sentiment de culpabilité, arrachent des concessions au profit d’Israël. Qu’on pense au dîner annuel du CRIF où tout l’establishment français jusqu’au président de la République vient s’incliner et recevoir félicitations ou réprimandes. Alain Finkelkraut, avant de sombrer dans l’hystérie communautaire islamophobe, qualifiait ce dîner de « tribunal dînatoire ».

Ces communautés récoltent également des sommes colossales pour l’État juif. Une anecdote me revient en mémoire. Spielberg avait organisé il y a quelques années un cocktail avec des amis pour réunir des dons. À la fin de la soirée, 31 millions de dollars furent récoltés pour Israël. Cadeau.

Mais cette médaille a un revers. Les destins d’Israël et du peuple juif sont désormais inextricablement liés. On attribue aux communautés juives une part de responsabilité dans les exactions sionistes contre les Palestiniens et l’instauration d’une politique raciste à l’égard des Israéliens non-juifs. L’antisémitisme se développe en Occident, silencieux et sournois pour le moment, mais pour combien de temps ? Les délinquants américains que vous citez sont de parfaits Américains, mais l’opinion publique ne peut se défaire de l’idée qu’ils participent à un complot mondial et travaillent main dans la main avec Israël, leur vraie patrie.

Certains critiques visionnaires de l’instauration d’un État juif craignaient les répercussions néfastes que cela aurait pour le peuple juif dans son ensemble. Certains signes montrent que leurs craintes n’étaient pas totalement infondées.

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